Aujourd’hui internet, j’ai le plaisir de mettre sous tes yeux un nouveau travail. Oui. Avec Polina, du blog Polinacide, nous avons décidé de travailler toutes les deux, chacune sur notre blog, sur deux documents dénichés sur Gallica. J’aime autant te prévenir, aujourd’hui on parle putes, prostituées, catins et autres ribaudes.
Doléances des filles de joie de Paris, a l’occasion de l’ordonnance qui leur défend de se montrer en public(1830) et Epître à M. Mangin au sujet de l’ordonnance attentatoire à la liberté des femmes (1830).
Tu peux trouver son article ici : VDP : la fille de joie, ce grand stigmate
Au XIXème siècle, il est important d’avoir un bon travail, une coquette maison et surtout de se marier avec une gentille fille, bien docile, et de lui faire quelques enfants pour préserver la lignée. Deux ou trois.
Pas trop non plus, on est pas chez les ploucs.
Et puis, bien sur, tu vas à la messe.
Pas que le soir de Noël ou de Pâques. Non, tous les dimanches.
Bon, ça c’est la théorie, en pratique…
Bourgeois ou pas, le mec adolescent et jeune adulte, il n’a pas envie de s’emmerder avec une vie de famille, et surtout il a les hormones en ébullition.
Avoir du boulot, c’est bien. Avoir une femme, c’est chiant.
Et puis, à quoi bon ? Si tu veux pécho un coup, tu vas voir les putes. L’âge du mariage recule, recule, recule encore. Et les bourses se vident pour renflouer celle des filles de joie…
Au grand dam des mères de familles qui voient l’argent de leur fils disparaître.
Et puis, c’est qu’ils se dévergondent les coquins, on apprend plein de choses avec les prostituées, bien plus qu’avec sa femme, lorsqu’il a daigné en épouser une. Faut dire que la bienséance contraint à un coït en missionnaire par semaine et par personne, négociable selon la période d’ovulation.
En revanche, les putes ont des moyens de contraception plus ou moins efficaces, et elles ne rechignent pas à pratiquer un quelconque rapport bucco-génital, anal, voire une levrette.
Et pire, genre parfois la meuf est au dessus de l’homme, c’est elle qui guide, c’est elle qui décide.
Soumission et humiliation de l’homme, du pater familias. Il ne manquerait plus que les maris demandent à leur femme de varier un peu les plaisirs… C’est le vice qui s’installerait dans les bonnes familles.
HORREUR ET DAMNATION dans les foyers de la classe supérieure.
Comment faire pour sauver la société ?
Ligoter les jeunes adultes et les maris infidèles ?
Les castrer chimiquement ou physiquement ? Non.
On va interdire les putes sur la voix publique (donc les bordels et les cocottes, c’est ok, on garde). Après tout, ce sont elles le problème.
Les filles de rue. Elles aguichent sur les trottoirs, vêtues de fanfreluches et alcoolisées. Ah ça, l’absinthe, elles l’aiment.
Et puis, elles sont grasses de ne rien faire de leur journée.
Les mecs, eux, ils sont juste soumis à leurs besoins sexuels… Les pauvres. Il faut les protéger. Vous inquiétez pas, la loi est faite pour ça.
L’ordonnance d’avril 1830 :
L’ordonnance Mangin contre les putes
En 1830, le préfet Mangin tente d’interdire les putes dans la rue, les prostituées vont se retrouver sans le sou.
Et les messieurs sans divertissements… Des épîtres vont être dressées contre le préfet et on va retrouver diverses doléances des filles publiques… « Est-il sort plus déplorable que le sort où nous réduit l’ordre qui nous est prescrit par cet homme impitoyable ? »
Outre les vies de famille malmenées par la prostitution, les réglementaristes utilisent l’argument de la démographie. C’est vrai, « Qui couche avec une pute l’après-midi ne peut engrosser sa femme le soir*»… En fait, si le nombre d’enfants diminue dans les ménages c’est parce que
- dans la bourgeoisie : les familles nombreuses, ça fait vulgaire
- dans les familles sans argent, la femme travaille et ne peut pas élever 10 enfants comme avant.
C’est pas du tout parce que les mecs font appel aux connaissances pratiques des filles de rue. Mais cette baisse de la démographie, ça emmerde les dirigeants. Alors on trouve le prétexte des filles de joie qui vident ces messieurs de l’avenir de la France. En cas de guerre, on a plus de petits soldats pour nous défendre.
Mais alors, si les hommes ne peuvent plus aller voir des prostituées, comment vont-ils gérer leurs pulsions libidineuses ?
Il ne vont pas contraindre leur femme… Non… « Troubler le négoce que des malheureuses font. Ah ! C’est vouloir tout de bon en deuil changer une noce : Car, de faim peur de mourir, nous les verrons périr. »
Et si les prostituées n’ont plus de quoi travailler comment vont -elles faire ? A vrai dire… On s’en fout… Enfin, la plupart des gens n’en ont rien à faire. Les putes c’est le mal, elles n’ont qu’à gagner dignement leur vie, comme tout le monde. Or, la prostitution qui est visée par cette réglementation, c’est la prostitution ouvrière, pas les bordels ou les courtisanes. Non. Les femmes qui ne parviennent pas à nourrir leur famille qui se soumettent complètement aux clients pour vivre. Survivre.
Il existe (heureusement) des soutiens aux filles publiques, des personnes qui reconnaissent que la prostitution n’est pas un choix, que les jeunes filles ont souvent été abandonnées très jeunes, sans ressources et que la société n’a jamais rien fait pour elle.
Aussi, « La femme par besoin, ici, se prostitue« .
_____________________________________________________________________________
*Je viens d’inventer cet adage, j’espère qu’il sera repris partout dans le monde
- Découvre l’article de Polina sur le même sujet : VDP : la fille de joie, ce grand stigmate
- Découvre aussi mon article:
- Putes de rue, celles qu’on voit, celles qui dérangent.
- Gallica
- INHA: Toulouse Lautrec:
- http://www.racontemoilhistoire.com/2014/05/19/pute-bourgeoise-comment-preserver-menage/