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ALPHONSE BOUDARD
Alphonse Boudard est né à Paris en 1925 de père inconnu et d'une mère prostituée.
On peut avoir plus de chance pour démarrer dans l'existence...
Confié dans sa petite enfance par sa mère à un Carnute taciturne, Auguste, ancien combattant de 14-18, bougon mais affectueux, il avait de fortes chances de devenir ouvrier agricole, au mieux petit paysan.
Ramené à Paris par sa mère, à l'âge de 7 ans, il vivra de nombreuses années dans le XIII arrondissement, plus ou moins livré à lui-même.
De cette époque, il restera profondément marqué par le langage, les us et coutumes, les traffics en tous genres d'un peuple hétéroclite d'ouvriers des usines Panhard et Levassor, d'apaches de la Butte aux cailles et d'anciens des Bataillons d'Afrique.
Au début de la guerre de 39-45, Alphonse, âgé de 16 ans est ouvrier typographe dans une imprimerie. Le hasard et certains liens amicaux le poussent à rejeter l'appel au calme du Maréchal et à rejoindre
l'armée de Delattre.
Rentré blessé et décoré du conflit, Alphonse Boudard retrouve un Paris désoeuvré et commence une vie remplie de petits expédients, de combines illicites, de cambriolages.
Le voici parti pour une dizaine d'années de séjours successifs en prison. Châtiment qui s'avéra être la "chance" de Boudard
Diagnostiqué « intelligent » par l’administration pénitentiaire, il a accès aux bibliothèques et s’enferme dans la lecture, se fait une éducation littéraire, ses gammes en quelques sortes : de la Bible à Céline, en passant par les classiques grecs, les romans de Balzac, Stendhal, Tolstoï, Proust, Mann, les biographies historiques et les récits de voyages.
Il y acquiert une "culture" mais aussi et surtout le goût de l'écriture.
Libéré en 58, il rédige des manuscrits où se mêlent des mondes originaux et une langue argotique dont il devient rapidement le maître. En 1962, après un séjour en sanatorium et Fresnes son premier texte,
La métamorphose des cloportes est publié.
Le fond et la forme plaisent au grand public et il enchaîne les prix littéraires: le prix Sainte-Beuve en 1961 pour 'La Cerise',
le prix Renaudot pour 'Les Combattants au petit bonheur' en 1977 et le
Grand Prix de l'Académie Française en 1995 pour 'Mourir d'enfance'.
La langue de Boudard lui attire également les faveurs du cinéma à l'instar de Georges Simenon et de Fréderic Dard.
Il collabore en tant que dialoguiste ou scénariste à de nombreux films policiers entre la fin des années 60 et les années 80, notamment aux côtés de Michel Audiard, Jacques Deray, Alain Delon.
Décédé en 2000, il reste "celui" qui trouva une alternative réussie à la vie de taulard grâce à l'écriture. On sait qu'il a fait de nombreux émules depuis...
La dédicace qui suit ne peut être formellement datée. Elle apparaît sur une édition de 1977 du livre "Les combattants du petit bonheur" à la Table Ronde.
L'écriture au stylo noir griffe littéralement le papier. Le trait net et sec semble accrocher l'espace et se raidir en angles abruptes pour pouvoir faire sa place dans la feuille de papier. L'avancée est chaotique, en tension avec une prédilection pour l'étalement sur l'horizontale et simultanément des saccades, des raidissements, des cabrages, une pression souvent déplacée sur l'horizontale, des tiraillements d'inclinaison qui viennent démentir ou pour le moins nuancer l'apprente "aisance" du tracé.
L'inconfort transparaît donc en premier lieu dans ces quelques lignes. Inconfort, révélateur d'une personnalité qui bien que poussée à établir des liens avec ceux qui l'entourent, reste en attitude de défense et parfois de résistance. Personnalité qui perçoit plus facilement et rapidement les aspérités de l'existence que ses facilités.
Il en résulte une mobilisation de l'énergie pour affronter et surmonter les obstacles, prendre la main sur les événements et sur les gens rencontrés. Ne pas baisser la garde, rester vigilant, semble dire cette écriture, ce trait coupant à la limite du tranchant.
Tant d'énergie pour se défendre certes, mais pas que cela... Gagner en estime de soi, en confiance en soi, en plénitude, en identité, en indépendance et en cohérence, c'est également ce que nous livre la spectaculaire signature, liée à hyperliée et hors normes par sa dimension.
Et pour terminer quelques citations d'Alphonse Boudard:
L' Histoire, l'orsque l'on a le nez dessus... dedans, je dirais même, on n'y voit rien, on ne s'occupe que des détails.
Je pense à présent qu'il faut se conduire toujours en homme du monde avec les putes et souvent en julot avec les bourgeoises.
Un psychanalyste est un homme qui va au Crazy Horse Saloon et qui regarde les spectateurs
PS: Pour en savoir plus sur Alphonse Boudard, consulter le site :
Tags : alphonse, boudard, reste, prix, annees
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