• Artiste dramatique

    http://www.delcampe.net/items?language=E:

    LANTHELME Geneviève, Mathilde Fossey,

    dite Melle (1882-1911)

     

    Mathilde Fossey, plus connue sous le nom de Geneviève Lanthelme (ou Lantelme), fut une actrice et chanteuse qui eut son heure de gloire au début du XXe siècle.

     

     

    Lantelme:

     

    Melle Lanthelme n’a pas laissé un grand souvenir dans les mémoires, si ce n’est que sa sépulture fut cambriolée et que l’intervention de la police et des pompiers donna matière à articles de presse et édition d’une carte postale...

     

    Geneviève Lantelme, née Mathilde Hortense Claire Fossey le 20 mai 1883 et morte le 25 juillet 1911, est une actrice française, une célébrité, une icône de la mode et une courtisane du début du xxe siècle.

     

     

     

     

    Considérée par ses contemporains comme une des plus belles femmes

    de la Belle Époque, sa disparition précoce et mystérieuse à 24 ans

    contribua à sa légende.

     

    On sait qu’elle donna de la voix dans l’interprétation d’un opéra de Méhul quasiment oublié, Le pré aux clercs, il en existe d’ailleurs un enregistrement.

     

     

     

     

    Elle fut la cinquième épouse d’ Alfred Edwards, richissime homme d’affaires,

    patron de presse, journaliste et propriétaire de l’Odéon.

     

     

    lantelme-juillet1910:

     

    D’une grande beauté, possédant un fort ascendant sur les hommes, de moeurs sans doute quelques peu légères, elle mourut mystérieusement noyée lors d’une croisière sur le Rhin, le 25 juillet 1911 ...

     

     

     


     

    Le jour de ses funérailles, on pu voir s’évanouir de concert son mari et son amant...

     

     

    La presse de l’époque reprend en gros titres que la comédienne

    s’est fait enterrer avec ses bijoux.

     

    Lantelme:

    Ce qui devait arriver arriva, deux malandrins violèrent la tombe, sans trouver de joyaux.

     

     

    S’ensuit une enquête de Police, suivie de l’incendie accidentel

    de la sépulture, l’intervention des pompiers confère à la défunte une seconde noyade...

     

     

    Pendant plusieurs numéros, les aventures posthumes de

    la pauvre Melle Lanthelme, feront les gros titres de la presse d’alors.

     

     

    Elle repose dans une imposante chapelle au nom d’Edwards.

     

    En 1907, Boldini fit d’elle, un magnifique portrait.

     

     

    Geneviève Lanthelme a été transférée le 5 juin 1919 dans

    la sépulture de la famille Fossey dans la 94eme division.

     

     

    Un grand merci à Alain Genesty pour les photos de Melle Lantelme.

     

     lantelme-postcard-medaillon-sip-1899:

    Sources :

    Le Théâtre - Les Galeries du Théâtre, Paris, N° 207, août 1907.

    Geneviève Lantelme, galerie photos

     

    http://www.appl-lachaise.net/appl/article.php3?id_article=2757

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    marchand-theatre286-15nov1910-int

     

     Le Secret du Fleuve

    Donc, depuis l’après-midi du 25 juil­let 1911, plus précisément, depuis qu’était arrivé à Paris le premier télé­gramme me donnant la sinistre nou­velle, il y avait une affaire Lantelme, dont les incidents du cimetière n’étaient qu’un épisode.

     

    Comme une flambée de poudre le bruit s’était répandu dans Paris qu’au cours d’une scène orgia­que sur le Rhin, M. Alfred Edwards, mari de Mlle Geneviève Lantelme, avait tué sa femme, soit, d’après les uns, en la jetant dans le fleuve, soit, disaient les autres, d’un coup de revolver ou par strangulation, et en se débarrassant du cadavre en le jetant au fil de l’eau.

     

    Lantelme and her dogs

     

    Geneviève Lantelme with two of her little dogs. Postcard F.C. & Cie # 13. Caption: Lantelme. Photo by Henri Manuel (circa 1910).The gown she’s wearing here is by Madeleine Vionnet. The photo is possibly made in Lantelme’s home rue de Constantine.

     

    Des envoyés spéciaux appartenant à certains journaux avaient, pour telles raisons ou pour d’autres, broché sur le tout.

     

     

    https://verbinina.wordpress.com/tag/genevieve-lantelme/page/4/

    Et la somme de rumeurs revenue de Paris en Allemagne n’incita pas peu la justice allemande à ouvrir ptoprio motu, le 26 juillet, trente-six heures après la disparition de Ginette, une enquête, close d’ailleurs bientôt par un non-lieu.

     

    Mais, si les autorités allemandes ont admis la thèse de l’accident, ce n’est pas une raison, tant s’en faut, pour que l’opinion française se rallie à une appréciation étrangère, surtout à celle-là.

     

    Et le Boulevard oublie le discours de M. Lloyd George et les incidents du Maroc, — déjà ! — ; cette épo­que pourtant féministe se désintéresse de l’attribution du prix de Rome de sculpture à Mlle Heuvelmans ; les plus beaux raids d’aviation, — Beaumont, vainqueur du tour d’Angleterre !— sont appréciés, mais presque comme des faits divers de second ordre ; la question, la seule qui se pose et que l’on pose, c’est :

     

    « Comment, par quoi, par qui a été tuée Ginette ? »

    Nouvelles brèves, on-dit, informa­tions contradictoires, c’est tout ce que l’on possède.

     

    La raison insatisfaite laisse la place au sentiment. Et le sentiment de la foule est contre Edwards.

    Contre Edwards le riche. Contre Ed­wards dont la puissance occulte est redoutée et jalousée. Contre Edwards aux origines doublement étrangères.

     

    Contre Edwards, vieux mari d’une trop jolie fille en vue.

    Contre Edwards, au­toritaire, rancunier, mordant.

     

     lantelme-postcard-reutlinger-udd213int

    Contre Edwards, qui n’a pas d’égaux, encore moins de supérieurs. Contre Edwards qui, disait-il de lui-même, traverserait Paris à pied pour obliger un ami, à genoux pour nuire à un ennemi.

     

     

    Et sans chercher à savoir comment s’était exactement déroulé le drame, ni quelles étaient les premières constata­tions, le Tout-Paris attendait qu’on lui fournît les preuves du meurtre.

    Désespère-t-il encore qu’on les lui apporte ? Se refuse-t-il toujours à croire à un accident?

     

    Lantelme fan LVH signature 1906-12

    Les premières constatations

    Avant de nous attaquer au mystère, faisons un peu d’histoire.

    C’est dans la nuit du 24 au 25 juil­let que, sur le Rhin, à proximité de la frontière germano-néerlandaise, dispa­raît Geneviève Lantelme.

    La première dépêche qui apprit à Paris la funèbre nouvelle émane de M. Charles Cuvillier, compositeur et l’un des passagers de L’Aimée. Adres­sée au Docteur Dauriac, elle fut expé­diée à triple taxe de Marienbaum le 25 juillet, à 11 h. 50.

     Lantelme-Croissant3858

    Elle dit :

    «Gi­nette moyée.

    Edwards très malade. Ré­pondez Himden à Emmerich.»

     

     

    Ce télégramme arriva à midi 1/2. Le docteur Dauriac le renvoya à la poste pour obtenir confirmation ou rectifica­tion éventuelle du mot « moyêe » en toute vraisemblance « noyée ».

     

     

    Le destinataire partit à 18 heures pour Emmerich via Cologne. Le len­demain matin, il adressait à Mme Dau­riac, sa femme, une dépêche disant « Ginette tombée accident fenêtre ca­bine nuit lundi à mardi à une heure en plein courant corps non retrouvé. »

     

     

    Peu de temps après, un autre telégramme, de la même source, parti d’Emmerich, annonçait à Mme Dau­riac que le corps était retrouvé. Il est permis de penser que ce fut seulement quelques minutes auparavant que le docteur Dauriac fut avisé de la doulou­reuse trouvaille.

    Afficher l'image d'origine

    Car, parti de Paris à 18 heures, il ne pouvait être à Cologne avant 6 heures et à la frontière néerlandaise avant 8 heures du matin.

    Une autre dépêche d’Emmerich, à la même date, 26 juillet, annonce que le cadavre est retrouvé dans les roseaux d’Ober-Meermeter, près de Rees.

     Lantelme-Reutlinger-KF2313

    Le corps charmant de l’infortunée, d’après les premières constatations, est re­vêtu d’un simple tea-gown.

     

    Visage calme, cheveux dénoués, la main gau­che crispée sur le couvercle d’une pe­tite boîte d’argent.

     

    Le document ajou­te : « Le corps sera transporté sur le yacht Aimée, qui retourne à Emmerich.»

     

    Falize Lantelme Les Modes1911-09

     

    Néanmoins, la police allemande, sou­cieuse de sa responsabilité et fort émue des rumeurs qui, depuis l’avant-veille, se sont répandues dans Paris, décide d’ouvrir une enquête ; le cor­respondant à Dusseldorf de l’Agence de la Presse associée télégraphie le jour même que l’on retrouve le cadavre :

    « Le procureur impérial a ordonné l’ouverture d’une enquête judiciaire sur les conditions dans lesquelles s’est pro­duite la mort de Mlle Lantelme à bord d’un yacht dans les environs d’Emmerich-sur-Rhin. Les bruits les plus con­tradictoires courent à Dusseldorf ; ils ont rendu cette mesure judiciaire néces­saire, afin de faire la lumière pour sa­voir s’il y a eu suicidé, crime ou acci­dent. »

     

     

    Comme les passagers de L’Aimée se sont certainement tenus dans la plus explicable dés réserves vis-à-vis de la population allemande, il appert nette­ment que les bruits auxquels fait allu­sion cette dépêche d’agence sont des bruits revenus de Paris à Dusseldorf.

     

    L’enquête fut certainement rapide et décisive, puisque Berlin télégraphiait le 27, soit le lendemain de l’ouverture de l’enquête, consécutive à la découverte du corps, que « de l’enquête offi­cielle, il résultait que ce fut bien d’une syncope que Mlle Lantelme tomba dans le Rhin ».

     

    Et la dépêche ajoutait que « le corps, dont les autorités ont autorisé l’enlèvement, a d’abord été déposé sur le yacht puis dirigé par chemin de fer sur Paris ».

     

     

    Ainsi tombe la macabre légende d’a­près quoi les autorités allemandes au­raient décidé de ne pas toucher au ca­davre jusqu’à la fin de l’enquête et l’auraient laissé dans l’eau bourbeuse du fleuve, sous le lourd soleil de juil­let, et la corde au cou, sinistre épave rattachée à L’Aimêe, avec interdiction formelle de le remonter à bord. La vé­rité, c’est que Ginette, repêchée le 26, vers 10 heures, fut soumise le même jour à un examen médico-légal auquel participa, lui second, le Dr Dauriac et qui authentifia la thèse de l’accident, partant autorisa le retour à Paris de la misérable dépouille.

     

     

    Le corps fut étendu dans la cabine fatale transformée en chambre mor­tuaire. Edwards, cloué sur son lit dans la cabine voisine par une crise car­diaque, ne peut assister aux funèbres apprêts.

     lantelme-postcard-reutlinger-lanthelme97-1-bw-verso

     

    Et ici se place un poignant épisode, jusqu’à présent resté ignoré. L’un des familiers, celui qui, au moment du dra­me a intercepté la lettre : « Mon André chéri… » a la pieuse idée de la coudre dans l’ourlet du kimono qui sera le dernier vêtement de Ginette.

     

     

    Il est, lui, au courant de la passion qu’éprouvait la Petite Reine pour un des plus sé­duisants jeunes prèmiers, nous pour­rions dire le seul jeune premier de no­tre temps.

     

     

    Lantelme in a big hat

     

    Sur cette passion, Ginette avait échafaudé des projets^ d’avenir dans lesquels Edwards n’était que le passé. Il fallait donc à tout prix que le malheureux demeurât dans son igno­rance : le coup, cette fois, eût été dé­finitif.

     

     

    Mais pourquoi ne pas embau­mer le sommeil éternel de Geneviève du contact du souvenir, par la pré­sence matérialisée de sa pensée su­prême ?

     lantelme-postcard-reutlinger-lanthelme97-1-bw

    L’instruction à faire

    La justice française se contenta de l’enquête de la police allemande. Une instruction pourtant eût été nécessai­re.

     

    D’abord pour satisfaire à la morale publique, soit en châtiant les crimi­nels, s’il y en avait, soit en arrêtant les bruits calomnieux, que rien d’au­tre d’ailleurs ne pouvait arrêter, si­non une constatation officielle.

     

     

    Il n’en fut rien fait.

     

     

    Aujourd’hui, après quatorze ans d’oubli, et quatre ans de prescription, nous allons tenter de réparer cette omission et de recher­cher dans quelles circonstances Mathilde Fossey,

    dite Geneviève Lantelme, épouse Edwards, a pu trouver la mort.

     

     

    Si la malignité publique s’émut du drame, c’est, nous l’avons dit, que la raison elle-même était loin d’être sa­tisfaite.

     

    Et si, dans les récits émanant des témoins, il y avait eu moins de con­tradictions, les haines et les rancunes eussent été ipso factoprivées d’aliment.

    Deux versions, l’une de première main, celle d’un passager, l’autre qui peut être considérée comme telle, celle du Dr Dauriac, sont en opposition très nette sur un point de première importance.

     

    Lantelme scan Vionnet

     

     

    – Peu avant minuit, dit le passager, nous partions d’Emmerich, à destina­tion de Wesel ; après un voyage d’une heure, nous avons sablé le champagne et nous descendîmes dans nos cabi­nes…

     

    Le Miroir 1914-10-25 yacht Lantelme

    Cinq minutes après que nous nous étions séparés, nous entendîmes comme un cri étouffé. Tout le monde se réunit pour savoir ce qui se passait et nous vîmes que Lantelme n’était pas parmi nous… »

     

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    Lantelme with a dog, photo by Reutlinger (circa 1910/1911).

     

    Donc Lantelme s’est noyée à 1 heure du matin, le navire marchant depuis une heure dans la direction de Wesel.

     

    Etant donné le courant, L’Aimée ne de­vait guère dépasser 6 à 8 kilomètres à l’heure et par conséquent se trouver bien en aval de Rees.

    Voyons les déclarations du Dr Dau­riac.

     

     

    – « … des formalités de douane à la frontière hollandaise avaient arrêté la marche de L’Aimée.

     yacht aimee postcard2

    A 4heures et demie du soir, le yacht put se remettre en route pour Wesel. Vers 7 heures et demie, dans les environs d’Emmerich, alors qu’un orage s’annonçait, Ginette demanda qu’on jetât l’ancre.

    » Après le dîner, Ginette s’était ren­fermée dans son boudoir… Elle s’assit sur le rebord de la fenêtre… Un faible cri perçu dans la nuit (vers minuit 30 ou 1 heure) alors que la tempête fai­sait rage, avertit tout le monde… »

    Là aussi, la catastrophe a lieu à 1 heure du matin, mais le navire stop­pait depuis cinq heures, et auprès d’Emmerich.

     

     

    Première contradiction qui frappait le public :

    Le navire marchait-il de­puis une heure ?

    Etait-il à l’ancre de­puis cinq heures ?

     

    yacht aimee postcard1

     

    Deuxième contradiction entre ces deux déclarations et les faits. Le corps, entraîné par un courant que tous qua­lifient de violent, est retrouvé à Rees, à l’amont d’Emmerich et à l’aval de Wesel, à mi-chemin des deux agglo­mérations.

     

    Donc Lantelme est tombée à l’eau entre Wesel et Rees, à 25 ki­lomètres en amont du point où se se­rait trouvée L’Aimée, s’il fallait du moins en croire ses passagers.

     

    Lantelme cabinet card auto

    Le fait est d’ailleurs confirmé par tous les documents officiels relatifs au lieu du décès. Ils sont datés de Marienbaum.

     

    Or Marienbaum est une pe­tite localité de la rive gauche du Rhin, sise entre Rees et Wesel.

     

     

    Qu’en conclure ? Qu’Edwards a tué Lantelme ?

     

    Le lieu n’aurait rien fait à l’affaire. Emmerich, Rees, Wesel, on tue partout, comme dit Farrère. Une seule déduction s’impose :

     

    les gens de L’Aimée ne savaient pas où ils étaient.

     

    Pourquoi ? Les témoins l’avouent :

    « Nous avons sablé le champagne ».

     

    Un familier ajoutera que ce n’avait rien d’inhabituel et que, sur ce yacht, l’ex­cès en tout n’était pas un défaut.

    Voilà Lantelme dans sa cabine. Y était-elle seule ? Selon toute apparen­ce. Sinon, au moment où la porte fer­mée à l’intérieur au verrou fut enfon­cée, on aurait trouvé au gîte le meur­trier.

     

    Or, c’est Edwards, Edwards, le prétendu assassin, qui enfonce cette porte.

     

    Il eût donc fallu supposer qu’Edwards, le coup fait, était sorti par la fenêtre, — ce que lui interdi­sait sa corpulence, — et dans l’orage, par un roulis assez violent, eût regagné sa cabine en se glissant par le platbord.

     

     

    Admettons, malgré ces invraisem­blances, l’éventualité du meurtre. Il faudrait alors supposer que Lantelme ne s’est pas débattue, qu’elle n’a pas crié, qu’elle a continué à crisper sa main sur le couvercle d’argent retrou­vé trente-six heures après dans ses doigts glacés… On sent tout l’absurde de l’hypothèse.

    Pourquoi enfin Edwards aurait-il tué? Par intérêt ? Mais l’intérêt lui commandait de laisser vivre sa femme dont la mort l’obligeait, par dissolu­tion de la communauté, à partager son patrimoine avec sa belle-famille.

     

    Par amour ? Le culte posthume du malheu­reux pour Ginette démontre qu’il ne désira jamais donner son nom à une autre.

     

    Par jalousie ? Il n’aurait pas laissé ses amis s’emparer de la lettre « Mon André chéri » : cette pièce eût été sa justification. Alors pourquoi ?

    De quelque côté que l’on se tourne, l’impossibilité du meurtre par Edwards apparaît.

     

    Encore plus, si possible, par un autre.

     

    Tout le yacht, pour Lan­telme, eut les yeux d’Edwards, si l’on nous permet cette déformation du Cid.

     

    Et puis, dernier argument,- celui-là dé­cisif,- comment admettre que, dans un bâtiment, lieu où l’on vit dans une étroite intimité, quinze personnes, — savoir cinq passagers, une femme de chambre, un maître d’hôtel et huit hom­mes d’équipage — eussent gardé un silence absolu? Une au moins, sinon deux, des personnes du bord aurait parlé.

     

    Donc pas de meurtre.

    Alors, suici­de ?

     

    Une femme qui meurt en écrivant une lettre d’amour dans laquelle il n’est question que de projets d’avenir ne songe guère à mettre fin à ses jours.

     

    Aussi bien Ginette était trop comblée des biens d’ici-bas pour se dé­cider, à son âge, à se priver jamais d’en jouir.

     L Aimee page1bas LVH 08-1906

    L’accident

    Ni meurtre, ni suicide.

    Que reste-t-il ? L’accident, le banal et douloureux accident. Lantelme rentra dans sa chambre ; elle s’enferme soigneuse­ment ; elle se déshabille, se met a l’aise et commence à écrire à « mon André chéri… »

     

    Elle se sent fatiguée, aspire dans un couvercle d’argent de la co­caïne, car le mouvement du fleuve, la fatigue, le champagne ne lui assurent pas l’immobilîté de l’ongle ou du dos de la main.

     

     

    La tête lui tourne un peu ; elle pen­se que l’air du fleuve la remettra. Elle passe la tête et le buste par la fenêtre relativement large pour sa faible hau­teur ; elle s’assied sur le plat-bord, se penche, bascule avant de songer à se rattraper ; tout étourdie encore de sa «prise», elle est entraînée par le cou­rant : la femme de chambre verra, de son hublot, une forme blanche passer au fil de l’eau. Elle n’est plus que la proie du Rhin qui consentira à la ren­dre seulement trente-six heures après.

    Mais les malveillants eux-mêmes au­raient peu à peu mis d’eux-mêmes une sourdine à leurs ragots ; le temps, ce galant homme, eût fait son œuvre.

     

    Lantelme001

     

     

    « Six mois, c’est un peu tard pour parler encore d’elle. »

     

     

    Lentement, mais sûrement, Gene­viève Lantelme serait entrée à jamais dans la paix de l’éternel oubli, si, à l’exquise artiste dont la vie fut pétrie de réclame parfois tapageuse, la Fata­lité qui ne cessa jamais de peser sur elle n’avait décidé de lui rendre au delà des tombeaux la vedette, mais quelle vedette! la vedette de faits-divers !

     

    IV. Un repos éternel… de six mois

     

    – Pu… uiiit…

    – Chut !… Doucement ! Si les gar­des…

    – Par ce temps-là ! T’as des vi­sions !… Quelle flotte !…

    Y a longtemps que t’es ici ?…

    – J’me suis laissé enfermer ; j’me suis planqué dans un caveau en cons­truction. Et toi, personne n’t’a vu sau­ter le mur ?

    – Penses-tu ! Par cette tempête, les flics sont rares. Rue des Rondeaux, y passe jamais un chat…

    – Fait frio, mon gas. Les caveaux, ça manque de chauffage central.

    – Ben quoi… à deux jours de lâ Noël. Puis, assez, hein ? Vise un peu si le vieux du crématoire fait pas trop de flammes… Bon, tourne… Gare aux trous, avec tes outils… Qué qu’t’as pris?

    – Vilebrequin, tournevis, deux pin­ces.

    – Ça va ; moi, j’ai la règle, la lam­pe électrique et l’éther.

    – Acré… des ombres…

    – C’n’est rien… une charmille qui bouge… Doucement… gare à l’acacia… Bon, tu bouscule les pots d’fleur !… Là, on y est.

    – Passe-moi une pince… pèse à droite de la grille… moi, j’force à gau­che. Ça y est ! le ciment a lâché d;un coup…

    – Le client peut dire que son entre­preneur l’a fait ; c’te grille, c’n’est pas de la fonte, c’est du réglisse…

    – Et le ciment, du fromage mou. Grimpe sur mes épaules, tu me passe­ras la main.

    – Y a des trucs qui gênent pour sauter là n’dans.

    – Tiens, jette-les entre les deux ca­veaux…

    – Une croix… Mince, une poupée!… Des vases… Voilà, M’sieu peut descen­dre !

    – Arrive… Un petit rétablissement… Là, on est bon… Lumières, siouplaît… Tiens, on dirait une cellule…

    – Hé là ! Pas d’blagues ! Force un peu la serrure de la lourde, qu’on ait une autre sortie pour se barrer

    – Au parquet !… C’est des lames jointives… Mazette, pur chêne ! Pas de clous…. Ah ! voilà les dalles…

    – Dans le métier, on dit des « tampons »… Donne la pince… Une, deusse, enlevé… A la descente : passe-moi la « règle », ça servira d’échelle.

    – Tu sais où est la case ?

    – … Videmment, deuxième à droite… V’là la bière… Tire à toi, par terre : bien !

    – Les couvercles sont joints par des tire-fonds. Donne le tournevis… Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit.

    – A la chemise de plomb mainte­nant. C’est l’affaire au vilebrequin ; on fait trois petits trous…

    – Ah ! Qu’est-ce qu’on r’nifle !

    – Dame, depuis six mois qu’elle est enfermée là n’aans ! Prends d’éther… Un coup de pince tranchante, j’rabats le couvercle…

    – Quequ’ceksa ? D’l’ouate ?

    – Oui… enlève, jette par terre… Tiens, la v’Ià ! »

    Les deux misérables s’arrêtèrent un instant, figés par l’apparition de la morte.

    – N’tombe pas dans les pouimes, hein !..Tonnerre! le collier !… C’n’est pas celui-là !

    – Comment, pas celui-là ?… T’avais dit…

    – Sûr ! j’les ai assez entendus ra­bâcher, pendant l’enterrement, qu’on 1’avait fourrée dans l’trou avec son collier… Mais çui-là, c’est du verre…

    – Et les perlouzes ?

    – Rien… je ne vois rien…

    – Tu m’as f… dedans !… Ah ! c’t’odeur !… on crève…

    – Barrons-nous.

    – Grimpe… au trot… Par la fenê­tre maintenant… Saute… mais saute donc…

    – J’m’accroche aux barreaux !..

    – Idiot, ça saigne : tu vas nous fai­re pister… En vitesse… J’ai les outils…

    – On va les f… dans un trou… Tiens, dans çui-là… y a une pelle… Un peu d’terre…

    – Le manche du vilbrequin dé­passe…

    – Tant pis… Grouille…

    – V’là l’mur… grimpe sur moi… Pas de flics ? Non ?.. Descends… »

     

     

    Dans l’ombre de l’interminable mur qui sépare de la rue des Rondeaux le grand cimetière, deux fantômes se fondent, happés par la rafale, noyés par la pluie qui cingle, impitoyable, sous le regard aveugle des grands nuages emportés par l’ouragan d’hiver, au-dessus de Paris.

     

    L Aimee page1bas LVH 08-1906

     

    La fatalité des eaux

     

    Ce matin gris et mouillé du 23 décembre 1911, un jardinier qui allait entretenir des tombes derrière le co­lumbarium, traversait la 89* division, le coin le plus abandonné du cimetière, grand champ parsemé de charmes touffus et d’acacias frissonnant à l’aigre bise qui soufflait par instants en tempête.

     

     

    – Quelle odeur ; pis qu’un chien crevé !… Tiens, une grille arrachée !

     

     

    L’homme s’approche du chevet d’un monument gothique en bordure de l’allee principale. Il le contourne, aper­çoit à ses pieds un amas d’objets, arrive devant la porte qui bâille, lais­sant échapper des bouffées empestées, regarde…

     

    Le monument Edwards a été violé !

    Affolé, le jardinier traverse en cou­rant le plateau, dévale quatre à quatre les escaliers et se précipite chez le conservateur, qui téléphone sans désemparer au commissaire de police de la Roquette.

     

    Ce magistrat, M. Deslandes, accou­ru avec son secrétaire, M. Poggi, se rend immédiatement sur les lieux.

     

    A deux cents mètres du caveau, une puanteur écœurante, intolérable, saisit à la gorge le petit groupe, auquel se sont ralliés des fossoyeurs et des gar­des.

    – Il ne serait pas prudent d’entrer dans le caveau sans être assuré qu’il n’y a pas de gaz méphitiques, dit le conservateur, M. Hanriot. Nous ailons y faire brûler du papier. »

     

    Un fossoyeur ouvrit toute grande la porte de bronze au panneau de verre dépoli et jeta dans le trou un journal enflammé.

     

    Une âcre fumée, noire et épaisse, monta de la tombe.

    – Le feu ! vite, les pompiers ! »

    Galopades, coups de trompe ; les pompiers do la rue Haxo arrivent, mettent leurs pompes en batterie.

     

    Vision de cauchemar que ces hommes vêtus de bleu terne, courant dans la tourmente, sous les arbres dénudés, leur casque de cuivre embué par les rafales humides.

     

    Au fond d’une cuve de ciment, un cadavre momifié, sans âge désormais, naguère le parfum de Paris, aujourd’hui la peste d’un cime­tière !

    Les pompiers noient le caveau.

    Pour la deuxième fois, en six mois, la Petite Reine était condamnée, par la macabre ironie du sort, à être noyée.

     

    « Requies Æterna », repos éternel, dit la devise gravée au fronton du monu­ment Edwards.

     

    Le repos éternel qu’elle pensait avoir trouvé en entrant dans l’étroit in-pace du Père-Lachaise, l’onde, perfide comme la femme, le lui re­fusait.

    Vers 2 heures 30 des amis, dont le docteur Dauriac, Mme Fossey, la mère de Lantelme, mandés d’urgence, étaient arrivés au cimetière. Edwards, lui, était à ce moment à Nice.

     

     

    – Les bandits ! sanglotait Mme Fossey, ils ont profané la vierge espa­gnole dont j’avais fait présent à ma pauvre fille et que la pauvre petite désirait depuis si longtemps… Et la croix d’émaux… Et, elle… oh !… elle !…»

     

     

    On l’obligea à demeurer chez le con­servateur, cependant que, sous une pluie battante, le docteur Dauriac se rendait à la 89 division. On décida de ne pas ramener le corps au jour, mais d’explorer sur place le triple cer­cueil violé.

     

    On épuisa d’abord l’eau des pompes. On se rendit compte que le feu était dû au journal enflammé qui, tombé sur l’ouate arrachée du cercueil, avait amené la combustion lente de celle-ci : d’où une abondante fumée.

    Puis on passa à l’examen du cer­cueil.

     

    Seuls, le visage et la poitrine de Lantelme étaient découverts. Ils étaient momifiés.

    Les traits, desséchés, étaient restés reconnaissables ; les ma­gnifiques cheveux châtain foncé adhé­raient encore au crâne.

    Enfin, on cher­cha les bijoux.

    Sur les indications données par les amis, on retrouva d’abord un collier de jade qu’une amie, Mme X…f, avait offert à Ginette et que celle-ci préférait à tous ses joyaux, même à son fameux collier de perles. Edwards n’avait pas voulu qu’elle s’en séparât. D’où la lé­gende de l’inhumation avec le collier de perles que la foule ignorante con­fondait avec le modeste présent d’une amie, plus cher pourtant mille fois au cœur affectueux de la Petite Reine.

     

     

    Sous l’oreiller bordé de dentelles, un petit sachet était demeuré qui conte­nait les seuls joyaux renfermés dans le cercueil avec Ginette, un esclavage de platine, un collier d’améthystes et d’émeraudes, des copies des fameuses perles noires et grises, un portrait de son mari cerclé d’argent doré, le tout valant à peine 1.200 francs.

    Les vam­pires avaient passé même à côté de ce pauvre butin !

     

     

    Mais le docteur Dauriac profita de cette reconnaissance pour faire décou­dre l’ourlet du kimono, trempé, souillé par la décomposition, puis par l’eau, empouacré par la fumée, loque im­monde à présent, suprême vêtement du cadavre.

     L Aimee page1 LVH 08-1906

    Edwards allait revenir d’un jour à l’autre. Il voudra, de toute évi­dence, avant que se referme la triple bière nouvelle, revêtir de quelque étof­fe précieuse, digne de son amour, le corps odieusement profané. Donc on enlèvera le kimono.

     

    A tout prix, il faut éviter que la lettre révélatrice

     

    « Mon André chéri… »,

     

    subtilisée si heureusement une première fois sur L’Aimée, risque de tomber entre les mains d’Edwards.

     

    On avait cru, en la laissant dans la bière de la morte, la cacher à jamais au mari.

     

    Sinistre, la fatalité voulait qu’en même temps que la pauvre petite morte, l’aveu de sa profonde et obscure passion fût arra­ché à l’improfanable secret de l’invio­lable tombe.

     

    Et la tombe avait été vio­lée, et le secret pouvait, à chaque ins­tant, être profané.

     

    Le docteur Dauriac reprit la lettre avec les bijoux.

     

    Qu’est-elle devenue? Peut-être a-t-il retrouvé son destinataire, ce suprême message de la petite amoureuse !

     

    La vedette du jour !

    Par une étrange ironie du sort, cette tapageuse et macabre rentrée en scène ne donna à la malheureuse la vedette que pour un jour, et encore! La veille, la bande à Bonnot avait ouvert la série de ses exploits par l’attentat de la rue Ordener.

     

    Paris n’accorda qu’une atten­tion distraite et apitoyée à ce second épisode de l’affaire Lantelme.

     

     

    La Sûreté, qui avait besoin de tout son personnel pour lutter contre les bandits en auto, ne put pousser à fond son enquête. On retrouva un flacon d’éther et le pharmacien qui l’avait vendu, mais pas son acquéreur; on déterra les outils du forfait, mais sans en déterminer les propriétaires; on re­constitua par les traces de sang le chmin par où les malfaiteurs s’étaient enfuis, mais sans pouvoir identifiez les fuyards.

     

     

    Ginette, rentrée dans l’ombre du ca­veau, sous l’égide du tutélaire Requiet Æterna, pouvait espérer connaître cette fois, à jamais, après cet immonde atten­tat, la grande paix qui règne au pays des tombeaux.

     

     

    Le 13 mars 1914, Edwards, incon­solé, venait rejoindre sa Petite Reine.

     

     

    Lantelme postcard FC 23

    Quatre ans après

    Juin 1916. Après une défense héroï­que, le fort de Vaux vient d’être pris par le kronprinz.

    Les Russes envahis­sent la Galicie et font 110.000 prison­niers.

     Lantelme postcard FC 22

    Le croiseur Hampshire, qui transporte en Russie

    le maréchal Kitchener se perd corps et biens dans la mer du Nord.

     

     

    Toutefois, en deuxième page des journaux, une brève information en trente lignes : la sépulture de Lantelme a été violée à nouveau. C’est la porte, cette fois, qui est défoncée.

     

    Mais les malfaiteurs suivent la même mar­che que leurs prédécesseurs de 1911.

     

    Ils soulèvent les dalles, vont sans hésita­tion à la deuxième case, défoncent les bières de bois, découpent la bière de plomb. Même déconvenue : ils ne trou­vent plus aucun bijou.

    Cette fois, on est en plein mystère. En son temps, il fut dit et redit qu’à la suite de la première violation, au­cun objet de prix ne fut laissé dans le cercueil de Ginette.

     

    Les malfaiteurs étaient admirablement renseignés sur tous les points : était-ce bien des bi­joux qu’ils cherchaient?

    Mais aucune attention n’est prêtés au nouveau forfait.

     

    Le public ne s’in­téresse pas à l’involontaire rentrée en scène. Trop de jeunesse fière et pure agonise ou gît sur les champs du car­nage. Il est trop de nécropoles impro­visées qui requièrent la pieuse sollici­tude de la patrie pour que 1’opinion s’occupe, même un seul jour, d’un ca­veau défoncé au Père-Lachaise.

     

    Lantelme003

    Et le fait-divers sombre dans l’indifférence publique, au point que la presse a ou­blié juqu’à l’orthographe de la vedette Lantelme qu’elle écrit L-a-n-t-h, Lanthelme !

    *

    Nous sommes allés devant je monu­ment Edwards, tout au fond du grand cimetière, en lisière d’un champ aux herbes folles, troué ça et là de tombes fraîches, sans dalles, comme des fos­ses autour d’une église de campagne.

     

    Les acacias frissonnaient sous le ciel clair, déjà froid ; les charmes en buis­son amorçaient un soupçon de taillis.

     

    A deux pas, 1e Columbarium lançait dans l’azur pâle les minarets bronzés de ses cheminées.

     

    L’air était embaumé des premiers feux de feuilles et de brindilles mortes tombées des cyprès odoriférants.

    La minuscule chapelle gothique où repose Lantelme voisine à sa droite avec le lourd cénotaphe en granit de la famille Pailleron, à gauche avec le lé­ger temple à colonnettes d’Alice Ozy. D’un côte, le théâtre sérieux, même dans sa gaîté académique, de l’autre les planches, la coulisse, la bohème do­rée de 1860 !

    Aux barreaux de bronze de la porte fermée sur le sommeil de Ginette, un menu bouquet se dessèche.

     

    Est-ce le destinataire de la lettre mystérieuse qui se souvient ? Un amoureux dédaigné qui n’oublie pas ?

     

    Un coupable qui se repent ? Une humble petite amie au cœur reconnaissant ?

     

    Aujourd’hui, la paix nimbe cette tombe froide et soignée. Des petites reines se sont succédé qui ont fait oublier la Petite Reine endormie, il faut l’espérer, à jamais, cette fois.

     

    Lantelme004

     

    Adieu, Ginette ! Pauvre Ginette !

     

     

     

     

     https://verbinina.wordpress.com/tag/genevieve-lantelme/page/3/

     

     

    LA MORT TRAGIQUE DE Mlle LANTELME

     

    Mardi soir, on apprenait, avec un douloureux étonnement, la mort acciden­telle de Mlle Lantelme, qui s’était noyée, la nuit précédente, dans le Rhin, en tombant dfune des fenêtres de son yacht Aimée, véritable maison flottante, à bord de laquelle elle excursionnait en compagnie de son mari, M. Alfred Edwards, et de quelques amis. La nouvelle de cette fin tragique a causé dans Paris, où la séduisante comédienne était très fêtée et très admirée, une pro­fonde émotion. Le dessinateur Sem, qui l’a beaucoup connue et parfois cari­caturée, a défini ici, en traits expressifs, la physionomie si particulière, en son charme primesautier, de l’actrice trop tôt disparue:

    GINETTE

    Ginette… nous tous, ses amis, ses camarades, l’appelions de ce petit nom d’affection. Son vrai nom était Gene­viève, mais il lui allait si mal! Seul parmi ses intimes, le marquis de Biron, avec ses manières cérémonieuses du siècle der­nier, s’amusait à l’appeler « chère made­moiselle Geneviève ». Elle en était flattée, mais elle ne pouvait s’empêcher d’écla­ter de rire. Non! pour nous, elle était vraiment Ginette, et c’est désormais sous cette appellation gentille, répandue par­tout par la dépêche annonçant la fatale nouvelle, que le public gardera le souve­nir attendri de cette charmante artiste.

    Elle avait d’ailleurs le don de la fa­miliarité. C’était une sympathique, une primesautière, — une tutoyeuse : elle aurait tutoyé un roi, mais avec une grâce si gamine qu’il n’aurait pu se fâcher. Elle avait la piquante audace, la spontanéité des gosses de la rue, leur voix criarde, leur accent traînant charriant des mots crus, juteux. On cite d’elle des traits à la Forain, d’un pittoresque violent et cruel, à l’emporte-pièce. Elle incarnait la drôlerie savoureuse, un peu grasse, de la légendaire « petite pomme d’api » de Caran d’Ache.

    Elle adorait les chiens et savait admirablement leur parler. Ils reconnais­saient en elle une petite sœur; elle les mettait en confiance. Elle avait leur grâce enjouée, leur effronterie.

    Elle était très près d’eux, tout près de la nature. Oui, Ginette était par-­dessus tout naturelle! Ça a l’air tout naturel d’être naturel: c’est tout ce qu’il y a de plus rare, du moins au théâtre. Je ne parle pas de ce naturel obtenu, plus naturel que nature, mais de ce naturel délicieux, humain, divin: le naturel du bon vrai vin, des bons fruits de plein vent, des œufs frais, de la salade verte; le naturel des enfants, des jeunes bêtes; le naturel des vraies douleurs, des vraies joies; le naturel du bon Dieu!… Vous me comprenez?

    Eh bien, Ginette avait tout cela!

    Quand on écoute une pièce des coulisses, sans voir les acteurs, on a l’im­pression d’écouter la récitation dans une classe. Souvent, aux répétitions, un artiste s’interrompt an milieu de son rôle, à cause d’une difficulté de mise en scène; il doit s’asseoir, et demande brusquement: « Nom d’un chien! et la chaise? où est la chaise? » Ces quatre mots, dits naturellement, jurent, inter­calés dans le débit conventionnel de son rôle, comme l’écriture manuscrite mêlée à de l’imprimé. Eh bien, Ginette savait tout dire comme elle aurait demandé la chaise! Elle ne jouait pas, elle vivait. Son succès dans le Costeau des Epinettes, l’an dernier, au Vaudeville, fut une révélation. C’était halluci­nant de vérité. Certaines de ses répliques furent dites sur un ton si juste, si humainement juste, que c’était comme un chef-d’œuvre d’interprétation. Il y a ainsi, dans les tableaux des impressionnistes, des taches de couleur troublantes de vérité mystérieuse. Il aurait fallu garder, recueillir le ton, l’accent, l’orient de ces intonations comme des perles. Ginette n’avait peut-être pas la méthode, la science, le métier; elle avait mieux: c’était une impressionniste.

    Ses façons si naturelles, si spontanées, semblaient mal s’accorder avec le luxe artificiel dont elle aimait à s’entourer. Elle avait des sauvages le goût excessif de la parure et des plumes; elle en avait aussi l’ingénuité. Au fond, c’était une tendre, une fausse crâneuse. Elle cachait, sous ses allures gouail­leuses de gavroche mal embouché, une âme sentimentale et mélancolique, une candeur qui apparaissait dans le regard de ses grands yeux naïfs, dans l’ex­pression de sa bouche entr’ouverte et « gobeuse », dans son rire franc, sans coquetterie ni précaution, découvrant enfantinement ses gencives. Elle était très bonne, très charitable, et, comme on dit en argot de théâtre, très « don­nante ». C’était une délicieuse camarade.

    Quelle mélancolie de voir, dans ce vieux Rhin pompeux, aux lourdes eaux jaunes couleur de bière, disparaître, en une mort démesurée, cet être jeune de fantaisie et de grâce fragile, pauvre petite victime au destin inattendu d’Ophélie.

    Sem.

     

     

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  • prostituées3

     

    Ce sont des dizaines de petites photographies d’identité,

    collées à la gomme arabique sur un cahier.

     

    Case par case, nous découvrons des visages de femmes, toutes

    entre 20 et 45 ans, unies par un même et commun destin:

     

    prostituées au Petit moulin rouge, rue du Cheval Blanc, à Saint-Amand

     

    .

    prostituées2

     

    Ne me demandez pas comment ce registre est un beau jour arrivé à la rédaction du quotidien local le Berry républicain.

     

    Prêté par un collectionneur, sauvé d’une benne à papier où ont fini tant d’archives contemporaines, j’ai eu la chance de pouvoir le feuilleter entièrement et, plus que les informations sociologiques qui auraient du attirer mon regard d’historien, ce sont d’autres regards qui m’ont happé.

     

    Des regards joyeux, mutins parfois, indifférents, résignés, effondrés, ceux de filles, de femmes, venues vendre leur corps ou leur force de travail sous les ordres de mme Olga, dont la devise, afin que chacun puisse rentrer chez lui l’attitude, à défaut de la conscience, tranquille, était “ discrétion, sécurité”.

     

     

    prostituées6

     

    Elle arrivaient en train, pas grand chose dans leur petit bagage, jamais pour très longtemps, passant d’une maison close à l’autre.

     

    Le rituel était toujours le même, les regards ironiques des employés de la gare quand elles demandaient le chemin du commissariat, les coups d’œil à la dérobée des gens croisés sur le trottoir, l’ouverture du registre par le fonctionnaire de police, la déclinaison de l’identité, de l’âge, de l’état civil, l’avœu de la dernière adresse, presque toujours un bordel, la remise de la petite photo d’identité, commandée chez un photographe là-bas, il y a  longtemps, et dont on a tout un paquet dans une petite enveloppe, et puis à nouveau la rue, les regards et enfin les deux marches pour sonner à la porte et se présenter à la sous-maîtresse.

     

    Là, visite des salons et des chambres, l’odeur de tabac froid, le rendez-vous annoncé avec le médecin, un homme, chargé du suivi vénérien des pensionnaires, un coup d’œil bref sur les sanitaires.

     

    L’eau, tirée au puits, c’est le travail des femmes à tout faire, les vieilles, celles dont les clients ne veulent plus, et qui n’ont pas eu la chance de se trouver un mari parmi leurs anciens clients célibataires.

     

    Elles aussi ont dû laisser leurs papiers au commissariat, dans la chemise rangée dans le même tiroir que le registre.

    protituées1

     

    D’où venaient-elles?

     

    Fiche par fiche se dessine une géographie de la misère. Bretonnes, normandes, filles du Nord ou du Sud-Ouest, parisiennes -mais depuis combien de temps?

     

    - quelques unes venues de Marseille, de Bourgogne, de l’Est.

     

    On en croisait même qui avaient franchi la, ou les mers, pour venir en métropole. Corse, Afrique du Nord, même une Guadeloupéenne, qui, pour donner un peu d’exotisme aux fantasmes de ses habitués, se faisait surnommer Zouzou.

     

    Une allemande, au beau nom prussien, égarée en France après la crise, loin des bruits de bottes et des aigles sur les casques, amuse les hommes, surtout ceux qui ont fait la guerre, avec son accent.

     

    Un autre point commun entre elles: le train, ce train qui leur avait donné un moment l’illusion de fuir la misère des campagnes pour trouver un gentil mari dans une ville où, forcément, tout aurait été mieux.

     

    Puis les quelques sous au fond du mouchoir cousu dans le pli de la poche qui fondent dans des garnis miteux, des caboulots aux soupes claires et bientôt l’angoisse de n’avoir plus rien. La prostitution n’est pas la porte de sortie, juste un moyen de continuer un peu.

    Et puis il y a ces mal-mariées, ces femmes qui ne supportent plus les coups et les odeurs de vinasse et de linge sale, qui ont fui leurs maris, quand ce ne sont pas eux qui les ont mises au travail sur le trottoir.

     

    Certaines ont des enfants, confiés à une mère, à une cousine en campagne, dont elles ne parlent presque jamais, que seule une photo dans le porte-cartes et le petit mandat mensuel donnent le sentiment de rester leur mère.

     

     

    prostituées4

     

    Que sont-elles devenues?

     

    L’immense majorité dérive d’une maison close à l’autre,

    suivant des flux mystérieux sur lesquels le registre ne donne aucune information.

     

    Certaines prennent du grade, et perdent alors ce qu’un policier saint-amandois appelle leur “nom de guerre”, en devenant sous-maîtresses, pour ne pas dire contremaîtres.

     

    On les désigne par leur état-civil, leur surnom tombe dans l’oubli.

     

    D’autres abandonnent ce que le langage populaire appelait “le pain de fesses” pour servir de bonnes dans les maisons de tolérance. De filles soumises, elles deviennent bonnes à tout faire, pas sûr que ce destin soit plus enviable que le précédent.
    La maladie est là, et ronge. Katie et Dolly, sans doute victimes du même mal qu’on disait “français”, à une époque, sous les ordres du docteur F., sont envoyées à l’hôpital pour y subir des “soins spéciaux”. La pénicilline fait des miracles et beaucoup ressortent guéries, jusqu’à la prochaine fois.

     


    Certaines fuient leur condition par le haut.

     

    France X, dite Loulou, avait  22 ans quand, après être passée par les maisons de tolérance de Bourges, de Dun-sur-Auron puis de Saint-Amand, elle revint à Bourges comme doctoresse au dispensaire d’hygiène social (sic).

     

    Un destin à la Céline, qui écrit Mort à crédit à peu près au même moment.
    D’autres terminent de façon sordide.

     

    Paulette, 32 ans, prostituée à Saint-Amand, passée sous-maîtresse à Nevers, succombe sous les quatre coups de revolver tirés par son amant, dit “Bébé”, dans le claque dans lequel elle officiait.

     

    Je laisse au lecteur le soin d’imaginer ce qui poussa cet homme -amoureux désespéré?

    proxénète à la petite semaine? fou homicide? à commettre l’irréparable.

     


    Toutes ces tranches de destin sont là, poignantes pour qui veut bien y regarder sans esprit de gaudriole, dans ce petit cahier aux pages jaunies, biffées de rouge ou de bleu à chaque départ.


    Merci au propriétaire du registre, qui, je l’espère, ne m’en voudra pas trop d’avoir ainsi pillé une partie de son trésor, et à Valérie Mazerolle, journaliste au Berry républicain, sans laquelle je n’aurais sans doute jamais eu l’opportunité de feuilleter cette archive, et dont les éclairages d’historienne contemporaniste ont été très utiles pour le médiéviste que je suis.

     

    prostituées5

     

     

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    SOURCES

     http://le-livre-de-meslon.over-blog.com/article-prostituees-a-la-maison-close-

    le-petit-moulin-rouge-portraits-et-destins-79212509.html 

     

     

     

     

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    Boni de Castellane

    (Boni, comte de Castellane-Novejean,

    1867 - 1932)


    Portrait du "dandy"  Paul Ernest Boniface Comte de Castellane

     

     

    Boni de Castellane, véritable noble de Provence, adulé certes, mais marié à une fille de Milliardaire.. celà aide..!!
    Marie Ernest Paul Boniface, comte de Castellane-Novejean, puis marquis de Castellane (1917), dit Boniface (surnommé Boni) de Castellane, est un "dandy'" et homme politique français, né le 14 février 1867 dans le 7e arrondissement de Paris et mort le 20 octobre 1932 à Paris.
     

     

    La nouvelle comtesse de Castellane est fort laide, petite, légèrement bossue, ce qui fait dire aux mondains de l’époque :
    « Elle est plus belle, vue de dot ! »

     

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    UN HOMME ?!!! mais oui... UN SEDUCTEUR parmi tant d'autres.. Mais Chut... les HOMMES..n'ont jamais fait la UNE ! et pourtant...Il ou ILS.. plaisaient aussi aux DAMES ! --------------------- Il est vrai que des milliers de récits, d'articles mentionnent avec beaucoup de vivacité, de détails, les destins des COURTISANES ! des "prostituées" du grand monde, ou des petits trottins... des jeunes femmes qui ont vécu de leurs charmes... auprès d'Hommes en quête de conquête... sexuelle, allez le mot est laché !

    mais jamais des récits des COURTISANS, des GIGOLOS auprès des Dames aisées, aristocrates....

    pourquoi ??? )

     

    Boni de Castellane était homme à dépenser des fortunes pour assouvir ses plaisirs d'esthète.

    Il eut d'ailleurs l'occasion d'en dépenser une puisqu'il se maria, lui l'aristocrate véritable, le parent de Talleyrand, imprégné de Monarchie, de Catholicisme et de France éternelle, à une Américaine , Anna Gould, peu jolie mais riche à millions grâce aux chemins de fer de son père.

     


    "Boni", ainsi que le Tout-Paris l'appelait, fut un des premiers à échanger un vieux nom de France contre de l'or made in Nouveau Monde, lequel fut à son tour changé en montagnes de fleurs, en antiquités, en objets de goût, en fêtes retentissantes, en bateaux, en campagnes électorales

    (il fut député douze ans, plutôt intéressé par les questions diplomatiques et internationales que par les petites questions nationales), en châteaux de famille rachetés et restaurés ainsi qu'en un palais parisien,

    le Palais rose, inspiré pas moins que par le Grand Trianon et construit le long de ce qui est maintenant l'avenue Foch.

     

     

    b&w photo of Boni at his desk ca.1920's

     

     

    Boni de Castellane était homme à dépenser des fortunes pour assouvir ses plaisirs d'esthète. Il eut d'ailleurs l'occasion d'en dépenser une puisqu'il se maria, lui l'aristocrate véritable, le parent de Talleyrand, imprégné de Monarchie, de Catholicisme et de France éternelle, à une Américaine, Anna Gould, peu jolie mais riche à millions grâce aux chemins de fer de son père.

     



    "Boni", ainsi que le Tout-Paris l'appelait, fut un des premiers à échanger un vieux nom de France contre de l'or made in Nouveau Monde, lequel fut à son tour changé en montagnes de fleurs, en antiquités, en objets de goût, en fêtes retentissantes, en bateaux, en campagnes électorales

     

     

     

    (il fut député douze ans, plutôt intéressé par les questions diplomatiques et internationales que par les petites questions nationales), en châteaux de famille rachetés et restaurés ainsi qu'en un palais parisien, le Palais rose, inspiré pas moins que par le Grand Trianon et construit le long de ce qui est maintenant l'avenue Foch.

     

    © David Bordes
    Jardin intérieur conçu avec les vestiges du Palais rose construit pour Boni de Castellane
    Photo issu de l'article "Les treillages d'art, des oeuvres à découvrir" paru dans le hors-série "Côté Jardins" n° 004 (avril 2009) publié par La Demeure Historique.



    Cependant, dans la vente de son nom Boni n'avait pas compris celle de son âme.

     

     

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    Effrayée sans doute par cet homme incompréhensible pour elle, lasse également d'entendre sur le compte de son époux les nombreuses histoires galantes qu'on lui prêtait, Anna Gould demanda le divorce en 1906, malgré trois enfants.

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    Frappé par la malédiction de pauvreté qui toucha de nombreux dandys (la plus célèbre fut celle de Wilde), Boni sut élégance conserver.

     

     

    Aucune des nombreuses contrariétés matérielles ni aucun sarcasme des deux Mondes ne purent le faire déchoir de son rang.

     

     

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    Boni disgracié en ménage paya à ce moment pour toutes ses "fautes", impardonnables aux yeux de l'époque : ses origines (carolingiennes d'après lui), son antidreyfusisme (qui n'alla cependant pas jusqu'à l'antisémitisme, étant plus motivé par la défense de l'honneur de la France et de l'Armée et l'idée que l'Allemagne manœuvrait en coulisses),

     

    son mariage aux motivations douteuses, son chic, sa supériorité intellectuelle et morale évidente sur les bourgeois de son temps. 


     

    Derniers soubresauts avant destruction ...

    Il y a 40 ans, le Palais Rose disparaissait du patrimoine parisien.

    Beaucoup s’en émurent, et notamment au Parlement.

    Nous reproduisons ci-dessous la réponse du ministre chargé de la culture à une question écrite posée par un député le 10 octobre 1968.

    « M. Nabab-Deloncle signale à M. le ministre d'Etat chargé des affaires culturelles qu'une demande de permis de construire aurait été déposée pour l'emplacement du Palais-Rose, avenue Foch.

    Il lui signale que de nombreux Parisiens restent attachés à cet édifice d'un aspect agréable et qui rappelle ce qui fut une belle époque de Paris et lui demande s'il n'envisagerait pas, conjointement avec la ville de Paris, de préserver cette construction et de la transformer en musée de la Belle-époque. (Question du 10 octobre 1968.)

     

     Château de Rochcotte in the Loire Valley, Boni's childhood home

    Réponse .

     

    — Pour que le ministère d'Etat chargé des affaires culturelles puisse intervenir afin d'imposer la conservation du Palais-Rose, il aurait fallu que l'immeuble soit classé parmi les monuments historiques, ou au moins inscrit sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.

    Palais Rose Avenue Foch, Paris

     

    Il ne l'est pas. Une proposition de protection à ce titre fut présentée à la commission supérieure des monuments historiques, dont l'avis est légalement indispensable, mais ne fût pas retenue, motif pris de l'absence de valeur archéologique de l'édifice.

     

    Le Palais-Rose n'est pas non plus compris dans le site classé de l'avenue Foch ; il est en retrait de sa limite administrative.

     

     

     

    Dans ces conditions, il ne restait à mon administration qu'à suggérer des solutions qui permettraient la conservation de tout ou partie du Palais-Rose.

     

    C'est ce qui fut fait, mais les projets dressés par les architectes chargés de l'opération ont montré à l'évidence que des bâtiments modernes répondant à un programme important ne pouvaient pas s'harmoniser avec les bâtiments existants.

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    L'installation dans ce palais d'un musée de la Belle Epoque ne pourrait être réalisée que par la ville de Paris, sans le concours du service des monuments historiques. »

    Source : Journal officiel des débats parlementaires – Assemblée nationale – n° 93 – 23 novembre 1968

     

     

     

    Du haut de son arbre généalogique, Boni continua à recevoir et à incarner le brio français.

     

     

    Il n'habita certes plus le Palais rose, vendit ses antiquités, devint lui-même une manière d'antiquaire, mais resta l'élégant Parisien que les caricaturistes adoraient croquer.

     

    Toute la Recherche du Temps perdu et les princes de l'Europe continuèrent de le fréquenter et jusqu'au bout une litanie de noms fameux, issus des grandes familles, du monde de l'Art, du monde politique et du monde diplomatique, goûta sa conversation supérieure.

     

    Son influence, néanmoins, ne lui permit pas de faire partager ses craintes de guerre en 1914 ni le danger du morcellement de l’Empire des Habsbourg en 1918.



    Il reste malheureusement peu de choses

    de Boni de Castellane.

     

    Comme de nombreux dandys tout entier consacré au présent et à sa personne, il ne voulut, ne put ou ne sut édifier une œuvre littéraire et artistique.

     

    Même le Palais rose fut détruit et ses collections furent dispersées bien avant sa mort.

     

    Deux livres de mémoires, Comment j'ai découvert l'Amérique et L'art d'être pauvre, conservent cependant la trace de sa pensée originale et nostalgique : à travers les siècles, il ne reste en réalité de Boni de Castellane que les échos d'une fête lointaine et une vague odeur de pourriture noble.

    Boni de Castellance par da Cunha

     http://francois.darbonneau.free.fr/dandhist/castellane.html

     

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    Les éditions Tallandier ont publié le 19 février 2009, dans

    la collection Texto, une réédition des Mémoires de Boni de Castellane :

    "L'Art d'être pauvre" précédé de "Comment j'ai découvert l'Amérique".

    Ces mémoires sont le témoignage éclatant d’une originalité et d’une personnalité hors du commun.

    A découvrir ou à redécouvrir.

     

     

     

     

     

     

     

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    Boule de Suif, un exemple littéraire...

    "La femme, une de celles appelées galantes, était célèbre pour son embonpoint précoce qui lui avait valu le surnom de Boule de Suif.

     

    Petite, ronde de partout, grasse à lard, avec des doigts bouffis, étranglés aux phalanges, pareils à des chapelets de courtes soucisses; avec une peau luisante et tendue, une gorge énorme qui saillait sous sa robe, elle restait cependant appétissante et courue, tant sa fraîcheur faisait plaisir à voir.

     

    Sa figure était une pomme rouge, une bouton de pivoine prêt à fleurir; et là-dedans s'ouvraient, en haut, deux yeux noirs magnifiques, ombragés de grands cils épais qui mettaient une ombre dedans; en bas, une bouche charmante, étroite, humide pour le baiser, meublée de quenottes luisantes et microscopiques.

     

    Elle était de plus, disait-on, pleine de qualités inappréciables.

     

    Aussitôt qu'elle fut reconnue, des chuchotements coururent parmi les femmes honnêtes, et les mots de "prostituées", de "honte publique" furent chuchotés si haut qu'elle leva la tête. Alors elle promena sur ses voisins un regard tellement provocant et hardi qu'un grand silence régna, et tout le monde baissa les yeux à l'exception de Loiseau, qui la guettait d'un air émoustillé.

     

    Mais bientôt la conversation reprit entre les trois dames, que la présence de cette filles avait rendues subitement amies, presque intimes.

     

    Elles devaient faire, leur semblait-il, comme un faisceau de leurs dignités d'épouses en face de cette vendue sans vergogne; car l'amour légal le prend toujours de haut avec son libre confrère."

    "Tous les regards étaient tendus vers elle. Puis l'odeur se répandit, élargissant les narines, faisant venir aux bouches une salive abondante avec une contraction douloureuse de la mâchoire sous les oreilles.

     

    Le mépris des dames pour cette fille devenait féroce, comme une envie de la tuer ou de la jeter en bas de la voiture, dans la neige, elle, sa timbale, son panier et ses provisions."

     

    Ces passages de Boule de Suif nous montre qu'on porte un regard négatif et méprisant sur les prostituées. Les femmes mariées ne veulent pas entrer en contact avec Boule de Suif, une prostituée.

     

    Elles veulent éviter le phénomène de "contagion sociale".

     

    Elles méprisent Boule de Suif, en la considérant comme inférieure, sale, honteuse, pas fréquentable. Elle est synonyme de foyer d'infection, que l'on doit éviter; elle provoque même le dégoût chez ces dames. 

     

    Boule de Suif ne doit pas se mélanger à ces "femmes honnêtes" et ne doit pas atteindre "leurs dignités d'épouses".

     

    On constate donc par cette oeuvre, que les prostituées sont mises en retrait, rejetées par la société.

     

    http://prostituees-maisonscloses.e-monsite.com/pages/boule-de-suif-un-exemple-litteraire/

     

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    Veronica Franco (25 mars 1546 - 21 juillet 1591) est une courtisane et poétesse renommée du xvie siècle à Venise

     

    Courtisane vénitienne


     
    La Danaé du Tintoret (vers 1570). Le Tintoret aurait représenté Veronica Franco sous les traits de Danaé (la femme de gauche).

    Deux types de courtisanes coexistaient à Venise :

    • la curtigiana onesta : femme de culture et de style, qui n'en faisait pas moins commerce de ses charmes
    • la curtigiana de lume : de moindre classe, qui pratiquait son commerce près du pont du Rialto.

     

    Veronica Franco est un exemple du premier type de ces femmes de Venise. Sans doute n'est-elle pas la seule à avoir eu accès à une telle éducation mais elle reste particulièrement célèbre dans l'histoire. Elle était fille elle-même d'une curtigiana onesta, qui l'introduisit aux finesses des arts.

     

     

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    Pour satisfaire ses besoins, elle court vers les hommes qui possèdent le plus de biens.

    Elle fut mariée en 1563 à Paolo Panizza, médecin, mais cela finit mal.

     

    Elle réussit assez vite à avoir des relations avec les notables les plus importants de la ville. Elle connut notamment Jacomo de Baballi qui lui donna un fils, Achille, avant de faire la rencontre d'Andrea Tron, dont elle eut un également un fils, Énée. Puis elle entretint une longue relation avec Marco Vernier.

     

    Elle fut même la maîtresse du roi Henri III de France.

     

    Elle fut inscrite comme l'une des plus fameuses courtisanes de Venise dans Il Catalogo di tutte le principale et piu honorate cortigiane di Venezia.

     

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    Femme de culture grâce à sa mère, Veronica Franco écrivit deux recueils de poésie : Terze rime en 1575 et Lettere familiari a diversi en 1580.

     

    Elle publia des recueils de lettres et rassembla en diverses anthologies des œuvres d'autres écrivains.

     

    Grâce à son succès, elle eut les moyens de fonder une œuvre en faveur des prostituées et de leurs enfants.

     

     

    En 1575, lors de l'épidémie qui ravagea la cité, elle quitta Venise et perdit beaucoup de ses biens qui furent l'objet de saccages. À son retour en 1577, elle se défendit devant un tribunal d'Inquisition pour l'accusation de sorcellerie (accusation assez commune à l'époque contre les courtisanes).

     

    Elle bénéficia d'un non-lieu, sans doute du fait de ses liens avec les nobles de la cité.

     

     

    Le reste de sa vie est assez obscur, et il semble qu'à la mort de son dernier "bienfaiteur", elle fut réduite à mourir dans la pauvreté.

     

     

    Elle meurt à 45 ans dans la paroisse de San Moisè à Venise, laissant par testament une somme devant permettre à deux courtisanes de se marier ou d'entrer dans les ordres ou bien servir de dot à deux jeunes filles.

     

     

     

     

     

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  • Ô temps ! suspends ton vol

    Dans cette maison montréalaise au 6878 de la rue Saint-Denis, non loin de Jean-Talon, le temps s’est figé en 1920.

    Cette demeure bourgeoise, dans son jus, est à vendre pour 715 000 $.

    Je suis curieux de savoir l’histoire de cette maison, ce qu’il est arrivé pour que rien n’y change depuis les années 1920. Ça m’a fait penser à l’appartement, certes bien plus chic, de Marthe de Florian à Paris.

    [Via William Raillant-Clark.]

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