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‘‘L’aiguille est à la femme ce que la plume est à l’écrivain.’’
L’éducation des filles au XIXème siècle Il n’est pas évident, de nos jours, de concevoir ce qu’était l’éducation des filles jusqu’au XIXème siècle.
Ces quelques éléments devraient apporter plus de réalisme aux parties se déroulant à la “Belle Epoque”.
‘‘L’aiguille est à la femme
ce que la plume est à l’écrivain.’’
Cette phrase est emblématique de la place des femmes dans la société du XIXème siècle, et par conséquent de l’éducation donnée aux jeunes filles de cette époque.
Jusqu’à ce que Jules Ferry rende l’école obligatoire pour tous les enfants, l’éducation des filles n’était ni structurée ni contrôlée, et bien souvent réservée aux familles qui en avaient les moyens.
Pour beaucoup de ces jeunes filles, toute l’éducation avait lieu à la maison, en présence de gouvernantes et de professeurs particuliers.
D’autres étaient placées dans des couvents, des pensionnats et autres “institutions pour jeunes filles”, pour y recevoir une éducation pas plus poussée, sinon moins. ‘‘
Le cerveau féminin est plus mou ...’
’ Les pédagogues de l’époque qui s’occupaient de l’enseignement des jeunes filles prétendaient que “le cerveau féminin est plus mou, donc moins apte à l’apprentissage”.
On enseignait donc aux filles des rudiments de tout, et si elles apprenaient à lire, à écrire et à compter correctement, leur instruction n’entrait pas dans les détails.
Ainsi, les filles pouvaient étudier le latin ou le grec, mais contrairement aux garçons qui enchaînaient thèmes et versions, les filles se contentaient d’apprendre quelques phrases proverbiales du style des Pages roses du Larousse ...
Pour cette même raison (ou plutôt sous ce même prétexte) l’enseignement scientifique destiné aux filles était soit inexistant, soit limité à de très vagues généralités.
Les jeunes filles du XIXème siècle pouvaient éventuellement s’émerveiller devant des phénomènes de “physique amusante”, mais on ne leur donnait pas d’explications sur l’origine et le principe de ces phénomènes.
Elles savaient cependant se servir d’un thermomètre ... pour vérifier la température du bain de leur bébé !
Une épouse et une mère...
Pour comprendre les raisons d’être de cet enseignement, il faut avoir un aperçu de ce qu’était la place de la femme dans la société de l’époque.
Elle n’y était pas vue autrement que comme “une bonne épouse et une mère attentionnée”, et il était mal vu d’être un “bas-bleu” ou une “femme savante”, parce que ce type de femme était censé repousser les prétendants
(on cite souvent Henriette et Armande des Femmes savantes, justement) et donc rester “vieille fille”, un scandale dans la société du XIXème siècle.
L’éducation des filles ne visait donc qu’à faire d’elles de futurs archétypes de cette épouse idéale, et avait des programmes en conséquence :
dans tous les instituts destinés aux jeunes filles se tenaient des cours “d’art ménager”, de couture et de tricot, et quand il s’agissait de calcul, c’était essentiellement pour leur apprendre à tenir le budget de leur ménage (du moins quand on le leur permettait ...).
L’éducation mettait également l’accent sur les cours “d’usages” ou “de maintien” où des professeurs très stricts apprenaient aux élèves comment se comporte une femme “comme il faut”.
Il y avait quelques cours d’art, surtout pour les filles riches, mais cela se bornait à un peu de dessin, de chant et de piano.
Être une femme artiste était mal vu car la “vie de bohême” des artistes de l’époque était proverbiale, et bien entendu incompatible avec l’attitude d’une jeune fille bien élevée.
Préserver la morale “Une jeune fille bien élevée”, c’est le second but de cet enseignement, c’est pourquoi une grande partie de l’éducation des filles avait pour objet la MORALE
Les sujets d’histoire, de lecture expliquée ou de rédaction visaient toujours à inculquer aux jeunes filles la condition “inférieure” de la femme, l’importance des tâches ménagères, la soumission à leur futur devoir de bonne épouse et de bonne mère.
L’histoire traitait de célèbres mères exemplaires, et les sujets de rédaction étaient du type :
“Votre mère a fait une grande lessive ce vendredi, racontez comment vous l’avez aidée” ou “Faites le portrait de la jeune fille respectable”.
Les livres qu’elles lisaient étaient la Bible et le catéchisme, ainsi que des histoires de morale mettant en scène des jeunes filles bien élevées devenant de bonnes épouses, ou au contraire des filles “perdues” qui tournaient mal et finissaient par recevoir de la vie un “juste châtiment”.
Le comportement des jeunes filles faisait l’objet d’une surveillance rapprochée, à l’école mais aussi à la maison.
Il leur était interdit de lire des “mauvais livres” qui pourraient leur faire entrevoir une autre destinée que celle de bonne épouse, et elles étaient élevées dans l’ignorance et même le mépris de leur propre corps.
Si beaucoup d’entre elles, à cette époque, tenaient leur “journal intime”, elles n’y consignaient en fait pas leurs pensées les plus secrètes car ce journal n’avait souvent d’intime que le nom ; en effet, il était souvent relu par leur mère, leur gouvernante ou leur confesseur.
Parfois, c’était même sur l’ordre de ces derniers que la jeune fille écrivait dans son journal, qui devenait ainsi un autre moyen de surveiller son comportement.
L’idéal de la jeune fille (et plus tard de la femme) était d’être “jolie, douce, aimable, modeste et polie”, et il était attendu d’elles qu’elles se comportent ainsi en toutes circonstances en société.
Même une fille qui riait était mal vue, le rire étant censé “déformer le visage” ... et faire du bruit, alors qu’une femme “comme il faut” du XIXème siècle devait appliquer le célèbre principe
“sois belle et tais-toi”.
D’après Le Silence des filles par Colette Cosnier, éditions Fayard.
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