• Puritaines? Vraiment?

     


    The_Scarlet_Letter_by_aru_loverPROSTITUTION : QUI SONT VRAIMENT LES PURITAINS ?

    Par Sporenda

        Il est pratiquement impossible de trouver un article défendant la prostitution où ne figure pas  le qualificatif de « puritaines » employé pour désigner les abolitionnistes.

    Bien sûr, la plupart de ceux qui lancent ce mot dans le débat n’ont pas la moindre idée de ce qu’était le puritanisme historique et semblent croire que ce mot est synonyme  de répression sexuelle et de croisade contre la prostitution.

    Dans le contexte actuel où le vote de la loi Olivier a exacerbé ces accusations de puritanisme, il est important d’examiner la relation entre puritanisme et prostitution et en particulier de déterminer si les Puritains étaient aussi opposés à la prostitution et aussi « réprimés sexuellement » que semblent le croire les anti-abolitionnistes.

    QUI ETAIENT LES PURITAINS, BREF RAPPEL HISTORIQUE …

    Queen_Victoria_1887En Grande-Bretagne, l’ère victorienne — qui consacre le triomphe  des valeurs  familiales bourgeoises en réaction  aux « mœurs licencieuses »  de l’aristocratie  sous la Régence-  est considérée comme l’ère puritaine par excellence.

    Il est alors prescrit aux femmes « bien » de se consacrer entièrement à leurs devoirs de mère et d’épouse : renvoyées  à la sphère domestique, elles n’ont pas d’existence civile, sont totalement dépendantes de leurs maris et leur assujettissement conjugal a rarement été aussi complet. Les biens de la femme deviennent propriété du mari lors du mariage et le restent même si elle quitte le domicile commun pour échapper à ses violences, et dans ce cas il a le droit de la kidnapper pour la récupérer et de la séquestrer.

    victorian colour 04Ces épouses bourgeoises peuvent d’autant mieux se consacrer  à leur vocation d’« anges du foyer » qu’elles sont  censées ne pas ressentir de désir sexuel, ou peu : « the majority of women are not much troubled by sexual feelings of any kind” écrit le vénérologue William Acton ( “The Functions and Disorders of the Reproductive Organs”). Qui ajoute: « l’amour du foyer, des enfants et des devoirs domestiques sont les seules passions qu’elles ressentent ».

    C’est une idée communément admise alors que « les femmes sont pures mais pas les hommes » car elles ne sont pas soumises  à la tyrannie des instincts sexuels (William Makepeace Thackeray, auteur du roman qui a inspiré le film « Barry Lyndon »,   »Pendennis”). De ce fait, elles sont  assignées au rôle de gardiennes de la morale—c’est elles qui doivent purifier  les hommes et les garder sur le droit chemin,  notamment par les liens sacrés du mariage. Et c’est justement parce qu’elles sont pures que le Premier ministre Gladstone affirme qu’elles ne doivent pas voter : la brutalité des joutes politiques offusquerait leur délicate sensibilité. Cette notion de la femme sans libido est un apport du puritanisme victorien et n’était pas généralement admise au XVIIIème siècle.

    Si les épouses sont tenues à la fidélité conjugale, les époux continuent par contre d’avoir toute liberté de pratiquer tous types d’ébats sexuels  avec des femmes autres que la leur, et la loi  sur le divorce (passée en 1858) qui ne reconnaît pas l’adultère de l’homme comme motif de divorce–contrairement à celui de la femme–sanctionne cette liberté.

    corsetsDes autorités religieuses de l’époque peuvent bien porter une condamnation morale contre la prostitution mais aucun victorien ne songe sérieusement à s’y opposer : elle est jugée regrettable mais  inévitable, « un mal nécessaire pour protéger la pureté des filles et des femmes et la sainteté du mariage », écrit encore Acton. S. Kent précise que  ce mal nécessaire « protège les femmes pures qui sinon pourraient involontairement provoquer le mâle à les violer » (Susan Kent, “Sex and Suffrage in Britain”).

    Le même auteur ajoute qu’elle est absolument indispensable parce qu’elle sert une finalité biologique : elle répond à «  l’urgence des pulsions  masculines et à la  nécessité de les soulager ».

    Dans ce discours victorien, les pulsions sexuelles masculines sont à la fois impératives et fondamentalement dangereuses : les hommes sont « par nature » sexuellement agressifs, aucune femme n’est à l’abri, et si cette agression sexuelle tous azimuths n’était pas canalisée, les femmes respectables elles-mêmes pourraient en être la cible.

    imagesCet argument de la prostitution qui protégerait les femmes contre le viol figure toujours en vedette dans l’argumentaire des défenseurs actuels de la prostitution. Et selon eux, ce risque de viol proviendrait  identiquement des « pulsions masculines incontrôlables ». Dans la version moderne, les hommes seraient esclaves de  leur testostérone (ou de la nécessité physiologique de vider leurs testicules), régis par des déterminismes biologiques qui les poussent à commettre des violences sexuelles et  qu’ils seraient impuissants à maîtriser.

    Evidemment,  le postulat des pulsions sexuelles, même  dangereuses,  qui ne doivent  pas être réprimées ne concerne ni les femmes, ni les homosexuels ni les hommes de couleur.

     Dans une telle situation où tout homme pourrait violer n’importe quelle femme, le droit de propriété  exclusif des maris sur leurs épouses ne serait plus garanti, ce qui déchaînerait  des  affrontements  pour la possession des femmes : la solidarité masculine serait rompue.

    article-2157884-13907C1D000005DC-781_638x489Pour concilier préservation du pacte patriarcal  et soulagement pulsionnel masculin, le discours victorien  préconise que celui-ci soit dirigé vers certaines catégories de femmes dont le viol est jugé sans conséquence : celles qui appartiennent aux classes inférieures qui—ça tombe bien—sont considérées à l’époque comme hypersexuées, donc faites pour ça.

    Dans cette logique, une catégorie de femmes –les putains—est désignée comme cible légitime des agressions sexuelles masculines et doit être sacrifiée pour préserver l’autre—les épouses ; cette nécessité de « faire la part du feu » en définissant deux types de femmes, celles que l’on peut violer et celles  que l’on ne peut pas violer, est clairement exprimée dans des textes de l’époque qui constatent que, regrettablement, le « sacrifice des femmes pauvres à la lubricité masculine » est inévitable.

    C’est le fait même que le puritanisme victorien fétichise la pureté des femmes tout en légitimant le libertinage des époux qui rend indispensable l’existence d’une classe de prostituées censées servir d’abcès de fixation aux pulsions masculines. Loin de s’opposer à la prostitution, les victoriens  la considèrent  donc comme absolument indispensable à la protection de la chasteté féminine, de la famille et de l’ordre moral.

    Unknown-1Dans la vision puritaine de la prostitution, celle-ci n’est pas  un simple privilège masculin, elle est une institution d’utilité publique (4 On trouve originellement cette conception de la prostitution comme mal nécessaire pour le bien commun  dans des écrits chrétiens comme ceux de Saint Augustin et Saint Thomas d’Aquin..)

    Si cette question de la prostitution préoccupe beaucoup les victoriens, ce n’est pas parce qu’ils veulent la réduire  mais au contraire l’organiser et la réglementer.  C’est ce qui est fait avec  les « Contagious Diseases Acts » dès 1864, passés dans le but  d’augmenter le contrôle social sur les prostituées, vues comme dangereuses à cause des maladies vénériennes qu’elles sont censées propager et de la criminalité qui se développe autour de leur commerce.

    La seule prostitution que les législateurs veulent  faire disparaître, c’est la prostitution de rue qui crée des désordres et dont la vue les choque : ils veulent la rendre invisible en obligeant les prostituées à exercer  dans des lieux clos. Ils veulent aussi que disparaisse la prostitution « sauvage » et pour cela,  les filles  devront être enregistrées auprès des services de police. D’après les historiens, ces réformes n’auront guère pour résultat que d’augmenter le pouvoir des proxénètes sur les « filles publiques ».

    images-1Bien sûr, si l’Angleterre et la France (dont s’inspirent les Anglais) sont prises alors d’une véritable frénésie règlementariste, ce n’est pas pour protéger les prostituées.  Ce qui motive l’approche règlementariste, c’est  la protection des hommes, en particulier de leur santé en tant que  clients susceptibles d’être infectés par des MST : des informations alarmantes circulent sur le taux de contamination de la population masculine, en particulier des soldats : 1 sur 3 serait affecté, la syphilis saperait l’aptitude au combat de  l’armée britannique et produirait des individus dégénérés. Suite aux Contagious Diseases Acts, les prostituées enregistrées ayant pour clients des soldats ou des marins sont désormais soumises à des visites médicales régulières  et la police peut contraindre à un examen médical et à un séjour prolongé en hospice toute femme prostituée ou suspectée de l’être. Examen qui ne concerne évidemment pas les clients  responsables de leur contamination.

    Cette idée que la prostitution est socialement  utile  mais doit être encadrée  par des règlements  stricts pour réduire ses nuisances (comme le racolage dans les quartiers bourgeois)  est toujours soutenue par les anti-abolitionnistes. Bien que le règlementarisme historique n’ait pas davantage réussi à faire disparaître la prostitution sauvage qu’à réduire la propagation des maladies vénériennes, un mouvement néo-règlementariste a fait sa réapparition il y a une vingtaine d’années et ses positions ont  obtenu gain de cause dans plusieurs pays.

    Ceux qui sont revenus au  règlementarisme malgré l’échec de celui-ci au XIXème siècle ont connu les mêmes résultats : une explosion de la prostitution, légale mais surtout illégale, accompagnée d’un développement exponentiel des réseaux de trafic et de proxénétisme et de la criminalité qui en découle. Et les Eros Centers installés dans les centres urbains n’ont  pas davantage amélioré la condition des personnes prostituées que les bordels d’autrefois .  

     STIGMATISATION

    images-1Dans l’Angleterre victorienne, les prostituées sont plus que jamais méprisées—les termes utilisés pour les désigner sont « femme tombée », « pariah », « dépravée », « perverse »   et « lépreuse »–elles sont vues  comme des tentatrices qui piègent les mâles innocents ou au mieux comme des pécheresses à ramener dans le droit chemin.

    Leurs clients, en revanche, bénéficient d’une complète indulgence sociale : « on ne peut faire de comparaison entre les prostituées et les hommes qui les fréquentent : pour l’un des sexes, l’offense est commise pour l’appât du gain, pour l’autre, c’est une faiblesse  due à une pulsion naturelle » écrivent les auteurs du rapport de la Commission Royale sur la prostitution en 1871.

    Ce discours qui excuse les clients et accable les prostituées  comme seules causes de l’existence de la prostitution parait  contradictoire puisqu’il identifie sexualité masculine et agression sexuelle. Mais lorsque des hommes commettent des actes sexuels « immoraux », y compris avec des enfants, ils sont exonérés de toute responsabilité et l’immoralité est le fait des victimes puisque l’opinion reçue est qu’ils ont été séduits et provoqués.

     Au 21ème siècle, non seulement  ce sont toujours les femmes économiquement vulnérables qui fournissent  les gros bataillons de la prostitution mais le discours qui excuse  les acheteurs de rapports sexuels tarifés et  stigmatise les prostituées qui les vendent est toujours en place, avec  peu de changements.

    Ceux qui soutiennent que la prostitution est « un métier comme un autre » considèrent en fait que la prostitution est surtout « un métier pour les autres » : pour les pauvres et les immigrées, pas  pour les femmes de leur famille ou de leur classe sociale. A Pascal Bruckner, tenant de la thèse « un métier comme un autre », un écrivain connu avait  répondu que « dans ce cas-là sa fille pourrait le faire ». Bruckner a fait un procès à l’auteur et au magazine qui l’avait publié et  l’a gagné.

    De même que persiste  le discours qui innocente les agresseurs sexuels en invoquant la provocation de la part de celles qui en sont victimes.

    DOUBLE STANDARD

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    Deux poids deux mesures: le puritanisme victorien  incarne une version  exacerbée du double standard. Aux femmes destinées à être des épouses, la  sexualité conjugale reproductrice « vanille », toute autre forme d’expression sexuelle  leur vaut d’être socialement ostracisées, voire excisées : l’ablation du clitoris était pratiquée par certains médecins victoriens pour « guérir » des femmes diagnostiquées comme hystériques, masturbatrices ou nymphomanes.

    Seules les prostituées et les femmes des classes inférieures sont vues comme possédant ces «bas  instincts» sexuels ; hypersexuées, elles sont considérées comme physiologiquement différentes des femmes honnêtes.

    Fantasmes dont il reste quelque chose chez  des avocats actuels de la prostitution qui prétendent que si certaines femmes se prostituent, c’est parce qu’elles « aiment ça ».

    RÉPRESSION SEXUELLE DES FEMMES

    Le puritanisme n’est donc pas du tout une répression tous azimuths de la sexualité ; en fait, seule la sexualité féminine est réprimée :

    -       réprimée chez les bourgeoises  que le discours victorien prétend  dénuées de libido, tout en affirmant contradictoirement qu’elles doivent être sévèrement punies si elles persistent à en avoir une.

    -       réprimée chez les prostituées dont la sexualité n’est reconnue que dans la mesure où celle-ci se limite à satisfaire les exigences sexuelles de leurs clients.

    Dans les deux cas, la possibilité que la sexualité féminine puisse être autodéterminée et autocentrée est  impensable ; dans l’idéologie victorienne, seule la libération des pulsions masculines est licite et les femmes n’en sont que le réceptacle.

    ÉROTISATION DE LA SUBORDINATION

    Pour le victorien, c’est  le fait même que les prostituées sont dégradées—par leur activité, par leur sexe, leur classe sociale—qui les rend sexuellement excitantes : le désir éprouvé pour une femme est directement proportionnel à son infériorisation.

    Freud, victorien typique, a parlé à ce sujet du besoin masculin d’un « objet sexuel rabaissé » : l’homme ne peut ressentir d’excitation sexuelle que s’il méprise sa partenaire, la subordination est non seulement érotisée, elle est la condition même de l’érotisation.

    En conséquence, la sexualité victorienne radicalise l’opposition maman/putain , le puritain-type veut que sa femme soit pure et irréprochable et que sa « pute » (diraient les 343 salauds) soit  dépravée  et lubrique ; c’est l’homme  respectable qui va au bordel le samedi soir et le dimanche matin au temple : Dr Jekyll et Mr Hyde. Ce n’est pas un hasard si le personnage à deux faces de Robert Louis Stevenson a été inventé en pleine ère victorienne.

    Unknown-1Le revers de toutes les sociétés puritaines proposant un idéal de moralité inaccessible est évidemment l’hypocrisie : « les hommes aiment une classe de femmes, leurs épouses, mais ils ont recours à des prostituées pour le sexe, tout en prêchant la pureté pour leurs femmes ». remarque W. R. Greg (5. W.R Greg, “Prostitution”, The Westminster Review, 1850). Tel avocat de la pureté des épouses comme Patmore, qui célèbre dans ses écrits la figure de l’épouse « ange du foyer » avait une très importante bibliothèque pornographique : beaucoup de victoriens violaient secrètement le code moral qu’ils préconisaient.  Ce qui est condamné socialement, ce n’est pas tant le vice—tant qu’il reste caché–, que sa révélation, qui provoque le scandale.

    Même si la distinction entre ces deux catégories maman/putain est un peu brouillée de nos jours, de nombreux de clients modernes de la prostitution arguent qu’ils ont certains fantasmes qu’ils n’osent pas ou ne veulent pas demander à leur compagne de réaliser, précisément parce qu’ils  la respectent.  Ou ils confient qu’ils ne désirent plus leur femme , trop convenable pour être excitante, d’où leur recours à des prostituées.

    Dans les deux cas, ils laissent entendre qu’ils ne peuvent atteindre une excitation sexuelle intense qu’avec une femme de statut social et moral dégradé : c’est l’existence d’un différentiel hiérarchique entre eux et leur partenaire qui conditionne leur érection, à la différence de genre venant s’ajouter  celles de classe et –suite à la globalisation– de « race ».

    Pour ces hommes, la sexualité sert toujours à acter leur statut de dominant, tout rapport sexuel fonctionne ainsi implicitement ou explicitement sur un schéma SM, et la jouissance sexuelle est surtout la jouissance  du sentiment de pouvoir que leur procure  le rapport sexuel.

    Bien plus, pour nombre de clients de la prostitution moderne, le recours aux prostituées est recherché comme donnant accès au seul espace (avec le porno) encore non  contaminé par les principes d’égalité des sexes, où ils peuvent retrouver le degré de soumission féminine qui existait dans les sociétés du XIXème siècle et dont ils regrettent amèrement  la disparition.

    PEUR D’UNE SEXUALITÉ FÉMININE AUTONOME

    Entre frigide et insatiable, clairement, la sexualité féminine est anxiogène pour les victoriens; dans leur vision, la femme enjôleuse et  tentatrice laissée libre d’utiliser son pouvoir sexuel à sa guise peut faire tomber l’homme dans ses filets, le manipuler comme un pantin  et l’évincer de sa position de dominant.

    Unknown-5Les images de femmes fatales, dominatrices et « castratrices » abondent dans la peinture de l’époque : Messaline, Salomé, Dalilah, etc. Ces figures  maléfiques expriment la « panique morale » masculine devant tout  possibilité d’autonomie  sexuelle féminine, hypothèse absolument terrifiante dans les sociétés puritaines–chrétiennes comme musulmanes.

    Que le corps et la sexualité des femmes puissent échapper au contrôle des hommes, non seulement c’est une menace pour l’autorité et l’ordre rationnel masculins  mais cela met en péril  la virilité même : face à des femmes sexuellement  non soumises, les hommes ont peur de ne plus avoir d’érections–l’égalité des sexes empêcherait de bander.

    Unknown-6Evidemment, dans  cette conception où le rapport sexuel présuppose et confirme l’inégalité des partenaires, la sexualité est complètement phagocytée par le politique : il ne s’agit pas tant de jouir sensuellement du corps de l’autre que d’affirmer son pouvoir sur lui.

    Ces peurs et ces fantasmes sous-tendent encore l’argumentation des rétrogrades qui défendent la prostitution au 21ème siècle :

    -  désir de contrôler le corps des femmes—la loi espagnole interdisant l’avortement témoigne que ce désir n’a pas disparu et  ne demande que des circonstances favorables pour s’exprimer.

    - désir de contrôler la sexualité des femmes : dans la prostitution, en payant ; dans les rapports hétérosexuels, en imposant comme « sexualité » une sexualité masculine centrée sur la pénétration.

    - désir de continuer à disposer d’une catégorie de femmes vouées à les servir sexuellement.

    - revendication de l’inégalité comme indispensable au désir, peur d’être dévirilisé par la montée en puissance des femmes , toute manifestation d’indépendance féminine conjure un fantasme d’impuissance sexuelle,  qui signifie perte de pouvoir tout court :  des hommes devenus impuissants  perdraient nécessairement toute autorité sur les femmes.

    NO LIMITS NO LAWS

    Dans la gestion de la sexualité puritaine, à la répression obsessionnelle de  la sexualité féminine  répond la libération encouragée et organisée des pulsions masculines, posées comme non  négociables. Hormis le droit de propriété des autres hommes sur leurs femmes, certains soucis d’hygiène et d’ordre public  et le respect des convenances, non seulement rien ne doit en entraver ou  restreindre l’expression mais tout doit être fait pour qu’elles puissent être assouvies partout et toujours.

    Aux hommes, une large gamme d’options sexuelles est offerte, pourvu qu’ils puissent payer. Malgré –ou à cause—de la réprobation  exprimée par les autorités morales et religieuses, la prostitution prospère: la seule ville de Londres, selon la revue médicale ‘The Lancet’, aurait compté environ 80 000 prostituées (pour 2,3 millions d’habitants) en 1887, soit deux fois plus que le nombre actuel de prostituées estimé par l’OCRTEH pour toute la France.

    A l’apogée du puritanisme victorien correspond donc une apogée de la prostitution,  les années 1850 ont été nommées « the golden years of prostitution » par des historiens.

    La prostitution est omniprésente dans les rues des grandes villes anglaises : les salaires de misère payés aux jeunes ouvrières les obligent pratiquement à se prostituer pour survivre.

    Contre argent, toutes les perversions peuvent être satisfaites, il existe des bordels pour tous les goûts : SM, homosexuels, petites filles ou petits garçons, etc. L’âge requis pour le consentement était 13 ans, et la plupart des prostituées entraient dans le métier vers 11/12 ans.

    L’apparition de la photographie entraîne aussi une production considérable de matériel pornographique déclinant pareillement toute la gamme des fantasmes masculins : SM, inceste, viol, pédophilie, orgies. Des « bottins » sont publiés régulièrement listant des centaines de prostituées, avec leurs photos, leurs spécialités et leurs tarifs : l’ère victorienne est aussi un âge d’or de la pornographie.

    Cora1Les hommes respectables osent les pires violences sur les enfants et les femmes pauvres sans encourir de  réprobation ou de sanction sociale : la courtisane Cora Pearl raconte dans ses mémoires comment à l’âge de 13 ans, ayant été abordée dans la rue par un bourgeois qui lui offrit d’aller manger des gâteaux dans un café, elle perdit connaissance après avoir bu une limonade et se retrouva quelques heures après dans un lit avec du sang entre les jambes.

    L’auteur inconnu de « My Secret Life »,  journal de sa vie sexuelle tenu par un riche bourgeois dont l’identité n’a pas été élucidée,  raconte sans aucun embarras comment, contre argent comptant, il peut régulièrement violer des petites filles de 10 ans (6.  My Secret Life (1888), Walter http://en.wikipedia.org/wiki/My_Secret_Life_(erotica)). Rien n’est fait pour réprimer de tels comportements, la loi reste en dehors de la sphère privée,  les conduites masculines les plus abjectes sont sanctuarisées par le pouvoir de ceux qui s’y livrent, et les victimes se taisent.

    William_Thomas_SteadCe n’est que vers les années 1880 qu’une vraie mise en cause de la prostitution des enfants se fait jour dans l’opinion, suite en particulier à une série d’articles écrits par le journaliste W.T. Stead  intitulés « The Maiden Tribute of Modern Babylon » (7.  W.T. Stead, “The Maiden Tribute of Modern Babylon”, Pall Mall Gazette, juillet 1885). Celui-ci avait été écoeuré de découvrir à quel point  ces pratiques pédophiles étaient répandues, et surtout que les autorités en étaient pleinement informées mais fermaient les yeux eu égard au rang social des pédophiles. Ses évocations des « chambres capitonnées où des débauchés des classes supérieures  pouvaient  …se délecter  des cris d’un enfant en bas âge » font l’effet d’un électrochoc sur l’opinion, les législateurs réagissent et cette campagne aboutira au passage de la « Criminal Law Amendment Act » de 1885.

    Suggérer comme le font  les pro-prostitution actuels que puritanisme = abolitionnisme et répression sexuelle est donc un contresens total : en fait, le puritanisme est un fondamentalisme patriarcal, la pureté sexuelle chère aux puritains n’est réellement exigée que des femmes et cette injonction de pureté permet de maximiser le contrôle masculin et la répression sexuelle dont elles font l’objet.  Andrea Dworkin a très bien compris que le puritanisme n’était qu’une ruse patriarcale, une « stratégie masculine  pour garder le pénis caché, tabou et sacré ».

    Corrélativement, si la prostitution fait l’objet d’une condamnation  hypocrite dans les sociétés dites puritaines, elle y bénéficie en réalité d’un large soutien social et institutionnel.

    Epouses  plus ou moins asexuées pour le service domestique et reproductif et  « filles publiques » hypersexuées pour le service sexuel : « le code victorien est fondé sur le partenariat prostitution/mariage ».

    bordel-ok copieJ’ai pris pour exemple le puritanisme victorien mais des systèmes de prescriptions et d’interdits similaires axés sur la même obsession de la pureté féminine encadrent les femmes dans toutes les sociétés puritaines, aux Etats-Unis à la période coloniale comme dans des cultures  non occidentales. On sait par des exemples récents que les bordels et la prostitution de rue ne disparaissent pas  dans les pays où des régimes  fondamentalistes ultra-religieux mettant en oeuvre un contrôle très strict des femmes arrivent au pouvoir : la prostitution (par exemple sous la forme coranique du mariage temporaire) n’a pas disparu en Afghanistan au temps des talibans et pas davantage en Egypte sous le gouvernement Morsi. En Turquie, les fondamentalistes religieux de l’AKP (le parti d’Erdogan) loin de chercher à abolir la prostitution, l’ont réglementée : les sociétés puritaines, patriarcales et misogynes,  s’accommodent fort bien de l’institution patriarcale et misogyne qu’est la prostitution.

    QUI SONT VRAIMENT LES PURITAINS ?

    Et donc, face aux  accusations de puritanisme lancées par les pro-prostitution contre les féministes abolitionnistes, on doit poser la question : qui sont vraiment les  puritains ?

    Les anti-abolitionnistes prétendent présenter comme un choix libérateur, moderne et porteur d’empowerment une institution patriarcale plurimillénaire qui, avec le mariage traditionnel,  organise la domination des hommes sur les femmes depuis des siècles.

    Leur défense de la prostitution repose, avec peu de changements, sur les mêmes archétypes ancestraux et est calquée— parfois mot pour mot—sur celle des puritains victoriens.

    Unknown-4Ils se prétendent pro-sexe mais considèrent que leur satisfaction sexuelle exige la destruction de la sexualité des prostituées et la restriction  de celle des autres femmes, uniquement autorisées  à jouir d’être dominées (cf. Fifty Shades of Grey).

    Inversion patriarcale caractérisée : alors que le puritanisme a pour conséquence de renforcer le contrôle masculin sur la sexualité féminine, ils  accusent de puritanisme les féministes qui veulent au contraire libérer les femmes de ce contrôle.

     ANTISEXE OU ANTI-AGRESSIONS SEXUELLES ?

    Qui accuse les féministes d’être puritaines et  antisexe ?

    imagesAvant Antoine, Elisabeth Lévy, Caubère & co, les défenseurs de DSK ont crié au « retour du puritanisme » quand leur héros a été inculpé pour tentative de viol. Parmi eux, de grands démocrates et hommes de gauche comme Jean-François Kahn et Jack Lang  ont montré en quel mépris ils tenaient les femmes  et les lois républicaines punissant le viol dès lors que solidarité masculine et copinages politiques étaient en jeu.

    A cette occasion, les medias ont repassé en boucle  les inusables clichés  de comptoir sur le puritanisme des Américains qui— violence inouie  —ont osé arrêter un suspect de viol présidentiable.

    Les mêmes accusations de puritanisme ont été lancées par les supporters de Roman Polanski (qui sont  à peu près les mêmes que ceux de DSK): comment—disaient-ils–  pouvait-on tenir rigueur à ce grand artiste de quelques lointaines incartades ?

    Pour eux, le scandale n’était pas qu’un homme ayant violé une gamine de 13 ans ait échappé si longtemps à la justice américaine mais que celle-ci ait considéré qu’un artiste riche et célèbre n’était pas pour autant  au-dessus des lois : anathème en France, où  au contraire le fait de faire partie de l’élite est censé vous conférer protections et passe-droits.

     

     

     

     

     

    Et tout récemment on retrouve ces accusations sous la plume de Gabriel Matzneff et de ses fans,  indignés qu’une pétition ait été lancée contre l’attribution du Prix Renaudot à cet avocat enthousiaste de la pédophilie qui déplorait dans un de ses livres que la bourgeoisie ait érigé un «mur de protection moralisatrice puritaine autour des adolescents ».

    Ces accusations de puritanisme ont toujours accompagné le féminisme : les suffragettes étaient déjà traitées de prudes quand elles dénonçaient incestes et viols d’enfants et voulaient faire relever l’âge du consentement à 16 ans.

    Et donc :

    Dès que les féministes prétendent dénoncer le harcèlement sexuel, le viol et la pédocriminalité et demander que les lois censées les punir soient vraiment appliquées, le chœur des prédateurs sexuels et de leurs admirateurs donne de la voix et hurle au puritanisme.

    Que soit dénié aux hommes le droit de violer et de violenter impunément est  présenté  comme une atteinte insupportable à leur liberté.

    Que soit mis en cause leur droit inconditionnel à  disposer d’une sous-classe de femmes sexuellement à leur service est vécu comme  un déni de justice.

    Que certaines osent simplement suggérer que non, les femmes ne sont pas  obligées d’avoir des rapports sexuels à la demande ou d’accepter des pratiques pornos dégradantes  constitue  pour eux une « attaque contre la sexualité masculine ».

    Unknown-2Est ainsi qualifiée de puritaine (ou coincée, ou frigide, ou prude), toute femme qui refuse ou pose des limites aux exigences sexuelles masculines. Dans cette stratégie d’intimidation très efficace, toute femme qui ne se soumet pas  est désignée comme « anti-sexe », toute dénonciation des violences sexuelles est qualifiée de «retour à l’ordre moral».

    Dénoncer les violences sexuelles masculines n’est pas être anti-sexe. Si certains hommes voudraient nous le faire croire, c’est justement parce qu’ils confondent sexualité masculine et agression sexuelle.

    Pour ces hommes, même s’ils font mine de les accepter publiquement,   les principes d’égalité des sexes ne sont que des mots vides de sens et les lois punissant les violeurs et les pédocriminels des chiffons de papier qu’il n’a jamais été question d’appliquer vraiment ; 

    la seule loi  qui compte à leurs yeux, celle qui prime  sur toutes les autres, c’est le droit patriarcal intangible d’accès sexuel au corps des femmes.

    SPORENDA

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  • La chevelure féminine : tout un symbole

    Les textes et pratiques religieuses qui interdisent à la femme de montrer ses cheveux sont à l’origine de cette confusion entre chevelure et sexualité.

    Qu’advint-t-il de Samson sans sa chevelure ? Il perdit sa virilité lorsque Dalila lui coupa ses cheveux. Pour de nombreuses civilisations, raser les cheveux d’une personne est un signe de mutilation et de propriété : le scalp des Indiens avait ce sens.

    Mais, tantôt, le geste de refuser de se couper les cheveux, comme les hippies, fut une marque de rébellion, tantôt, le geste de se les raser marque une prise de position vis à vis de la société, comme pour les skinheads.

    Un interdit religieux

    La longue chevelure d’une femme est, depuis la nuit des temps, chargée d’une dimension charnelle et érotique.

    Les textes et pratiques religieuses [1] interdisent explicitement à la femme de montrer sa chevelure, comme s’il s’agissait là d’une exhibition indécente de son intimité sexuelle, sont à l’origine de cette confusion entre chevelure et sexualité.

    Ce fut la raison pour laquelle pendant bien longtemps, les femmes ne sortaient jamais sans chapeau et se couvraient la tête lorsqu’elles pénétraient dans une enceinte religieuse. De nos jours, les femmes des pays musulmans sont encore astreintes au port du voile pour dissimuler leurs cheveux, et le pouvoir de séduction qu’on leur attribue.

    C’est pourquoi couper ou tondre les cheveux féminins a toujours été pratiqué dans le but d’humilier, de mutiler la femme de ce qui la caractérise.
    Lors de la Libération, les françaises qui avaient eu des relations avec des allemands, ont ainsi connu le supplice du crâne rasé. Cette tonte leur ôtait cette « féminité » dont on jugeait qu’elles avaient abusé.
    Les tontes pratiquées autrefois dans les couvents avaient également pour but d’ôter tout attrait aux nonnes, en les assexuant.

    La longue chevelure, apanage de la femme ?

     


    Les interdits religieux, généralement inconscients, demeurent bien vivaces. Car si la religion a vu sa pratique tomber en désuétude, elle a cependant profondément gravé ses tabous dans nos valeurs. Si la société s’est laïcisée, et qu’il n’y a plus de raison désormais de cacher sa chevelure, celle-ci n’a pas rien perdu de sa connotation érotique.

     

    La norme sociale est lontemps restée sur le modèle des cheveux longs pour la femme, courts pour l’homme, et nombreuses sont les actrices et les modèles qui mirent en valeur la longue et épaisse chevelure, symbole de sensualité et de féminité.

    Les années folles et la mode des cheveux courts lançée par ces premières femmes émancipées, qui furent d’ailleurs appelées « Les Garçonnes », signe un tournant, et une tentative de se libérer de ces carcans. La féminité ne se résume pas à une chevelure : encore heureux !

    Inversement les cheveux longs des années 70 portés aussi bien par les hommes que par les femmes, ont achevé de défaire ce cliché. La longueur du cheveu n’est effectivement pas un critère de sexe.

    Pourtant, aujourd’hui encore, la chevelure d’une femme est souvent perçue comme le côté troublant de sa féminité. Même si plusieurs savent jouer avec des coupes courtes tout aussi sensuelles, sans être à leur tour taxée de « garçonnes », elles sont souvent perçues comme moins « féminines ».


    [1Lire à ce sujet : 

    « Si la femme ne porte pas de voile, qu’elle se fasse tondre ! »et Interdiction de se raser la tête.

     

    http://www.tetue.net/la-chevelure-feminine-tout-un-symbole

     


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    La femme, cette sorcière !

    Moyen-âge occidental XII-XVIe siècle...

     
    Pourquoi parlait-on bien davantage de « sorcières » que de « sorciers » ?
    On a brûlé trois ou quatre femmes pour un homme, estiment aujourd’hui les historiens. Entre 1576 et 1606, un juge Lorrain condamna à périr par le feu deux à trois mille sorcières.
    Un véritable gynécide !
    Sorcières au bûcher
     
    Entre le XIIIe et le XVe siècle, des milliers de femmes furent brûlées vives sur les places publiques.
     
    C’est qu’en cette époque fortement misogyne, la femme est considérée comme étant une créature maligne : une créature sans âme, animale, complètement livrée à la sensualité et au plaisir charnel.
     
     
     
    La sexualité était une véritable obsession pour l’ensemble de l’institution ecclésiastique, en cette fin de moyen-âge.
     
    La propension de la femme au plaisir charnel constitue donc, à leurs yeux, la source du mal qu’il faut exterminer.
    D’une façon générale, la femme est possédée : elle est du côté de la vie, du corps, de la nature — de Satan donc.
    On se représente alors la nature comme une force vitale, avec des caractères extérieurs, mais qu’accompagnent des qualités occultes.
    Elle est constellée de signes qu’il faut décrypter.
    Leur interprétation oriente une action sur tout ce qui concerne la vie des hommes et celle des bêtes, la santé, l’amour, la sexualité, et surtout, ces deux monstruosités que sont la maladie et la mort.
    En tant que pratique païenne vénérant la nature, la sorcellerie est vue comme une conspiration satanique dans laquelle les sorcières elles-mêmes constituent une véritable contre-église féminine, sous la protection de leurs amoureux influents, les démons, augmentant de ce fait, leurs propres puissances.
    Ce furent plus particulièrement les femmes libérées de la tutelle de l’homme qui servirent de bouc-émissaire aux colères et à l’incompréhension de ce peuple ignorant face aux événements.
     
    Sources /
    http://www.tetue.net/la-femme-cette-sorciere
     
     
     
     
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  • LA MENOPAUSE au MOYEN AGE... celà comme bien....
    Si la jeune femme est une tentatrice, la vieille sale et répugnante incarne la sorcière et le visage de la mort.
    Avec la ménopause, elle ne peut plus évacuer les humeurs dangereuses que produit le corps, elle les garde en elle et devient aussi nocive que le poison le plus violent.
    Longtemps, les autorités ecclésiastiques se sont montrées réticentes face à ce qu’elles considèrent comme des superstitions…
    Un guide de visites épiscopales, rédigé à la demande de l’archevêque de Trêves en 906, dénonce les »vieilles croyances » en particulier, les chevauchées nocturnes des femmes …
    L’archevêque l’assure fermement : croire en de telles illusions, c’est se laisser tromper par Satan…
    Cependant, sous l’influences des ‘hérésies’ et de l’apparition des ordres mendiants.. la sorcellerie devient une arme politique utilisée par les puissants…
    La bulle Super illius specula du pape Jean XXII marque un tournant en 1326…
    Elle est désormais non plus considérée comme une superstition, mais comme une hérésie, une hérésie satanique.
    Sa répression est confiée à l’inquisition…
    » Le marteau des sorcières » écrit par des dominicains en 1486 est un véritable cri de haine contre les femmes.
    Sources :
    La vie des femmes au Moyen-âge par Sophie Cassagne.
     
     
     
     

     


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    Crise d’apoplexie au sommet de l’état le 16 février 1899....
     
     
     
    Crise d’apoplexie au sommet de l’état ( photographie de FELIX FAURE )
    Le 16 février 1899, Félix Faure meurt accidentellement dans les bras de sa maîtresse, Marguerite Stenheil. Mais de quoi précisément meurt-il ?
    Ian Geay, spécialiste de la littérature fin de siècle, qui consacre à cet «accident» un article lumineux, raconte :
    «Selon Hugues Le Roux, journaliste et ami du président, ce dernier est mort d’un arrêt cardiaque. L’un des médecins chargés d’expliquer sa mort confirme le diagnostique en concluant au “surmenage, professionnel, alimentaire ou quelconque“.Mais Maurice Paléologue, chargé des affaires réservées au Quai d’Orsay, offre, à travers quelques détails relatifs à la découverte du cadavre, une version différente du récit officiel :
    “Et que voit-il ? Le président évanoui, foudroyé, dans le dévêtement le plus significatif ; près de lui, toute nue, Mme Steinheil, hurlante, délirante, convulsée par une crise de nerfs. Avant d’appeler au secours, il veut rétablir un peu d’ordre. Mais outre que Mme Steinheil se débat dans les spasmes et les contorsions, le président lui tient les cheveux entre ses doigts crispés“
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    Le rôle criminel de la fellation
    Ian Geay commente :
    «Nous ne savons pas quelle caution apporter à ce témoignage, mais la charge imaginaire est indéniable : la position, décrite par Paléologue, indique que Félix Faure s’est éteint entre les lèvres de sa maîtresse, révélant, en cette queue de siècle, le rôle symbolique et criminel de la fellation.
    Et Clémenceau d’accréditer le pouvoir dissolvant de la caresse en déclarant à propos de l’heureux défunt :
    “Il voulait être César, il ne fut que Pompée“.
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    Le caractère grivois de l’attaque n’aura échappé à personne si l’on se souvient qu’à l’époque, le tout-Paris avait surnommé Marguerite Steinheil la “Pompe Funèbre“ »… A la même époque, beaucoup des clients de bordels demandent aux prostituées l’option «pompoir» et Huysmans se plait à décrire la «bouche spoliatrice» de ces «gouges» qui attendent le client avec des yeux de mourante galvanisée. Elles font peur. Elles fascinent.
    Cannibalisme sexuel : prise de pouvoir au féminin
    S’il faut en croire Ian Geay, qui publie sur le sujet vingt pages de haute voltige, dans la très érudite et décadente «revue finissante» Amer (qu’il a lui-même créée), la fellation mortelle du Président condense toutes les angoisses viriles de ce XIXe siècle finissant… «La crise d’apoplexie, qui frappe Félix Faure, illustre, pour ses contemporains, le rôle destructeur de la femme dans le champ de la politique», dit-il. Pour Ian Geay, le plaisir oral va en effet bien au-delà de ce que l’on appelle maintenant, vulgairement, une mise en bouche. C’est tout le contraire d’un «préliminaire ». C’est le début de la fin. Pourquoi ? Parce que la bouche est un orifice stérile. Lorsqu’une femme suce, elle se soustrait à l’ordre qui veut que sexe = reproduction. La fellation, c’est le plaisir sans procréation. Pire encore : le plaisir pris entre les dents d’un carnassier.
    «L’oralité, en d’autres termes l’accès des femmes à la parole, est accusée d’encourager l’Anarchie au détriment de la hiérarchie et de l’ordre patriarcal représentés par la République et son chef d’état, explique Ian Geay.
    Mais la fellation est aussi devenue, au cours du dix-neuvième siècle, un thème littéraire à part entière, à travers notamment la dérivation cannibalique de l’oralité».
    Victor Hugo avait-il la phobie du poulpe ?
    Il est à cet égard très éclairant d’aller voir l’exposition Eros Hugo, à la maison de Victor Hugo, qui consacre jusqu’au 21 février 2016 une exposition aux fantasmes de l’écrivain. Victor Hugo a probablement vu l’estampe de Hokusai. Et peut-être même a-t-il vu la gravure de Rops (2) –La Pieuvre – qui montre une femme aux prises avec un octopode dont les tentacules phalliques pénètrent ses orifices et dont le bec perce son flanc… Le sang jaillit, métaphore de l’éjaculation. La mort est au rendez-vous de cette pénétration hideuse. Victor Hugo semble avoir été sensible à la charge mortifère de l’irrumation. Lui aussi représente une pieuvre… une pieuvre morte. Ses lavis détaillent avec un soin cauchemardesque ses suçoirs inertes. Victor Hugo – ainsi que l’explique Vincent Gilles (le Commissaire de l’exposition) – n’a jamais parlé de sexualité dans ses livres : ses héros ne font pas l’amour. «Hugo ne s’est jamais placé sur ce terrain-là». Mais dès que Hugo parle de fauves ou de prédateurs sous-marins, les textes de l’écrivain deviennent si violents qu’il semble presque impossible de ne pas y voir des viols.
     
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    Le baiser de la femme pieuvre
    Le plus célèbre (le plus érotique ?) de ces textes est justement celui qui décrit – dans Les Travailleurs de la mer – le corps à corps d’un homme avec une pieuvre… Vincent Gilles parle d’une «étreinte, car c’est bien d’une étreinte dont il s’agit, mortelle, avec une créature qui n’est que bouches, baisers, succions, qui n’est que peau, viscosité, et qui n’est pourvue que d’un orifice dont on ne peut savoir s’il est bouche ou anus…». La scène est à glacer d’horreur, tout en enlacements voraces et visqueux, aspiration immonde, liquéfaction semblable à celle que provoque par exemple le venin de l’araignée lorsqu’elle suce ses proies «encore vives»… Faut-il s’en étonner ? Lorsque Hugo décrit des scènes de violence, au centre de l’horreur il y a toujours une créature à huit pattes… ou autre chose, de pire : «Au centre de la toile, à l’endroit où est d’ordinaire l’araignée, Gwynplaine aperçut une chose formidable, une femme nue».
    prenez garde aux suceuses d’homme
    «Toutes ces évocations violentes, féroces, constituant les rares scènes amoureuses de l’oeuvre de Hugo, sont évidemment à prendre au pied de la lettre : le désir exprime la passion et relève du monstrueux», expliqueVincent Gilles, confirmant l’analyse de Ian Geay lorsque celui-ci établit le lien intime entre fellatrice et tueuse. La femme qui suce est une goule inquiétante. Par elle, l’homme perd ses fluides. Ce qui explique peut-être pourquoi le thème du vampire en littérature prend si souvent la forme à peine déguisée d’une caresse buccale délétère… Ian Geay souligne à cette époque
    «le succès du thème vampirique qui n’aura trompé personne quant à sa dimension sexuelle. Révélatrice des angoisses de castration des artistes et des littérateurs de l’époque, la fellation n’est pourtant pas seulement un avatar de ce que la psychanalyse appellera quelques années plus tard le premier stade du sadisme infantile, le sadisme oral».
    Pour Ian Geay, c’est aussi «une atteinte au système de reproduction sur lequel se fige la dichotomie des sexes».
    La menace est tangible : elle prend la forme d’un être libéré du cycle mort-vie.
    «Ce rêve est sur vous», dit Victor Hugo.
    EXTRAIT DES TRAVAILLEURS DE LA MER
    «C’est la machine pneumatique qui vous attaque. Vous avez affaire au vide ayant des pattes. Ni coups d’ongles, ni coups de dents ; une scarification indicible. Une morsure est redoutable ; moins qu’une succion. La griffe n’est rien près de la ventouse. La griffe, c’est la bête qui entre dans votre chair ; la ventouse, c’est vous-même qui entrez dans la bête.
    Vos muscles s’enflent, vos fibres se tordent, votre peau éclate sous une pesée immonde, votre sang jaillit et se mêle affreusement à la lymphe du mollusque.
    La bête se superpose à vous par mille bouches infâmes ; l’hydre s’incorpore à l’homme ; l’homme s’amalgame à l’hydre.
    Vous ne faites qu’un.
    Ce rêve est sur vous. Le tigre ne peut que vous dévorer ;
    le poulpe, horreur ! vous aspire. Il vous tire à lui et en lui, et, lié, englué, impuissant, vous vous sentez lentement vidé dans cet épouvantable sac, qui est un monstre.
    Au-delà du terrible, être mangé vivant, il y a l’inexprimable, être bu vivant».
     
    Sources /
    AGNÈS GIARD 5 JANVIER 2016
    Au XIXe siècle, la fellation fait son apparition dans la littérature française. Un noir imaginaire se développe autour de cette caresse que les hommes associent aux délices funèbres d’une exécution. Victor Hugo lui-même… succombe ?
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  • le Président de la République meurt dans les bras de sa maîtresse… 

    le Président de la République meurt

    dans les bras de sa maîtresse…
     
     
     
    L'histoire des scandales politiques : le Président de la République meurt dans les bras de sa maîtresse…
    Félix Faure, Président de la République depuis 1895, meurt à l'Élysée le 16 février 1899, à l'âge de 58 ans. La rumeur veut qu’il ait eu son dernier soupir dans les bras de sa maîtresse, Marguerite Steinheil…
    En 1897, Felix Faure, alors Président de la République, rencontre, à Chamonix, Marguerite Steinheil dite « Meg », épouse du peintre Adolphe Steinheil auquel est confiée une commande officielle.
    De ce fait, Félix Faure se rend souvent impasse Ronsin, à Paris, à la villa « Le Vert Logis » où réside le couple Steinheil.
    Bientôt, Marguerite devient la maîtresse de Félix Faure et le rejoint régulièrement
    dans le « salon bleu » du palais de l'Élysée.
    Le 16 février 1899, Félix Faure téléphone à Marguerite et lui demande de passer le voir en fin d'après-midi.
    Quelques instants après son arrivée, les domestiques entendent un coup de sonnette éperdu et accourent : allongé sur un divan, le président râle tandis que Marguerite Steinheil réajuste ses vêtements en désordre.
    Félix Faure meurt quelques heures plus tard.
    Il est en fait mort d'une congestion cérébrale.
    La rumeur veut que Faure soit mort dans les bras de sa maîtresse Marguerite Steinheil.
    Dès les jours qui suivent, le Journal du Peuple avance qu'il est mort d'avoir
    « trop sacrifié à Vénus », c'est-à-dire d'un effort excessif dans le cadre de l'acte sexuel.
    La plaisanterie populaire va jusqu'à préciser que c'est par une fellation, que la maîtresse provoqua l'orgasme qui lui fut fatal.
    On raconte que l'abbé qui fut mandé par l'Élysée aurait demandé :
    « Le président a-t-il toujours sa connaissance ? ».
    Un domestique lui aurait alors répondu:
    « Non, elle est sortie par l'escalier de service ».
    Marguerite Steinheil fut alors surnommée la « Pompe funèbre ».
    Les chansonniers de l'époque disent de lui (mot rapporté sous diverses formes) :
    « Il voulait être César, il ne fut que Pompée »,
    allusion au goût du président pour le faste dont les satiristes de l'époque avaient coutume de se moquer ou à la fellation qui prétendument provoqua sa mort.
    Cette phrase a également été attribuée à Georges Clemenceau, qui ne l'aimait guère.
    Il aurait aussi déclaré, après la mort du président,
    « En entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui », et
    « Ça ne fait pas un Français en moins, mais une place à prendre ».
    Félix Faure est inhumé au cimetière du Père-Lachaise.
    En 1909, dix ans après la mort de Félix Faure, Marguerite Steinheil est jugée et acquittée pour le meurtre de son mari et de sa mère, commis à leur domicile parisien, impasse Ronsin, dans la nuit du 30 au 31 mai 1909.
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