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    16 février 1899. Le président Félix Faure succombe à une fellation au palais de l'Élysée.

    Marguerite Steinheil met trop de coeur à l'ouvrage, son amant présidentiel ne résiste pas à l'aimable gâterie

     

     

     

    Portrait officiel du président Félix Faure. 
     
    Président de la République depuis quatre ans, Félix Faure a pris une maîtresse comme tout bon Français de sexe mâle.
     
     
    Il s'agit de Marguerite Steinheil, 26 ans,
    qui change d'amant comme de chapeau.
     
     
    Son mari, le peintre Steinheil, qui poursuit
    ses propres amours, ne trouve rien à y redire.
     
     
    Au contraire même, puisque la nouvelle "relation" de son épouse lui vaut plusieurs commandes officielles.
     
     
    Comme cela, tout le monde y trouve son compte.
     
     
    Ce Havrais, à la carrière politique modeste, accompagnera la fin du siècle sans beaucoup l'influencer.
     
    Sans doute peut-il prétendre avoir initié l'Alliance russe et prolongé l'aventure coloniale.
     
     
    Mais alors que le pays se déchire à propos de l'affaire Dreyfus, lui plastronne dans les salons et multiplie les conquêtes féminines.
     
     
    Jusqu'à ce si vaudevillesque 6 février 1899. Félix Faure est terrassé par une hémorragie cérébrale en plein ébat amoureux dans les bras de sa maîtresse,
     
    Marguerite Steinhell. après une fellation d’une sensualité explosive !
     
     
    Félix Faure a pris l'habitude de faire venir Mme S. au palais de l'Élysée à chaque fois qu'il a besoin d'une séance de relaxation...
     
     
    «Il voulait être César, il n'aura été que Pompée».
     
     
    C'est par ce trait d'esprit que Clémenceau résuma la mort du VIIe président de la République.
     
     
    Il y a 117 ans exactement, le 16 février 1899, Félix Faure mourait brutalement d'une crise cardiaque au palais de l'Élysée.
     
     
     
     
     
     
    Quelques secondes auparavant, il était en galante compagnie.
     
     
    Sa maîtresse, Marguerite Steinheil, retrouvée à côté de lui le feston et l'ourlet en bataille quelques instants après le moment fatal, fut soupçonnée d'avoir causé par son empressement amoureux le décès du chef de l'État.
     
     
    Les gazettes de l'époque firent des gorges chaudes de la disparition subite, de cet homme politique, déjà connu pour son goût prononcé pour la bagatelle.
     
     
    Le Journal du Peuple, notamment écrivit que ce président facétieux était mort «d'avoir trop sacrifié à Vénus.»
     
     
    Marguerite Steinheil est impliquée dans une autre histoire scabreuse
     
     
    Au-delà de la plaisanterie grivoise, les historiens continuent à se pencher sur «l'affaire Félix Faure».
     
     
     
     

    L'histoire des scandales politiques :

    le Président de la République meurt dans les bras de sa maîtresse…

    Félix Faure, Président de la République depuis 1895, meurt à l'Élysée le 16 février 1899, à l'âge de 58 ans.

     

    La rumeur veut qu’il ait eu son dernier soupir dans les bras de sa maîtresse, Marguerite Steinheil…

    Felix Faure et Marguerite Steinheil

     

     

    En 1897, Felix Faure, alors Président de la République, rencontre, à Chamonix, Marguerite Steinheil dite « Meg », épouse du peintre Adolphe Steinheil auquel est confiée une commande officielle. De ce fait, Félix Faure se rend souvent impasse Ronsin, à Paris, à la villa « Le Vert Logis » où réside le couple Steinheil.

     

    Bientôt, Marguerite devient la maîtresse de Félix Faure et le rejoint régulièrement dans le « salon bleu » du palais de l'Élysée.

    Le 16 février 1899, Félix Faure téléphone à Marguerite et lui demande de passer le voir en fin d'après-midi. Quelques instants après son arrivée, les domestiques entendent un coup de sonnette éperdu et accourent : allongé sur un divan, le président râle tandis que Marguerite Steinheil réajuste ses vêtements en désordre. Félix Faure meurt quelques heures plus tard.

    Il est en fait mort d'une congestion cérébrale. La rumeur veut que Faure soit mort dans les bras de sa maîtresse Marguerite Steinheil. Dès les jours qui suivent, le Journal du Peuple avance qu'il est mort d'avoir « trop sacrifié à Vénus », c'est-à-dire d'un effort excessif dans le cadre de l'acte sexuel. La plaisanterie populaire va jusqu'à préciser que c'est par une fellation, que la maîtresse provoqua l'orgasme qui lui fut fatal.

    On raconte que l'abbé qui fut mandé par l'Élysée aurait demandé : « Le président a-t-il toujours sa connaissance ? ». Un domestique lui aurait alors répondu: « Non, elle est sortie par l'escalier de service ».

    Marguerite Steinheil fut alors surnommée la « Pompe funèbre ». Les chansonniers de l'époque disent de lui (mot rapporté sous diverses formes) : « Il voulait être César, il ne fut que Pompée », allusion au goût du président pour le faste dont les satiristes de l'époque avaient coutume de se moquer ou à la fellation qui prétendument provoqua sa mort. Cette phrase a également été attribuée à Georges Clemenceau, qui ne l'aimait guère. Il aurait aussi déclaré, après la mort du président,

     

    « En entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui », et

     

    « Ça ne fait pas un Français en moins, mais une place à prendre ». Félix Faure est inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

     

    En 1909, dix ans après la mort de Félix Faure, Marguerite Steinheil est jugée et acquittée pour le meurtre de son mari et de sa mère, commis à leur domicile parisien, impasse Ronsin, dans la nuit du 30 au 31 mai 1909.

     

     
    La personnalité de Marguerite Steinheil
    a intéressé récemment André Galabru.
     
     
     
     
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    Près de dix ans après cet incroyable fait divers d'État, le 31 mai 1908, l'ancienne amante de Félix Faure, se retrouve impliquée dans une autre histoire scabreuse.
     
     
    Chez elle, leur jeune domestique, Rémy Couillard - c'est son vrai nom! - découvre Auguste Steinheil assassiné à côté d'une dénommée Madame Japy, elle aussi raide morte.
     
     
    Dans une pièce attenante, Madame Steinheil, elle, est ligotée et bâillonnée.
     
     
    La police la soupçonnera d'avoir mis en scène le meurtre de son époux et de sa maîtresse.
     
     
    Les enquêteurs imaginent même un temps que des hommes se sont introduits chez les Steinheil pour récupérer des documents secrets relatifs à l'affaire Dreyfus, ayant appartenu au président Faure.
     
     
    Le crime passionnel est aussi évoqué...
     
     
    Le 14 novembre, après une plaidoirie de son avocat de plus de sept heures, elle sera acquittée par les jurés.
     
     
    Mais au grand étonnement des observateurs, le président du tribunal tint quand même à souligner après le verdict qu'il «n'avait pas cru un seul instant à ce tissu de mensonges»
     
     
     
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    La clitoridectomie n'est pas un phénomène purement africain mais a fait partie intégrante de la médecine européenne.

     

     

    Bien que l'histoire ait retenu surtout le nom du docteur Isaac Baker Brown (1812-1873), nombreux furent les médecins qui soignèrent ainsi les cas d'hystérie, de migraines et d'épilepsie.

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    Elle fut aussi pratiquée en France, à la fin du XIXe siècle par des médecins comme Thésée Pouillet (1849-1923) Pierre Garnier (1819–1901) ou Paul Broca (1824-1880) pour lutter contre l'onanisme.

    Isaac Baker Brown, qui étudia au "Guy's Hospital" de Londres, devint un gynécologue de renom, spécialiste du traitement des kystes dans les ovaires.

     

    En 1854, il réussit pour la première fois à opérer une patiente - qui était sa propre soeur - en lui enlevant les ovaires et devint ainsi une célébrité dans le monde médical.

     

    La même année, il publia son livre On Surgical-Diseases of Women.

     

    En 1865, il fut nommé président de la "Medical Society of London" et membre de plusieurs sociétes savantes nationales et internationales. Au sommet de sa carrière,

     

     

    En France, le mot hystérie renvoie au professeur Charcot (né à Paris le 29 novembre 1825 et mort à Montsauche-les-Settons le 16 août 1893),

     

    grand spécialiste des traitements contre ce mal qui rongeait les femmes.

     

    Notons que Charcot, par sa passion de la photographie et d'une patiente

    Augustine, se vantait de provoquer des crises pour prendre de beaux clichés. Cette jeune fille fut internée dans l'hôpital de la Salpêtrière dès 17 ans par ses parents pour Hystérie.

     

     

    il publia l'ouvrage On the Curability of certain Forms of Insanity, Epilepsy, Catalepsy and Hysteria in Females (1865) où il recommandait la clitoridectomie comme intervention chirurgicale afin de soigner les maladies mentionnées dans son essai.

     

    Isaac Baker Brown décrit plusieurs cas qu'il aurait opérés. Une jeune fille de 21 ans souffrait depuis des mois de douleurs dans le dos et d'hémorragie en allant à selle.

     

    Les médecins qui la soignaient avaient diagnostiqué une malformation de la matrice et firent appel au Dr. Isaac Baker Brown.

     

    Ce dernier aurait constaté que ses organes génitaux internes étaient en bon état mais qu'elle présentait des lésions sur les organes génitaux externes.

     

     

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    Il lui extirpa le clitoris et selon ses dires, la jeune fille n'eut plus jamais de douleurs dans le dos.

     

    Dans un cas d'épilepsie, Isaac Baker Brown diagnostiqua que la patiente présentait des signes de masturbation sur la partie externe des organes génitaux et avait un polype sur le col de l'utérus, il lui enleva le clitoris .

     

    Baker était convaincu que l'origine de toutes maladies nerveuses prenait sa source dans la masturbation.

     

    Afin d'enrayer cette pratique,

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    il enlevait aux fillettes et aux femmes le clitoris et dans certains cas les petites lèvres.

    .../...

    Paulus d'Aegina et Aëtios d'Amida, deux auteurs de l'antiquité décrivent dans leurs ouvrages la clitoridectomie telle qu'elle est pratiquée en Egypte (Geburtshilfe und Gynäkologie bei Aëtios von Amida.

     

    Traduit en allemand par le docteur Max Wegscheider, 1901. Paulus's von Aegina des besten Arztes sieben Bücher. Traduit en allemand avec des remarques de I. Berendes. Leiden, 1914).

     

    Dionis, un médecin français du 18ème siècle, présente dans son manuel médical les instruments qu'il utilise dans les cas de clitoridectomie:

    un couteau et une pince.

    (P. Dionis. Cours d'opérations de chirurgie démonstrés au jardin Royal.

    Paris, 1708). En 1827, E. Nagrodzki, étudiant allemand en médecine défend sa thèse à Berlin sur le traitement des nymphomanes en s'appuyant sur la clitoridectomie comme traitement possible pour combattre les maladies mentales (E. Nagrodzki. De Nymphomania eiusque curatione. Medizinische Dissertation. Berlin, 1834). 


    .../...l'excision , n'a jamais fait partie de nos coutumes occidentales même au temps des guerres de religion, au XVIème siècle !

    Donc rien à voir avec le christianisme !

    La clitoridectomie a été inventée au XIXème !!


    siècle en Angleterre non pas par des religieux mais par un médecin-chirugien ! Un puritain et misogyne contre la masturbation féminine !

     

    Il avait opéré des dizaines de femmes en Angleterre et donc, ce fut d'être la majorité des femmes de ce pays !


    Tandis que l'excision dans en Afrique et pays arabes, est une pratique ancestrale et qui est lié à l'islam ou le nombre de femmes est important ! et par les femmes ! par tradition !!


    Les exemples mentionnés illustrent que l'excision a été une pratique fréquente en Europe jusqu'au 19e siècle et qu'elle n'était pas considérée comme un acte barbare.

     

     

    En conclusion :

     

    La clitoridectomie avait été inventée par le docteur Isaac Baker-Brown en Angleterre au XIXème siècle. Médecin-gynécologue et chirugien.

     

    C'était un puritain excessif et empreint de psychologie. Il avait opéré des dizaines de femmes Anglaises en cachette.

     

    A la sortie de son livre, cela souleva un scandale et fut très critiqué et Il faut noter qu'il fut en 1867 obligé de démissionner de son poste de Président de la société médicale "British Medical Society".

     

    Il perdit son poste de gynécologue à l hôpital et il se retira dans le monde de la recherche scientifique.

     

    Donc ce qui démontre que c'était l'excision était condamnable et interdite !

     

    La clitoridectomie ne fut pratiquée qu'en Angleterre,

    En France, en Allemagne, dans les pays scandinaves.

     

    Quant  aux personnes qu'il réfère dans son accusation, il disait n'importe quoi pour se donner un prétexte notamment en ce qui concerne le grand chirugien du XVIIème siècle Pierre Dionis ! Pierre Dionis n'avait jamais fait d'excision !

     

     depuis que je sais que j'ai une âme qui va avec le clito, je me sens requinquée!

     

     

    source: http://www.arts.uwa.edu.au/AFLIT/MGF2.html

     

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  • SAR François 1er, père de la langue Française

     

     

     

    En 1539, par l’ordonnance de Villers-Cotterêts, François Ier impose la pratique du français à la place du latin dans tous les actes juridiques et administratifs. Il donne ainsi une impulsion décisive à une langue qui est déjà celle de la cour et de la ville. Les humanistes et les poètes parachèveront sa victoire.

    Quel rôle a joué le roi dans l’affirmation, la diffusion, le perfectionnement de la langue française ? S’agit-il d’une intervention officielle, directe, institutionnelle en quelque sorte, dont la fondation de l’Académie française en 1635 serait la manifestation la plus achevée et la plus éclatante ?

    L’acte fondateur, dans cette relation privilégiée entre le roi et la langue, fut le choix par l’État monarchique du parlé de l’Ile-de-France comme mode d’expression.

    CXI. Et pource que telles choses sont souventeffois ad-venues sur l’intelligence des motz latins contenuz esdictz arrestz, nous voulons que doresenavant tous arretz ensemble toutes autres procédeures, soyent de noz cours souveraines ou autres subalternes et inférieures, soyent de registres, enquestes, contractz, commissions, sentences, testamens et autres quelzconques actes et exploictz de justice, ou qui en dépendent, soyent prononcez, enregistrez et délivrez aux parties en langage maternel françois, et non autrement.

     

    Ordonnance du Roy sur le faid de justice

    francois, par La grâce de dieu, Roy de France,

    Sçavoir faisons, à tous présens et advenir, que pour aucunement pourvoir au bien de notre justice, abréviation des procès, et soulagement de nos sujets, avons, par édit perpétuel et irrévocable, statué et ordonné, statuons et ordonnons les choses qui s’ensuivent.

    Art. 1. – C’est à savçoir que nous avons défendu et défendons à tous nos sujets, de ne faire citer, ni convenir les laïcs pardevant les juges d’église, ès actions pures personnelles, sur peine de perdition de cause et d’amende arbitraire.

    Art. 2. – Et avons défendu à tous juges ecclésiastiques, de ne bailler ni délivrer aucunes citations verbalement, ou écrit, pour faire citer nosdits sujets purs lays, èsdites matières pures personnelles. sur peine aussi d’amende arbitraire.

    Art. 3. – Et ce, par manière de provision, quant à ceux dont le fait a été reçu sur la possession d’en connoître, et jusqu’à ce que par nous, autrement en ait été ordonné, et sans en ce comprendre ceux qui en auroient obtenu arrêt, donné avec notre procureur-général, si aucuns y a.

    Art. 4. – Sans préjudice toutefois de la jurisdiction ecclésiastique ès-matières de sacrement et autres pures spirituelles et ecclésiastiques, dont ils pourront connoître contre lesdits purs laïcs selon la forme de droit, et aussi sans préjudice de la jurisdiction temporelle et séculière contre les clercs mariés et non mariés, faisans et exerçans états ou négociations, pour raison desquels ils sont tenus et ont accoutumé de répondre en cour séculière, où ils seront contraints de ce faire, tant ès-matières civiles que criminelles, ainsi qu’ils ont fait par ci-devant.

    Art. 5. – Que les appellations comme d’abus interjettées par les prêtres et autres personnes ecclésiastiques, ès-matières de discipline et correction ou autres pures personnelles, et non dépendantes de réalité, n’auront aucun effet suspensif ; ains nonobstant lesdites appellations, et sans préjudice d’icelles pourront, les juges d’église, passer outre contre lesdites personnes ecclésiastiques.

    Art. 6. – Que les appelans comme d’abus qui se départiront en jugement de leurs appellations relevées, payeront l’amende ordinaire du fol appel ; et hors jugement, la moitié de ladite amende ; et plus grande si métier est, à l’arbritation de nosdites Cours souveraines, eu égard à la qualité des matières et des parties.

    Art. 7. – Et amende envers la partie pour leurs subterfuges et délais, et procès retardé; c’est à scavoir, de vingt livres parisis en jugement ; et hors icelui, de dix livres parisis.

    Art. 8. – Et quant aux appellations plaidées et soutenues par lesdits appellans, ils soient condamnés, outre l’amende ordinaire, en une amende extraordinaire envers nous et la partie, selon l’exigence du cas, si la matière y est trouvée disposée.

    Art. 9. – Que suivant nos anciennes ordonnances, tous ajournemens seront faits à personne ou domicile, en présence de recors et de témoins qui seront inscrits, au rapport de l’huissier ou sergent, sur peine de dix livres parisis d’amende, contre ceux qui seront trouvés en faute.

    Art. 10. – Quand les récusations proposées ou baillées par écrit, seront frivoles et non-recevables, le juge récusé les pourra telles déclarer, et ordonner que nonobstant icelles, il passera outre selon la forme de droit.

    Art. 11. – Et s’il y a appel, sera nonobstant icelui passé outre, non par le juge récusé, mais par celui qui a accoutumé tenir le siége en son absence, soit lieutenant particulier, ou le plus ancien avocat : tellement que pour la proposition de ladite récusation, et appellation sur ce interjeté, la poursuite et procédure ne soient aucunement retardées ou délaissées.

    Art. 12. – Et s’il a été sur ce frivolement appelé, et la partie veuille acquiescer; si c’est hors jugement, sera condamnée à quarante livres parisis d’amende, moitié à nous et moitié à partie, et la moitié plus si c’est en jugement; et s’il plaide et succombe, en l’amende ordinaire, qui ne pourra être modérée, et en la moitié d’icelle envers la partie.

    Art. 13. – Et si lesdites causes de récusation sont trouvées légitimes, sera baillé un seul délai pour les prouver et vérifier : non pas par le juge récusé, mais par icelui qui doit tenir le siége en son lieu, comme dit est, lequel à faute de ladite vérification, ou dedans ledit délai, et après icelui échu et passé, et sans autre déclaration ni forclusion, déboutera les proposans desdites causes de récusation.

    Art. 14. – Et lequel proposant, sera pour chacun fait de récusation calomnieusement proposé en nos cours souveraines, condamné en vingt livres parisis d’amende, la moitié vers nous, l’autre moitié vers la partie, et de dix livres aussi par moitié, comme dessus, en nos justices inférieures.

    Art. 15. – Et voulons en outre que nonobstant ladite récusation et délai baillé pour la vérifier, soit passé outre au principal pardevant le juge non récusé, qui aura baillé ledit délai; et qui a accoutumé tenir ledit siége au lieu dudit récusé.

    Art. 16. – Que tous ajournemens pour faire et intenter nouveau procès, seront libellés sommairement, la demande et moyens d’icelle en brief, pour en venir prêt à défendre, par le défendeur, au jour de la première assignation.

    Art. 17. – Ce qu’il sera tenu de faire, sinon que pour grande et evidente cause, lui fut baillé un délai pour tous, pour y venir défendre.

    Art. 18. – Et défendons tous autres délais accoutumés d’être pris auparavant la contestation, soit d’avis, absence, attente de conseil, ou autres ; fors seulement le délai d’amener garant si la matière y est disposée, auquel cas y aura un seul délai pour amener ledit garant, qui sera ajourné à cette fin, par ajournement libellé comme dessus.

    Art. 19. – Et si ledit garant compare et veut prendre la garantie, il sera tenu de ce faire au jour de la première assignation, et contester, sinon qu’il voulût amener autre garant, pour quoi lui serait pourvu d’un autre seul délai, et de commission libellée comme dessus.

    Art. 20. – Que les sentences et jugemens donnés contre les garantis seront exécutoires contre les garants, tout ainsi que contre les condamnés, sauf les dépens, dommages et intérêts, dont la liquidation et exécution se feront contre le garant seulement.

    Art. 21. – Qu’en vertu de deux défauts bien et duement obtenus contre le garant, sera donnée sentence ou arrêt après la vérification duement faite par le demandeur, en matière de recours de garantie, du contenu en sa demande.

    Art. 22. – Que de toutes commissions et ajournemens, seront tenus les sergens, laisser la copie avec l’exploit aux ajournés, ou à leurs gens et serviteurs, et les attacher à la porte de leurs domiciles, encore qu’ils ne fussent point demandés, et en faire mention par l’exploit, et ce, aux dépens des demandeurs et poursuivans, et sauf à les recouvrer en la fin de cause.

    Art. 23. – Nous ordonnons que tous plaidans et litigans, seront tenus au jour de la première comparition, en personne ou par procureur suffisamment fondé, déclarer ou élire leur domicile au lieu où les procès sont pendans, autrement faute de ce avoir duement fait, ne seront recevables, et seront déboutés de leurs demandes, défenses ou oppositions respectivement.

    Art. 24. – Qu’en toutes matières civiles et criminelles, où l’on avait accoutumé user de quatre défauts, suffira d’y avoir deux bien et duement obtenus par ajournement fait à personne ou à domicile, sauf que les juges, (ex officio) en pourront ordonner un troisième si lesdits ajournements n’ont été fait à personne, et ils voient que la matière y fût disposée.

    Art. 25. – Qu’ès matières criminelles par vertu du premier défaut donné sur ajournement personnel, sera décerné prise-de-corps, et s’il y a deux défauts, sera dit qu’à faute de pouvoir apprèhender le défaillant, il sera ajourné à trois briefs jours, avec annotation et saisie de ses biens, jusqu’à ce qu’il ait obéi.

    Art. 26. – En toutes actions civiles où il y aura deux défauts, sera par vertu du second, le défendeur débouté des défenses, et par même moyen permis au demandeur de vérifier sa demande, et après l’enquête faite, sera la partie ajournée, pour voir produire lettres et billets, et bailler contredits si bon lui semble, et prendre appointement en droit, sans ce qu’il soit nécessaire ordonner que le défaillant, soit ajourné pour bailler son ny.

    Art. 27. – Qu’auparavant que donner aucunes sentences contre les défaillans contumaces, et non comparans, le demandeur sera tenu de faire apparoir du contenu en sa demande.

    Art. 28. – Que les vrais contumaces ne seront reçus appellans; ainçois, quant par la déduction de leur cause d’appel, et défenses au contraire, il appert que par vraie désobéissance et contemnement de justice, ils n’aient voulu comparoir, seront déclarés non-recevables comme appellans, et ordonné que la sentence dont a été appelé, sortira son plein et entier effet, et sera exécutée nonobstant oppositions quelconques.

    Art. 29. – Et s’il y avait quelque doute sur la contumace, et que l’appellant alléguât aucunes défenses péremtoires, dont il fit promptement apparoir, à tout le moins sommairement, lui sera donné un seul délai pour informer plainement de sesdites défenses, tant par lettres que par témoins, et sa partie au contraire à ses dépens, pour le tout rapporté, leur être fait droit sur la cause d’appel, sans autre délai ni forclusion.

    Art. 30. – Que les sentences par contumace données après vérification de la demande, seront exécutoires nonobstant l’appel, ès cas èsquels elles sont exécutoires selon nos ordonnances, quand elles sont données parties ouïes.

    Art. 31. – Et quant aux sentences données par forclusion, ne seront mises au néant, mais se vuideront les appellations (an benè vel malé) par appellations verbales ou procès par écrit, selon ce que la matière sera disposée.

    Art. 32. – Que tous délais pour prouver et informer, seront péremptoires pour tous, ainsi qu’ils seront arbitrés par les juges, tant de nos cours souveraines qu’autres, selon la qualité des matières et distances des lieux, lorsque les parties seront appointées à informer.

    Art. 33. – Et il n’y aura qu’un seul délai pour informer, ainsi modéré et arbitré comme dit est, fors que si dedans ledit délai, il étoit trouvé que les parties eussent fait leur devoir et diligence, et n’eussent été en contumace et négligence, on leur pourra encore donner et modérer autre délai pour tous, faisant préalablement apparoir, à tout le moins sommairement et en première apparence, de leurs susdites diligences, et purgeans leursdites contumaces et négligences.

    Art. 34. – Après le dit second délai passé, ne sera permis aux parties de faire aucunes preuves par enquètes de témoins, et ne leur en pourra être baillé ni donné délai, pour quelque cause ni occasion que ce soit, par relièvement ou autrement.

    Art. 35. – Et défendons à tous gardes des sceaux de nos chancelleries, de bailler aucunes lettres, et à tous nos juges, tant de nos cours souveraines, que autres, d’y avoir aucun égard; ains voulons, les impétrans, être promptement déboutés, et condamnés en l’amende ordinaire, telle que du fol appel envers nous, et en la moitié moins envers la partie.

    Art. 36. – Qu’il n’y aura plus de réponses par credit vel non credit, ni contredicts, contre les dicts et dépositions des témoins, et défendons aux juges de les recevoir, et aux parties de les bailler, sur peine d’amende arbitraire.

    Art. 37. – Et néanmoins permettons aux parties de se faire interroger, l’une l’autre, pendant le procès, et sans retardation d’icelui, par le juge de la cause, ou autre plus prochain des demeurances des parties, qui à ce sera commis sur faicts et articles pertinens et concernans la cause et matière dont est question entr’elles.

    Art. 38. – Et seront tenues, les parties, affirmer par serment les faicts contenus en leurs escritures et additions, et par icelles, ensemble par les réponses à leurs interrogatoires, confesser ceux qui seront de leur science et cognoissance, sans les pouvoir dénier ou passer par non sçavance.

    Art. 39. – Et ce, sur peine de dix livres parisis d’amende pour chacun fait dénié calomnieusement en nos cours souveraines, et cent sols parisis ès-jurisdictions inférieurss : èsquelles amendes seront lesdites parties condamnées envers nous et en la moitié moins envers les parties pour leurs intérêts.

    Art. 40. – Et semblable peine, voulons encourir ceux qui auront posé et articulé calomnieusement aucuns faux faits, soit en plaidant ou par leurs escritures ou autres pièces du procès.

    Art. 41. – Que pour chacun fait de reproches calomnieusement proposé, qui ne sera vérifié par la partie, y aura condamnation : c’est à sçavoir, en nos cours souveraines, de vingt livres parisis d’amende, moitié à nous et moitié à la partie, ou de plus grande peine pour la grandeur de la calomnie desdits proposans à l’arbitration de la justice, et en la moitié moins en nos justices inférieures.

    Art. 42. – Nous défendons aux parties, leurs avocats et procureurs, d’alléguer aucunes raisons de droit par leurs interdits, escritures, additions et responsifs fournis ès matières réglées en preuves et enquêtes, mais seulement leurs faits positifs et probatifs, sur lesquels ils entendent informer et faire enquête.

    Art. 43. – Et que lesdits faits soient succintements posés et articulés sans redicte et superfluité.

    Art. 44. – Les parties ne répondront que par une seule addition ou deux au plus, en quelque manière que ce soit.

    Art. 45. – Et voulons que les avocats et procureurs contrevenans à ce que dessus, soient pour la première fois, punis envers nous d’une amende de dix livres parisis : pour la seconde fois de la suspension de leur état pour un an : et pour la troisième fois privés à toujours de leur état et office de postulation et sans déport.

    Art. 46. – Qu’ès matières possessoires bénéficiales, l’on communiquera les titres dès le commencement de la cause, pour quoi faire le juge baillera un seul délai compétent, tel qu’il verra être à faire selon la distance des lieux : et par faute d’exhiber, se fera adjudication de recréance ou de maintenue sur les titres et capacité de celuy qui aura fourny : qui sera exécutée nonobstant l’appel quand elle sera donnée par nos juges ressortissans sans moyens en nosdites cours souveraines.

    Art. 47. – Et après que les parties auront contesté et été appointées en droit, leur sera baillé un seul brief délai pour escrire et produire, qui ne pourra être prorogé pour quelque cause que ce soit.

    Art. 48. – Et auront communication de leurs productions dedans trois jours, et de huictaine en huictaine après, pourront bailler contredicts et salvations, autrement n’y seront plus reçus, ainçois sera le procès jugé en l’estat sans autre forclusion ne signification de requête, et sans espérance d’autre délai par lettres de relièvement, n’autrement.

    Art. 49. – Après le possessoire intenté en matière bénéficiale, ne se pourra faire poursuite pardevant le juge d’église sur le pétitoire, jusqu’à ce que le possessoire ait été entièrement vuidé par jugement de pleine maintenue, et que les parties y aient satisfaicts et fourny, tant pour le principal que pour les fruicts, dommages et intérêts.

    Art. 50. – Que des sépultures des personnes tenans bénéfices, sera faict registre en forme de preuve, par les chapitres, colléges, monastères et cures, qui fera foi, et pour la preuve du temps de la mort, duquel temps sera fait expresse mention esdicts registres, et pour servir au jugement des procès où il seroit question de prouver ledit temps de la mort, au moins, quant à la récréance.

    Art. 51. – Aussi sera fait registres, en forme de preuve, des baptêmes, qui contiendront le temps et l’heure de le nativité, et par l’extrait dudict registre, se pourra prouver le temps de majorité ou minorité, et sera pleine foy à ceste fin.

    Art. 52. – Et afin qu’il n’y ait faute auxdits registres, il est ordonné qu’ils seront signés d’un notaire, avec celui desdicts chapitres et couvents, et avec le curé ou vicaire général respectivement, et chacun en son regard, qui seront tenus de ce faire, sur peine des dommages et intérêts des parties, et de grosses amendes envers nous.

    Art. 53. – Et lesquels chapitres, couvents et cures, seront tenus mettre lesdicts registres par chacun an, par devers le greffe du prochain siège du baillif ou séneschal royal, pour y estre fidèlement gardés et y avoir recours, quand mestier et besoin sera.

    Art. 54. – Et afin que la vérité du temps desdicts décès puisse encore plus clairement apparoir, nous voulons et ordonnons qu’incontinent après le décès desdicts bénéficiers, soit publié ledict décès, incontinent après icelui advenu par les domestiques du décédé, qui seront tenu le venir déclarer aux églises, où se doivent faire lesdictes sépultures et registres, et rapporter au vrai le temps dudict décès, sur peine de grosse punition corporelle ou autre, à l’arbitration de la justice.

    Art. 55. – Et néantmoins, en tout cas, auparavant pouvoir faire lesdites sépultures, nous voulons et ordonnons estre faicte inquisition sommaire et rapport au vrai du temps dudit décès, pour sur l’heure, faire fidèlement ledict registre.

    Art. 56. – Et défendons la garde desdicts corps décédés auparavant ladicte révélation, sur peine de confiscation de corps et de bien contre les laïz qui en seront trouvés coupables, et contre les ecclésiastiques, de privation de tout droit possessoire qu’ils pourroient prétendre ès bénéfices, ainsi vacans, et de grosse amende àl’arbitration de justice.

    Art. 57. – Et pour ce qu’il s’est aucunes fois trouvé par cy-devant ès matières possessoires bénéficiales, si grande ambiguité ou obscurité sur les droits et titres des parties, qu’il n’y avoit lieu de faire aucunes adujdications de maintenue, à l’une ou l’autre des parties : au moyen de quoy estoit ordonné que les bénéfices demeureroient séquestrés, sans y donner autre jugement absolutoire ou condamnatoire sur l’instance possessoire, et les parties renvoyées sur le pétitoire pardevant le juge ecclésiastique.

    Art. 58. – Nous avons ordonné et ordonnons, que d’oresnavant, quand tels cas se présenteront, soit donné jugement absolutoire au profit du défendeur et possesseur contre lequel a été intentée ladicte instance possessoire, et le demandeur et autres parties déboutés de leurs demandes et oppositions respectivement faictes, requestes et conclusions sur ce prinses, sans en ce cas ordonner aucun renvoi pardevant le juge d’église sur le pétitoire, sur lequel pétitoire, se pourvoyeront les parties, si bon leur semble, et ainsi qu’ils verront estre à faire et sans les y astreindre par ledit renvoi.

    Art. 59. – Nous défendons à tous nos juges de faire deux instances séparées sur la recréance et maintenue des matières possessoires ; ains voulons être conduicts par un seul procez et moyen, comme il est contenu ès anciennes ordonnances de nos prédécesseurs, sur ce faictes.

    Art. 60. – Nous défendons à tous nos subjets prétendans droict et titre, ès bénéfices ecclésiastiques de nostre royaume, de commettre aucune force ne violence publique esdicts bénéfices et choses qui en dépendent, et avons dès à présent comme pour lors déclaré et déclarons, ceux qui commettent lesdictes, force et violences publiques, privés du droict possessoire qu’ils pourroient prétendre esdicts bénéfices.

    Art. 61. – Qu’il ne sera reçu aucune complainte après l’an, tant en matières prophanes que bénéficiales, le défendeur mesme n’ayant titre apparent sur sa possession.

    Art. 62. – Que les sentences de recréances et réintégrandes en toutes matières, et de garnison, seront exécutoires nonobstant l’appel, et sans préjudice d’icelui en baillant caution, pourveu qu’elles soient données par nos juges ressortissans sans moyen, assistans avec eux, jusqu’au nombre de six conseillers du siège, qui signeront le dictum avec le juge, dont il sera faict mention au bas de la sentence, et ce pour le regard desdictes recréances et réintégrandes.

    Art. 63. – Et seront toutes instances possessoires de complainte ou réintégrande vuidées sommairement les preuves faictes, tant par lettres que par tesmoins, dedans un seul délai, arbitré au jour de la contestation, et sans plus y retourner par relièvement de nos chancelleries, n’autrement.

    Art. 64. – Si pendant un procès en matière bénéficiale, l’un des litigans résigne son droict, il sera tenu faire comparoir en cause, celui auquel il aura résigné, autrement sera procédé contre le résignant, tout ainsi que s’il n’avoit résigné, et le jugement qui sera donné contre lui, sera exécutoire contre son résignataire.

    Art. 65. – Que les lettres obligatoires faictes et passées sous scel royal, seront exécutoires par-tout notre royaume.

    Art. 66. – Et quant à celles qui sont passées sous autres sceaux authentiques, elles seront aussi exécutoires contre les obligés ou leurs héritiers, en tous lieux où ils seront trouvés demeurans lors de l’exécution, et sur tous leurs biens quelque part qu’ils soient assis ou trouvés, pourveu qu’au temps de l’obligation, ils fussent demourans au-dedans du destroit et jurisdiction où lesdits sceaux sont authentiques.

    Art. 67. – Et à cette fin, tous notaires et tabellions, seront tenus mettre par leurs contrats, sur peine de privation de leurs offices et d’amendre arbitraire, les lieux des demeurances des contractans.

    Art. 68. – Et si contre l’exécution desdites obligations y a opposition, sera ordonné que les biens prins par exécution, et autres, (s’ils ne suffisent) seront vendus, et les deniers mis ès mains du créancier, nonobstant oppositions ou appellations quelsconques, et ce, par provision, en baillant par le créancier bonne et suffisante caution, et se constituant acheteur de biens de justice.

    Art. 69. – Et où le créancier n’auroit commencé par exécution, mais par simple action ; si l’exploit est libellé, et porte la somme pour laquelle on veut agir, y aura gain de cause par un seul défaut, (avec le sauf, selon la distance des lieux) en faisant apparoir par le créancier du contenu en sa demande, par obligation authentique comme dessus.

    Art. 70. – Et si l’exploit n’est pas libellé, par deux défaux y aura pareil profit, pourveu que par le premier défaut soit insérée la demande et conclusion du demandeur, et qu’il informe, comme dessus par obligation authentique.

    Art. 71. – L’héritier ou maintenu estre héritier de l’obligé adjourné par exploit libellé deuement fait et recordé, pour voir déclarer exécutoire l’obligation passée par son prédécesseur, s’il ne compare, sera par un défaut (avec le sauf selon la distance du lieu) ladite obligation déclarée exécutoire par provision, sans préjudice des droits dudict prétendu héritier au principal : et si l’exploit n’est libellé, sera exécutoire par deux défaux, pourveu que par le premier soit insérée la demande et libelle du demandeur, comme dessus.

    Art. 72. – Et pourra néanmoins le créancier, si bon lui semble, faire exécuter lesdictes obligations ou condemnations, contre le maintenu héritier, sans préalablement faire faire ladicte déclaration de qualité d’héritier, de laquelle suffira informer par le procez, si elle est déniée, à la charge des dépens, dommages et intérêts, si ladicte qualité n’est vérifiée.

    Art. 73. – Et aussi d’une amende envers nous et la partie, que nous voulons être imposée pour la calomnie des demandeurs en matière d’exécution, s’ils succombent : comme aussi contre les obligés qui n’ont fourny et satisfaict calomnieusement et sans cause, au contenu de leur obligation, dedans le temps sur ce par eux promis et accordé.

    Art. 74. – Qu’en toutes exécutions, où il y a commandement de payer, ne sera besoin pour la validité de l’exploit des criées, ou autre, saisie et main mise de personnes ou de biens, faire perquisition de biens meubles, mais suffira dudict commandement deuement faict à personne ou à domicile.

    Art. 75. – Et encore ne sera disputé de la validité ou invalidité du commandement ou exploit, quand il y aura terme certain de payer par les obligations ou par les sentences, jugemens ou condemnations suffisamment signifiées.

    Art. 76. – Que par faute de paiement de moissons de grain, ou autres espèces deues par obligations, ou jugement exécutoire, l’on pourra faire faire criées, encores qu’il n’y ait point eu d’appréciation précédente, laquelle se pourra faire aussi bien après lesdites saisies et criées comme devant.

    Art. 77. – Que toutes choses criées seront mises en main de justice, et régies par commissaires qui seront commis par le sergent exécuteur desdictes criées, lorsqu’il commencera à faire lesdictes criées, nonobstant les coutumes contraires.

    Art. 78. – Et défendons aux propriétaires et possesseurs sur lesquels se feront lesdites criées, et toutes autres, de troubler et empêcher lesdits commissaires : sur peine de privation de droit et autre amende arbitraire à l’arbitration de justice.

    Art. 79. – Que le poursuivant des criées, sera tenu incontinent après icelles faites, les faire certifier bien et deuement selon nos anciennes ordonnances, et faire attacher la lettre de la certification, à l’exploit des criées sous le scel du juge qui l’aura faite auparavant que s’en pouvoir aider, ni pouvoir faire aucune poursuite desdictes criées, et ce, sur peine de nullité d’icelles.

    Art. 80. – Tous opposans calomnieusement à criées, déboutés de leur opposition, seront condamnés en l’amende ordinaire, tel que du fol appel en nos cours souveraines, et de vingt livres parisis ez-autres jurisdictions inférieures, et plus grande à la discrétion de justice, si la matière y est trouvée disposée, et autant envers les parties.

    Art. 81. – Que pour les oppositions afin de distraire, ne sera retardée l’adjudication par décret, s’ils ont été six ans auparavant que d’intenter leurs actions sur lesquelles ils fondent leurs distractions, à commencer depuis le temps que prescription aura peu courir. Et néantmoins, en vérifiant leurs droicts, seront payez de leursdits droicts, sur le prix de l’enchère, selon leur ordre de priorité et postérieure.

    Art. 82. – Que tous sequestres, commissaires et dépositaires de justice, commis au gouvernement d’aucunes terres ou héritages, seront tenus les bailler à ferme par authorité de justice, parties appellées au plus offrant et dernier enchérisseur, qui sera tenu de porter les deniers de la ferme jusques à la maison des commissaires, et d’entretenir les choses en l’estat qu’elles leurs seront baillées, sans y commettre aucune fraude ni malversation, sur peine d’amende, à la discrétion de justice.

    Art. 83. – Que lesdits sequestres et commissaires seront tenus le jour dudit bail à ferme, faire arrêter par justice la mise et despense qui aura esté faite pour le bail d’icelle ferme, en la présence des parties ou elles dument appelées.

    Art. 84. – Et ne pourront sur les deniers de la ferme faire autres frais et mises, sinon qu’il leur fût ordonné par la justice, par parties appelées, et partant recevront tous les deniers de la ferme sans aucune déduction, fors de ce qu’ils auront ainsi frayé comme dessus, et de leurs salaires raisonnables, après ce qu’ils auront été taxés par la justice.

    Art. 85. – Qu’ès arrêts ou sentences d’adjudication de décret, ne seront doresnavant insérés les exploits des criées, ne autres pièces qui ont accoutumé, par ci-devant y être insérées, mais sera seulement fait un récit sommaire de pièces nécessaires, comme il se doit faire ez-arrêts et sentences données, et autres matières.

    Art. 86. – Qu’en matières civiles il y aura par tout publication d’enquêtes, excepté en nostre cour de parlement, et requêtes de nostredit parlement à Paris, ou il n’y a accoustumé et avoir publication d’enquestres, jusques à ce qu’autrement en soit ordonné.

    Art. 87. – Qu’en toutes matières civiles, y aura communication d’inventaires et productions.

    Art. 88. – Qu’en toute matières réelles, personnelles, possessoires, civiles et criminelles, y aura adjudication de dommages et intérêts procédans de l’instance, et de la calomnie, ou témérité de celui qui succombera en icelles ; qui seront, par ladite sentence et jugement, taxés et modérés à certaine somme, comme il a esté dit ci-dessus, pourveu toutesfois que lesdits dommages et intérêts aient été demandés par la partie qui aura obtenu, et desquels les parties pourront faire remonstrance sommaire par ledit procez.

    Art. 89. -Qu’en toutes condamnations de dommages et intérêts, procédant de la qualité et nature de l’instance, les juges arbitreront une certaine somme, selon qu’il leur pourra vraisemblablement apparoître par le procès, et selon la qualité et grandeur des causes et des parties, sans qu’elles soient plus reçues à les bailler par déclaration, ni faire aucune preuve sur iceux.

    Art. 90. – Quand un procès sera en état d’être jugé, le juge pourra procéder au jugement, et prononcer la sentence, nonobstant que l’une ou l’autre des parties soit décédée, sauf à ceux contre lesquels on voudra la faire exécuter, à se pouvoir, si bon leur semble, par appel autrement fondé, que sur nullité de sentence comme donné contre un décédé.

    Art. 91. – Que les sentences de provisions d’alimens et médicamens, données par les juges subalternes jusqu’à la somme de vingt livres parisis, seront exécutées nonobstant l’appel, et sans préjudice d’icelui, ne baillant caution, comme juges royaux.

    Art. 92. – Que toutes parties qui seront ajournées en leurs personnes, en connoissance de cédule, seront tenues icelle reconnoître ou nier en personne ou par procureur spécialement fondé, pardevant le juge séculier en la jurisdiction duquel seront trouvées sans pouvoir alléguer aucune incompétence, et ce, avant que partir du lieu où lesdites parties seront trouvées, autrement lesdites cédules seront tenues pour confessées par un seul défaut, et emporteront hypothèque du jour de la sentence, comme si elles avaient été confessées.

    Art. 93. – Si aucun est ajourné en connoissance de cédule, compare ou conteste déniant sa cédule ; et si par après est prouvée par le créancier, l’hypothèque courra et aura lieu du jour de ladite négation et contestation.

    Art. 94. – Qu’en toutes matières réelles, pétitoires et personnelles, intentées pour héritages et choses immeubles, s’il y a restitution de fruits ils seront adjugés, non-seulement depuis contestation en cause, mais aussi depuis le temps que le condamné a été en demeure et mauvaise foi auparavant ladite contestation, selon, toutesfois, l’estimation commune qui se prendra sur l’extrait des registres au greffe des jurisdictions ordinaires, comme sera dit ci-après.

    Art. 95. – Qu’en matière d’exécution d’arrêt ou jugement passé en force de chose jugée, donné en matière possessoire ou pétitoire, si le tout est liquidé par ledit jugement ou arrêt ; qu’en ce cas dans trois jours précisément, après le commandement fait au condamné, il sera tenu obéir au contenu dudit jugement ou arrêt, autrement à faute de ce faire, sera condamné en soixante livres parisis d’amende envers nous, ou plus grande selon la qualité des parties, grandeur des matières, et longueur du temps : et en grosse réparation envers la partie, à l’arbitration des juges, selon les qualités que dessus.

    Art. 96. – Et où le condamné sera trouvé appelant, opposant, ou autrement, frivolement et induement, empeschant l’exécution dudit jugement ou arrêt, par lui ou par personne suscitée ou interposée, il sera condamné en l’amende ordinaire de soixante livres parisis ; et en outre, en autre amende extraordinaire envers nous, et en grosse réparation envers sa partie, empeschant induement ladite exécution, condamné à faire exécuter ledit jugement ou arrêt à ses propres coûts et dépens dans un bref délai, qui pour ce faire lui sera préfix, sur ces grosses peines, qui à icelui seront commuées ; et en défaut de ce faire dans ledit délai, sera contraint par emprisonnement de sa personne.

    Art. 97. – Et si sur l’exécution dudit jugement ou arrêt, étoit requis connoissance de cause pour méliorations, réparations ou autre droits qu’il conviendra liquider, le condamné sera tenu vérifier et liquider lesdites réparations, méliorations ou autres droits pour lesquels il prétend retention des lieux, et chose adjugées, dedans certain bref délai seul et péremptoire, qui sera arbitré par les exécuteurs, selon la qualité des matières et distance des lieux : autrement à faute de ce faire dedans ledit temps, et icelui échu, sans autre déclaration ou forclusion, seront contraints les condamnés, eux désister et départir de la jouissance des choses adjugées, en baillant caution par la partie, de payer après la liquidation, ce qui serait demandé par le condamné, laquelle liquidation, et il sera tenu de faire dedans un autre bref délai qui lui sera préfixé par les juges, et néanmoins sera condamné en amende envers nous, et en réparation envers la partie, pour réparation de ladite exécution, selon les qualités que dessus.

    Art. 98. – Et sur la liquidation des fruits, nous ordonnons que les possesseurs des terres demandées, ou leurs héritiers, seront tenus apporter pardevant les exécuteurs des jugements et arrêts, au jour de la première assignation en ladite exécution, les comptes, papiers et baux à ferme desdites terres, et bailler, par déclaration, les fruits pris et perçus, compris en la condamnation, et affirmer par serment icelle contenir vérité, et dedans un mois après pour tous délais, seront tenus payer les fruits selon ladite information.

    Art. 99. – Et néanmoins pourra, la partie qui aura obtenu jugement à son profit, et qui prétend y avoir plus grands fruits ou de plus grande estimation, informer de plus grande quantité et valeur desdits fruits : et la partie condamnée, au contraire ; le tout dedans certain délai seul et péremptoire, qui sera arbitré par l’exécution.

    Art. 100. – Et où il se trouveroit par lesdites informations et preuves, ladite partie condamnée avoir mal et calomnieusement affermé, et lesdits fruits se monter plus que n’avoir esté par elle affermé, sera condamnée en grosse amende enver nous, et grosse réparation envers la partie.

    Art. 101. -Et pareillement où il se trouveroit lesdits fruicts ne se monter plus que ladite affirmation, celui qui a obtenu jugement, et qui auroit insisté calomnieusement à ladite plus grande quantité et valeur desdits fruicts, sera semblablement condamné en grosse amende envers la partie, à la discrétion des juges, selon les qualités des parties et grandeurs des matières.

    Art. 102. – Qu’en tous les sièges de nos juridictions ordinaires, soient généraux ou particuliers, se fera rapport par chacune semaine de la valeur et estimation commune de toutes espèces de gros fruicts, comme bleds, vins, foins, et autres semblables, par les marchands faisant négociations ordinaires desdites espèces de fruicts, qui seront contraints à ce faire, sans en prendre aucun salaire, par mulctes et amendes, privation de négociation, emprisonnement de leurs personnes, et autrement à l’arbitration de justice.

    Art. 103. – Et à cette fin, seront tenus lesdits marchands d’envoyer par chacun jour de marché, deux ou trois d’entr’eux, qui à ce seront par eux députés, et sans estre autrement appelés, ou adjournés au greffe de nosdites jurisdictions, pour rapporter et enregistrer ledit prix par le greffier ou son commis, qui sera incontinent tenu faire ledit registre, sans aucunement faire séjourner ni attendre lesdits députés, et sans en prendre aucun salaire.

    Art. 104. – Et par l’extraict du registre desdits greffiers et non autrement, se verra d’oresnavant la valeur et estimation desdicts fruits tant en exécution d’arrests, sentences, ou autres matières, où il gist appréciation.

    Art. 105. – Et quant aux sequestres ordonnés par justice, seront tenus les parties, dedans trois jours après la sentence, convenir de commissaires, après lesdits trois jours passés, soit qu’ils aient convenu ou non, seront tenus les possesseurs ou détenteurs des choses contentieuses, laisser la détention des choses sequestrées, sur peine de perdition de cause.

    Art. 106. – Et pour le rétablissement des fruits, sera tenu le condamné rapporter par serment la quantité de ce q’il aura prins desdits fruits, et selon ledit rapport, en faire restablissement promptement, sur peine semblable de perdition de cause.

    Art. 107. – Et sera néanmoins permis à la partie qui aura obtenu ledit sequestre, informer de la quantité et valeur desdits fruits, outre ledit rapport par serment, et le condamné au contraire, au pareil toutefois de l’amende ordinaire envers nous, et autant envers la partie contre celui qui succombera.

    Art. 108. – Que les tiers opposants contre les arrêts de nos cours souveraines, s’ils sont déboutés de leurs oppositions, seront condamnés envers nous en l’amende ordinaire du fol appel, et la moitié moins envers la partie, et plus grande si mestier est, selon la qualité et malice des parties, et contre l’exécution des sentences non suspendues par appel, seront condamnés en vingt livres parisis d’amende envers nous, et la moitié moins envers la partie, et plus grande si métier est, comme dessus.

    Art. 109. – Semblables condamnations seront faites contre ceux qui sans cause baillent requestes pour faire corriger et interprêter, changer ou modifier les arrests donnés par nos dites cours, qui seront déboutés de l’entérinement de leursdites requestes.

    Art. 110. – Et afin qu’il n’y ait casue de douter sur l’intelligence desdits arrêts, nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits si clairement, qu’il n’y ait ni puisse avoir aucune ambiguité ou incertitude ne lieu à demander interprétation.

    Art. 111. – Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l’intelligence des mots latins contenus esdits arrests, nous voulons d’oresnavant que tous arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement.

    Art. 112. – Nous voulons que les impétrants de lettres, pour articuler calomnieusement faicts nouveaux, s’il est trouvé qu’ils ne servent à la décision du procez, seront condamnés envers nous en l’amende ordinaire du fol appel en nos cours souveraines, et vingt livres parisis ès-inférieures, et moitié moins aux parties, et sous grosses si métier est comme dessus.

    Art. 113. – Que nos conseillers exécuteurs des arrests de nos cours souveraines, ne pourront estre refusés sur les lieux, ains nonobstant les récusations qu’on pourroit proposer contr’eux, passeront outre jusques à la perfection desdictes exécutions, mais bien pourront nosdicts conseillers, estre recusés auparavant leur partement, si bon semble aux parties, et s’il y ait matière de ce faire.

    Art. 114. – Qu’ès-appellations des sentances des procez par escrit où il y aura plusieurs chefs et articles, seront les appellans tenus par la conclusion, déclarer ceux desdits chefs et articles pour lesquels ils voudront soustenir leur appel, et consentir que quant au surplus la sentence soit exécutée, autrement, et faute de ce faire, seront en tout et partout, déclarés non-recevables, comme appellans sans espérance de relief.

    Art. 115. – Et pour chacun desdits chefs et articles séparés, y aura amende, sinon q’ils fussent tellement conjoincts, que la décision de l’un portast la décision de l’autre.

    Art. 116. – Que les appellans de droit écrit seront condamnés en l’amende de fol appel, comme les appellans du pays coutumier.

    Art. 117. – Nous déclarons et ordonnons, qu’il ne sera besoin ci-après aux appellans de droit escrit de demander apostres, ainsi qu’il a été fait ci-devant, ains seront receus les appellans à faire poursuite de leursdites appellations sans avoir demandé lesdits apostres, et sans qu’il soit besoin en faire aucunement apparoir, relever ne faire poursuite desdites appellations.

    Art. 118. – Que toutes matières où il y aura plusieurs appellations, y aura pour chacun appel, sans le pouvoir aucunement réduire ou modérer, sinon en nos cours souveraines, s’il se trouvoit qu’il se deust ainsi faire pour très-grande et très-urgente cause, dont nous chargeons l’honneur et conscience de nosdites cours.

    Art. 119. – Qu’ès-causes et matières d’appel, où il aura deux significations de requestes deuement faites au procureur de la partie, et l’un seulement des procureurs soit prest au jour de l’audience, lui sera donné exploit tout ainsi que la cause estoit au roolle qui ne pourra estre rabattu par relievement de nos chancelleries, ni autrement, en quelque manière que ce soit.

    Art. 120. – Qu’il ne sera doresnavant baillé aucunes lettres de relievement de désertion ni présomption d’instance pour quelque cause et matière que ce soit, et si elles estoient baillées, défendons d’y avoir aucun esgard, ains les instances dessusdictes estre jugées, tout ainsi que si lesdictes lettres n’avoient esté obtenues ni empétrées.

    Art. 121. – Que les conseillers de nos cours souveraines, ne donneront point de défaux à la barre ni ailleurs, si non aux procureurs des parties, et non aux clers ne solliciteurs.

    Art. 122. – Nous voulons que les présidens et conseillers des chambres des enquêtes de nos cours souveraines, jugent les procès par escrit, dont le jugement est poursuivi, selon l’ordre du temps et de la réception, dont il sera fait rôle, qui sera publié et attaché au greffe, de trois mois en trois mois, auquel seront rayés par le greffier, ceux qui seront jugés incontinent après le jugement conclu et arrêté.

    Art. 123. -Et voulons ladite ordonnance estre étroitement gardée, et sans y faillir ni mesprendre en quelque manière que ce soit : ordonnons néanmoins à nostre procureur-général d’y avoir l’oeil et la faire garder sur peine de s’en prendre à lui : et néanmoins nous advertir incontinent de la faute qui y seroit faite, pour y pourvoir comme il appartiendra.

    Art. 124. – Nous défendons à tous présidens et conseillers de nos cours souveraines, de ne solliciter pour autrui les procez pendant ès-cours où ils sont nos officiers, et n’en parler aux juges directement ou indirectement, sur peine de privation de l’entrée de la cour, et de leurs gages pour un an.

    Art. 125. – Qu’il ne se fera d’oresnavant aucun partage ès-procez pendans en nos cours souveraines, ains seront tenus nos présidens et conseillers convenir en une mesme sentence et opinion, à tout le moins en tel nombre qu’il s’en puisse ensuivre arrest et jugement auparavant de vacquer et entendre à autre affaire.

    Art. 126. – Et à ceste fin, pour empescher lesdits partages, voulons et ordonnons que quand il passera d’une voix, soit le jugement et arrest conclu et arresté.

    Art. 127. – Que tous impétrans de lettres royaux, en forme de requeste civile, relievement ou restitution contre les arrests de nos cours souveraines, s’ils sont déboutés de leursdites lettres, ils seront condamnées envers nous, en une amende arbitraire qui ne pourra être moindre que l’ordinaire du fol appel, et en la moitié moins envers la partie, et plus grande si métier est, selon la qualité et matière des parties.

    Art. 128. – En toutes appellations, sera jugé an benè velmalé, sans mettre les appellations au néant, ne modérer les amendes du fol appel, sinon en nos cours souveraines, si pour très-grande et urgente cause, ils voyent que ainsi se deust faire, dont nous chargeons leur honneur et conscience.

    Art. 129. – Nous défendons à tous les présidens et conseillers, et autres officiers de nos cours souveraines, que durant la séance du parlement, ils ne puissent désemparer ni soi absenter de nosdites cours, sans expresse licence et permission de nous : et s’il y a cause, ils nous en pourront advertir, pour en ordonner comme verrons estre à faire, sinon que pour grande et urgente cause il se peust autrement faire, dont nous chargeons l’honneur et conscience de nosdites cours souveraines.

    Art. 130. – Nous ordonnons que les mercuriales se tiendront de mois en mois ; sans y faire faute, et que par icelles soient pleinement et entièrement déduites les fautes des officiers de nosdites cours de quelque ordre et qualité qu’ils soient. Sur lesquelles fautes sera incontinent mis ordre par nosdites cours, et sans aucune retardation ou délai, dont nous voulons estre advertis, et lesdites mercuriales, et ordres mises sur icelles, nous estre envoyées de trois mois en trois mois : dont nous chargeons nostre procureur-général d’en faire la diligence.

    Art. 131. – Nous déclarons toutes dispositions d’entrevifs ou testamentaires qui seront ci-après, faictes par les donateurs ou testateurs, au profit et utilité de leurs tuteurs, curateurs, gardiens, baillistes, et autres leurs administrateurs estre nulles et de nul effet et valeur.

    Art. 132. – Nous voulons que toutes donations qui seront faites ci-après, par et entre nos sujects, soient insinuées et enregistrées en nos cours et jurisdictions ordinaires des parties, et des choses données, autrement seront reputées nulles, et ne commenceront à avoir leur effect que du jour de ladite insinuation, et ce quant aux donations faites en la présence des donataires et par eux acceptées.

    Art. 133. – Et quant à celles qui seront faites en l’absence desdits donataires, les notaires, et stipulans pour eux, elles commenceront leur effet du temps qu’elles auront esté acceptées par lesdits donataires, en la présence des donateurs et des notaires, et insinuées comme dessus, autrement elles seront réputées nulles, encores que par les lettres et instrumens d’icelles, y eust cause de rétention d’usufruit ou constitution de précaire, dont ne s’ensuit aucun effet, sinon depuis que lesdites acceptions ou insinuations auront esté faites comme dessus.

    Art. 134. – Nous voulons oster aucunes difficultés et diversités d’opinions, qui se sont trouvéez par ci-devant sur le temps que ce peuvent faire casser les contracts faits par les mineurs ; ordonnons qu’après l’age de trente-cinq ans parfaits et accomplis, ne se pourra pour le regard du privilège ou faveur de minorité, plutost déduire ne poursuivir la cassation desdits contrats, en demandant ou en défendant par lettres de relievement ou restitution ou autrement, soit par voie de nullité (pour aliénation des biens immeubles faite sans décret ni authorité de justice) ou pour lésion, déception, ou circonvention, sinon, ainsi qu’en semblables contracts, seront permis aux majeurs d’en faire poursuite par relievement ou autre voie permise de droit.

    Art. 135. – Qu’auparavant que recevoir les articles d’erreur par nos amés et féaux les maistres des requestes de notre hostel, ils verront les faits avec les inventaires des productions des parties.

    Art. 136. – Que ceux qui voudront proposer erreur sont tenus de consigner la somme de douze vingt livres parisis, et au lieu des deux ans qu’ils avoient par les anciennes ordonnances, auront seulement un an pour satisfaire à ce qu’ils estoient tenus fournir et satisfaire, dedans les deux ans ordonnés par lesdites ordonnances.

    Art. 137. – Que pour vuider lesdites instances de proposition d’erreur, ne sera besoin assembler les chambres, ainsi qu’il est contenu par lesdites anciennes ordonnances : mais seront jugées, lesdites propositions d’erreur, en telle chambre de nosdites cours, et en telle compagnie et nombre de juges, qu’il sera advisé et arbitré par nosdites cours, selon la grandeur et qualité des matières.

    Art. 138. – Et seront tenues les parties de les faire juger dedans cinq ans, autrement n’y seront plus reçues.

    Art. 139. – Nous enjoignons à tous nos juges, qu’ils aient à diligemment vaquer à l’expédition des procès et matières criminelles, préalablement et avant toutes autres choses, sur peine de suspension, de privation de leurs offices, et autres amendes arbitraires, où ils feront le contraire : dont nous chargeons l’honneur et conscience de nosdictes cours souveraines.

    Art. 140. – Ausquels semblablement nous enjoignons de procéder aux chambres criminelles, à l’expédition des prisonniers et criminels, sans ce qu’ils puissent vaquer au jugement d’aucuns autres procès, où il soit question d’intérêt civil, ores qu’il dépendist de criminalité, jusques à ce que tous les prisonniers et criminels aient esté despéchés.

    Art. 141. – Et pour ce que plusieurs juges subalternes, tant de nostres que autres, ont par ci-devant commis plusieurs fautes et erreurs en la confection des procez criminels, qui ont esté cause que nos cours souveraines ont plusieurs fois donné arrests interlocutoires pour la réparation desdictes fautes, dont s’est ensuivie grande retardation de l’expédition desdits procez, et punition des crimes.

    Art. 142. – Que les juges qui seront trouvés avoir fait fautes notables en l’expédition desdits procez criminels, seront condamnés en grosses amendes envers nous pour la première fois, et pour la seconde seront suspendus de leurs offices pour un an, et pour la troisième, privez de leursdits offices, et déclarez inhabiles à tenir les offices royaux.

    Art. 143. – Et néantmoins seront condamnés en tous les dommages et intérests des parties qui seront taxés et modérés comme dessus, selon la qualité des matières.

    Art. 144. – Et afin que lesdits juges subalternes ne tombent ci-après en si grandes fautes, nous voulons que tous procez criminels se fassent par leurs juges ou les lieutenans, et accesseurs, et non par nos procureurs et advocats, les Greffiers, ou leurs clers, commis, tant aux interrogatoires, récollemens, confrontations, ou autres actes et endroits desdits procez criminels, et ce sur peine de suspension de leurs offices, et de privation d’iceux, ou plus grande peine et amende, s’ils estoient costumiers de ce faire.

    Art. 145. – Et sitost que la plainte desdits crimes, excez et maléfices aura esté faiste ou qu’ils en auront autrement esté advertis, ils en informeront ou feront informer bien et diligemment, pour incontinent après informations faites, les communiquer à nostredit procureur, et veuës ses conclusions (qu’ils sera tenu promptement mettre au bas desdites formations, sans aucun salaire en prendre) être décerné par le juge telle provision de justice qu’il verra estre à faire selon l’exigence du cas.

    Art. 146. – Seront incontinent lesdits délinquants, tant ceux qui seront enfermez, que les adjournés à comparoir en personne, bien et diligemment interrogés, et leurs interrogatoires réitérés et répétés selon la forme de droict de nos anciennes ordonnances, et selon la qualité des personnes et des matières, pour trouver la vérité desdits crimes, délicts et excez par la bouche des accusés si faire se peut.

    Art. 147. – Et après lesdicts interrogatoires parfaicts et parachevez et mis en forme, seront incontinent montrés et communiqués à nostre procureur, qui sera tenu les voir à toute diligence, pour avec le conseil de son advocat, prendre les conclusions pertinentes.

    Art. 148. – Et si on trouve les confessions de l’accusé estre suffisantes, et que la qualité de la matière soit telle qu’on puisse et doive prendre droit par icelles, on communiquera lesdites confessions à la partie privée, si aucun en y a, pour veoir si elle veut semblablement prendre droit par icelles, pour ce faire bailler leurs conclusions par escrit, tant le procureur du roi ou fiscal que la partie à leurs fins respectivement, et icelles estre communiquées à l’accusé, pour y respondre par forme d’atténuation tant seulement.

    Art. 149. – Et s’ils ou l’un d’eux ne vouloit prendre droict par lesdites confessions, sera incontinent ordonné que les tesmoins seront amenés pour estre récollés et confrontés audit accusé dedans délai, qui sur ce sera ordonné par justice, selon la distance des lieux et qualité de la matière et des parties.

    Art. 150. – Sinon que la matière fust de si petite importance, qu’après les parties oyes en jugement, l’on deust ordonner qu’elles seroient reçeuës en procez ordinaire, et leur préfiger un délai pour informer de leurs faits, et cependant eslargir l’accusé à caution limitée, selon la qualité de l’excez et du délict, à la charge de se rendre en l’estat au jour de la réception de l’enqueste.

    Art. 151. – Et si dans le délai baillé pour amener tesmoins, et les faire confronter, ou pour informer comme dessus, n’avoit esté satisfait et fourni par les parties respectivement, sera le procez jugé en l’estat qu’il sera trouvé après ledit délai passé, et sur les conclusions qui sur ce seront promptement prinses, et baillées par escrit de chacun costé, chacun à leurs fins, sinon que par grande et urgente cause l’on donnast autre second délai pour faire ce que dessus : après lequel passé ne pourront jamais retourner par relièvement, ne autrement.

    Art. 152. – En matières sujettes à confrontation, ne seront les accusés eslargis pendant les délais qui seront baillés pour faire ladite confrontation.

    Art. 153. – Quand les tesmoins comparoistront pour estre confrontés, ils seront incontinent récollés par les juges, et par serment, en l’absence de l’accusé ; et ceux qui persisteront en ce qui sera à la charge de l’accusé, lui seront incontinent confrontés séparément et à part, et l’un après l’autre.

    Art. 154. – Et pour faire la confrontation, comparoistront, tant l’accusé que le tesmoin, pardevant le juge, lequel, en la présence l’un de l’autre, leur fera faire serment de dire vérité : et après icelui fait, et auparavant que lire la déposition du tesmoin en la présence de l’accusé, lui sera demandé s’il a aucuns reproches contre le tesmoins illec présent, et enjoint de les dire promptement : ce que voulons qu’il soit tenu de faire : autrement n’y sera plus reçeu, dont il sera bien expressément adverti par le juge.

    Art. 155. – Et s’il n’allègue aucun reproche, et déclare ne vouloir faire, se voulant arrester à la déposition des tesmoins, ou demandant délai pour bailler par escrit lesdicts reproches, ou après avoir mis par escrit ceux qu’il verroit promptement allégués, sera procédé à la lecture de la déposition dudit tesmoin, pour confrontation, après laquelle ne sera plus reçeu l’accusé à dire ne alléguer aucuns reproches contre ledit tesmoin.

    Art. 156. – Les confrontations faites et parfaites, sera incontinent le procez mis entre les mains de nostre procureur, qui le visitera bien et diligemment pour voir quelles conclusions il doit prendre, soient déffinitives ou péremptoires, et les bailler promptement par escrit.

    Art. 157. – Et s’il trouve que l’accusé aye allégué aucuns faits péremptoires servans à sa décharge, ou innocence, ou aucuns faits de reproches légitimes et recevables, nostredit procureur requerra que l’accusé soit promptement tenu de nommer les tesmoins par lesquels il entend prouver lesdits faicts, soient justificatifs ou de reproches, ou sinon prendra les conclusions diffinitives.

    Art. 158. – Et sur lesdites conclusions, verra le juge diligemment le procès, et fera extrait des faits recevables, si aucun en y a, à la décharge de l’accusé, soit pour justification ou reproche : lesquels il monstrera audit accusé, et lui ordonnera nommer promptement les tesmoins, par lesquels il entend informer desdits faicts, ce qu’ils sera tenu faire, autrement n’y sera plus reçeu.

    Art. 159. – Et voulons que les tesmoins qui ainsi seront nommés par lesdits accusés, soient ouïs et examinés, ex officio, par les juges ou leurs commis et députés, aux dépens dudit accusé, qui sera tenu consigner au greffe la somme qui pour ce lui sera ordonnée, s’il le peut faire, ou sinon aux dépens de partie civile si aucune y a, autrement à nos dépens, s’il n’y a autre partie civile qui le puisse faire.

    Art. 160. -Et à ceste fin, se prendra une somme de deniers suffisante et raisonnable, telle que sera délibérée et arbitrée par nos officiers du lieu, sur le receveur de nostre domaine, auquel ladite somme sera allouée en la despense de ses comptes, en rapportant l’ordonnance de nosdits officiers, et la quittance de la délivrance qu’il aura faite desdits deniers.

    Art. 161. – Le surplus des frais des procez criminels se fera aux despens des parties civiles, si aucunes y a, et sauf à recouvrer enfin de cause, et s’il n’y en a point, ou qu’elle ne les puisse notoirement porter, sur les deniers de nos receptes ordinaires, comme dessus.

    Art. 162. – En matières criminelles, ne seront les parties aucunement ouïes et par le conseil ne ministère d’aucunes personnes, mais répondront par leur bouche des cas dont ils seront accusés, et seront ouïes et interrogées comme dessus, séparément, secrètement et à part, ostant et abolissant tous styles, usances ou coutumes, par lesquels les accusés avoient accoutumés d’être ouïs en jugemens, pour sçavoir s’ils devoient être accusés, et à cette fin avoir communication des faits et articles concernant les crimes et délits dont ils étoient accusés, et toutes autres choses contraires à ce qui est contenu ci-dessus.

    Art. 163. – Si par la visitation des procès, la matière est trouvée subjette à torture, ou question extraordinaire, Nous voulons incontinent la sentence de ladite torture estre prononcée au prisonnier, pour estre promptement exécutée s’il n’est appelant. Et s’il y en a appel, estre tantost mené en nostre cour souveraine du lieu où nous voulons toutes appellations en matières criminelles ressortir immédiatement, et sans moyen, de quelque chose qu’il soit appelé dépendant desdictes matières criminelles.

    Art. 164. – Et si par la question ou torture, l’on ne peut rien gaigner à l’encontre de l’accusé, tellement qu’il n’y ait matière de le condamner : nous voulons lui estre fait droit sur son absolution, pour le regard de la partie civile, et sur la réparation de la calomnieuse accusation : et à ceste fin les parties ouïes en jugement pour prendre leurs conclusions, l’un à l’encontre de l’autre, et estre réglées en procès ordinaire, si mestier est, et si les juges y voyent la matière disposée.

    Art. 165. – Que contre les délinquans et contumaux fugitifs, qui n’auront voulu obéir à justice, sera foi adjoustée aux dépositions des tesmoins contenus ès-informations faites à l’encontre d’eux, et récollés par authorité de justice, tout ainsi que s’ils avoient esté confrontés, et sans préjudice de leurs reproches : et ce, quant aux tesmoins qui seroient décédés, ou autres qui n’auroient peu estre confrontés lorsque lesdits délinquans se représenteront à justice.

    Art. 166. – Qu’il n’y aura lieu d’immunité pour debtes ni autres matières civiles, et se pourront toutes personnes prendre en franchise, sauf à les réintégrer quand y aura prinse de corps décerné à l’encontre d’eux, sur les informations faites de cas dont ils sont chargés et accusés, qu’il soit ainsi ordonné par le juge.

    Art. 167. -Le surplus des ordonnances de nous et de nos prédécesseurs, ci-devant faictes sur le faict desdites matières criminelles, demeurant en sa force et vertu, en ce qu’il ne seroit trouvé dérogeant ou préjudiciable au contenuu en ces présentes.

    Art. 168. – Nous défendons à tous gardes des sceaux de nos chancelleries et cours souveraines, de ne bailler aucunes grâces ou rémissions, fors celles de justice ; c’est à sçavoir aux homicidaires, qui auraient esté contraints faire des homicides pour le salut et défense de leurs personnes, et autres cas où il est dit par la loi, que les délinquans se peuvent ou doivent retirer par devers le souverain prince pour en avoir grâce.

    Art. 169. – Et si aucunes grâces ou rémissions avoient esté par eux données hors les cas dessusdits; nous ordonnons que les impétrans en soient déboutés, et que nonobstant icelles, ils soient punis selon l’exigence des cas.

    Art. 170. – Nous défendons auxdits gardes des sceaux de ne bailler aucuns rapeaux de ban, ne lettres pour retenir par nos cours souveraines, la cognoissance des matières en première instance, ni aussi pour les oster hors de leurs juridictions ordinaires, et les évoquer et commettre à autres, ainsi qu’il en a esté grandement abusé par ci-devant.

    Art. 171. – Et si lesdites lettres estoient autrement baillées, défendons à tous nos juges de n’y avoir aucun esgard, et condamner les impétrans en l’amende ordinaire, comme du fol appel, tant envers nous que la partie, et néantmoins qu’ils nous advertissent de ceux qui auroient baillé lesdites lettres, pour en faire punition selon l’exigence des cas.

    Art. 172- Défendons auxdits gardes des sceaux, de ne bailler aucunes grâces ne rémissions des cas pour lesquels ne seroit requis imposer peine corporelle, et si elles étoient données au contraire, défendons à tous nos juges de n’y avoir aucun regard comme dessus, et en débouter les parties avec condamnation d’amende.

    Art. 173 – Que tous notaires et tabellions, tant de nostre chastelet de Paris, qu’autres quelconques, seront tenus faire fidèlement registres et protocoles de tous les testamens et contrats qu’ils passeront et recevront, et iceux garder diligemment, pour y avoir recours quand il sera requis et nécessaire.

    Art. 174 – Esquels registres et protocoles, seront mises et insérées au long les minutes desdits. contrats, et à la fin de ladite insertion sera mis le seing des notaire ou tabellion qui aura reçeu ledit contract.

    Art. 175 – Et s’ils sont deux notaires à passer un contract ou recevoir un testament, sera mis et escrit au dos dudit testament ou contract, et signé desdits deux notaires, le nom de celui, ès livres duquel aura esté enregistré ledit contract ou testament, pour y avoir recours quand mestier sera.

    Art. 176 -Et ne pourront lesdits notaires, sous ombre dudit registre, livre ou protocolle, prendre plus grand salaire pour le passement desdits contrats, réception desdits testamens ; bien seront-ils payés de l’extrait de leursdits livres, si aucun en étoit fait en après par eux, auxquels lesdits contrats appartiennent, ou auxquels ils auroient été ordonnés par autorité de justice.

    Art. 177 – Et défendons à tous notaires et tabellions, de ne monstrer ni communiquer leursdits registres, livres et protocoles, fors aux contractans, leurs héritiers et successeurs, ou à autres ausquels le droict desdits contracts appartiendroit notoirement, ou qu’il fust ordonné par justice.

    Art. 178 – Et que depuis qu’ils auront une fois délivré à chacune des parties, la grosse des testamens et contracts, il ne la pourront bailler, sinon qu’il soit ordonné par justice, parties ouyés.

    Art. 179 – Le tout de ce que dessus, sur peine de privation de leurs offices, laquelle nous avons dès-à-présent déclaré et déclarons par cesdites présentes, ès cas dessusdits, et à chacun d’eux et des dommages et intérests des parties : et outre d’estre punis comme faussaires, quant à ceux qu’il apparoistroit y avoir délinqué par dol évident, et manifeste calomnie, dont nous voulons estre diligemment enquis par tous nos juges et chacun d’eux, si comme à lui appartiendra, sur peine de s’en prendre à leurs personnes.

    Art. 180 – Nous défendons à tous notaires, de quelque jurisdiction q’ils soient, de ne recevoir aucuns contracts d’héritages, soit de venditions, échanges, ou donations, ou autres, sans estre déclaré par les contractans en quel fief ou censives sont les choses cédées et transportées, et de quelles charges elles sont chargées envers les seigneurs féodaux ou censuels, et ce sur peine de privation de leurs offices quant aux notaires, et de la nulltié des contracts quant aux contractans, lesquelles déclarons à présent, comme dès-lors, au cas dessusdits.

    Art. 181 – Et défendons à tous contractans en matières d’héritages, de ne faire scientement aucune faute sur le rapport ou déclaration desdites tenues féodales ou censuelles qui seront apposées en leurs contracts, sur peine de privation de l’émolument desdits contracts contre les coupables : c’est à sçavoir contre le vendeur de la privation du prix, et contre l’acheteur, de la chose transportée : le tout appliquable à nous quant aux choses tenues de nous, et aux autres seigneurs, de ce qu’il en serait tenu d’eux.

    Art. 182 – Que les taxations de despens et jugements de défaux, ne se feront d’oresnavant par les greffiers, mais par les conseillers et autres juges ordinaires, ou délégués, ausquels la cognoissance en appartient.

    Art. 183 – Que par manière de provision, et jusques à ce qu’autrement en ait esté ordonné, le salaire des sergens royaux, taxé par nos ordonnances à douze sols parisis, sera augmenté de quatre sols parisis, qui font seize sols parisis par jour.

    Art. 184 – Et où ils prendront aucune chose davantage, nous les déclarons dès à présent privés de leurs offices et subjets à punition corporelle, encore qu’il leur fust volontairement offert par les parties, ausquelles néantmoins défendons de non le faire, sur peine d’amende arbitraire.

    Art. 185 – Que suivant nos anciennes ordonnances et arrests de nos cours souveraines, seront abattues, interdites, et défendons toutes confrairies de gens de mestier et artisans par-tout notre royaume.

    Art. 186 – Et ne s’entremettront, lesdits artisans et gens de mestier, sur peine de punition corporelle, ains seront tenus dedans deux mois après la publication de ces présentes, faire en chacune de nosdites villes, apporter et mettre pardevers nos juges ordinaires des lieux, toutes choses servans, et qui auroient esté députées et destinées pour le fait desdites confrairies, pour en estre ordonné, ainsi que verront estre à faire.

    Art. 187 – Et à fante d’avoir faict dedans ledit temps, seront tous les maistres du mestier constitués prisonniers, et jusques à ce qu’ils auront obéi, et néantmoins condamnés en grosses amendes envers nous, pour n’y avoir satisfaict dedans le temps dessusdict.

    Art. 188 – Et pour passer les maistres desdits mestiers, ne se feront aucunes disnées, banquets, ni convis, ni autres despens quelconques, encore qu’on le vousist faire volontairement, sur peine de cent sols parisis d’amende, à prendre sur chacun qui auroit assisté audict disner ou banquet.

    Art. 189 – Et sans faire autre despense, ne prendre aucun salaire par les maistres du mestier, voulons qu’ils soient tenus recevoir à maistrise icelui qui les requerra incontinent après qu’il aura bien et duement fait son chef-d’oeuvre, et qu’il leur sera apparu qu’il est suffisant.

    Art. 190 – Lequel toutesfois nous déclarons inhabile et incapable de la maistrise, au cas qu’il auroit fait autre despense que celle de son chef-d’oeuvre pour parvenir à ladite maistrise, et l’en voulons estre privé et débouté par nos juges ordinaires des lieux ausquel la cognoissance en appartient.

    Art. 191 – Nous défendons à tous lesdits maîtres, ensemble aux compagnons et serviteurs de tous mestiers, de ne faire aucunes congrégations ou assemblées grandes ou petites, et pour quelque cause ou occasion que ce soit, ni faire aucunes monopoles, et n’avoir ou prendre aucune intelligence les uns avec les autres du fait de leur mestier, sur peine de confiscation de corps et de biens.

    Art. 192 – Et enjoignons à tous nos officiers de faire bien et estroitement garder ce que dessus contre lesdits maistres et compagnons, sur peine de privation de leurs offices.

    Si donnons en mandement par cesdites présentes, à nos amés et féaux les gens de nos cours de parlement à Paris, Tholose, Bordeaux, Dijon, Rouen, Dauphiné et Provence, nos justiciers, officiers et tous autres qu’il appartiendra ; que nosdictes présentes ordonnances ils fassent lire, publier et enregistrer : icelles gardent entretiennent et observent, facent garder, entretenir et observer de point en point selon leur forme et teneur, sans faire ne souffrir aucune chose estre faicte au contraire : car tel est nostre plaisir.

    Donné à Villiers-Cotterets au mois d’aoust, l’an 1539, et de nostre règne, le 25.

    François.

    A costé, Visa.

    Et au-dessous, par le roi, Breton.

    Et scellé du grand scel du roi, en cire verte, pendant à laqs de soye

     

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  • L'HISTOIRE A COMMENCÉ AU LYCÉE MOLIÈRE EN 1937 

    Jean-Paul Sartre, Simone de Beau­voir: Bianca, leur jouet sexuel 

     

     

    A 16 ans, Bianca devient l'amante de Beau­voir puis celle de Sartre.

    Un trio amou­reux qui rejouera Les liai­sons dange­reuses à Saint-Germain-des-Prés

     

    Il y a du Choder­los de Laclos dans cette histoire. Quand, cinquante ans après les faits, Bianca Lamblin relate dans ses Mémoires d’une jeune fille déran­gée (Balland, 1993) son épisode amou­reux flam­boyant avec Simone de Beau­voir et Jean-Paul Sartre, c’est dans le vitriol qu’elle trempe sa plume.

    Elle vient de décou­vrir dans les Lettres à Sartre et le Jour­nal de Guerre de Simone de Beau­voir, publiés quatre ans après la mort de cette dernière, le jeu ambigu qu’a mené le Castor avec la toute jeune fille qu’elle était alors. Et soudain c’est l’ef­fon­dre­ment. 

     

    Jamais elle n’au­rait cru déce­ler une madame de Merteuil mani­pu­la­trice dans cette femme qu’elle a aimée au-delà de tout pendant un demi-siècle.

     

    Et pour­tant…

    L’his­toire avait commencé dans l’ef­fer­ves­cence, en 1937, lors de la rentrée scolaire au lycée Molière, à Paris, où Simone de Beau­voir venait d’être nommée profes­seur de philo­so­phie. La parole rauque et rapide, le débit torren­tiel, la nouvelle prof conquiert aussi­tôt ses élèves.

     

    « Tout en elle respi­rait l’éner­gie. L’in­tel­li­gence de son regard d’un bleu lumi­neux nous frappa dès le début », écrit Bianca, qui porte alors son nom de jeune fille, Bienen­feld. « A seize ans, on est faci­le­ment ébloui », ajoute-t-elle.

     

    Issue d’une famille juive polo­naise qui a connu bien des tribu­la­tions, l’ado­les­cente sort à peine d’une enfance ballo­tée. Jolie, coquette, passion­née, elle est subju­guée par l’as­su­rance de cette intel­lec­tuelle de vingt-neuf ans qui ne se sert d’au­cune note, par le carac­tère écla­tant, inci­sif, auda­cieux de ses juge­ments, son mépris cinglant pour les élèves peu douées. La future prêtresse du fémi­nisme prône des idées neuves qui la troublent profon­dé­ment: la liberté de la femme, son indé­pen­dance finan­cière, le refus de son assujet­tis­se­ment par le mariage et la mater­nité. La jeune Bianca s’em­balle, s’iden­ti­fie à son modèle, au point de lui emprun­ter ses tics de langage et de vouloir deve­nir, comme elle, agré­gée de philo­so­phie. Au mois de mars, elle ose lui écrire son admi­ra­tion.

     

    Très vite, elle reçoit en retour un pneu­ma­tique. Simone de Beau­voir lui donne rendez-vous dans un café de la rue de Rennes. La rencontre est chaleu­reuse, au point que le mentor propose à son élève de la voir en privé. C’est peu de dire qu’elle court: désor­mais Bianca vole, tous les dimanches, retrou­ver le Castor dans son minable hôtel de la rue Cels et les voilà parties pour des virées dans Paris, aux puces, à Mont­martre, dans les parcs autour de la capi­tale. Leurs confi­dences se font de plus en plus tendres, de plus en plus intimes.

     

    Le bachot passé, elles font, sac au dos, une randon­née dans le Morvan pendant laquelle elles deviennent amantes, dans des auberges de fortune. Simone de Beau­voir a raconté à Bianca son âpre combat pour vaincre les préju­gés de son milieu bour­geois et faire des études supé­rieures, et aussi sa rencontre déci­sive à la Sorbonne, pendant la prépa­ra­tion de l’agré­ga­tion, avec un groupe de norma­liens. « Celui qui était le plus laid, le plus sale, mais aussi le plus gentil et suprê­me­ment intel­li­gent, c’était Sartre », lui confie le Castor.

     

    « Je sus immé­dia­te­ment qu’il était l’amour de sa vie », écrit Bianca.

     

    Arri­vés respec­ti­ve­ment premier et seconde à l’agré­ga­tion, les deux brillants agré­gés, deve­nus amants, se sont reconnu la même ambi­tion dévo­rante, se sont juré de s’épau­ler mutuel­le­ment pour construire leur œuvre. Mais au prix d’un pacte qui, à l’époque, fera bien des émules dans le petit monde exis­ten­tia­liste de Saint-Germain-des-Prés. « Pas de mariage, surtout pas de mariage. Pas d’en­fants, c’est trop absor­bant.

     

    Vivre chacun de son côté, avoir des aven­tures; leur seule promesse était de tout se racon­ter, de ne jamais se mentir. En résumé, une liberté totale dans une trans­pa­rence parfaite. Programme ambi­tieux! » En fait, quand Sartre a proposé ce pacte à Simone de Beau­voir sur un banc du jardin du Luxem­bourg, il ne lui a pas vrai­ment laissé le choix. « Entre nous, lui a-t-il dit, il s’agit d’un amour néces­saire: il convient que nous connais­sions des amours contin­gentes. » C’est que le petit homme sale et laid, qui a su conqué­rir la bour­geoise repen­tie, est un vrai séduc­teur qui n’a pas voca­tion à la mono­ga­mie!

     

    Du haut de son mètre cinquante-sept, rondouillard, affligé de stra­bisme, les dents gâtées par le tabac, le teint brouillé par l’al­cool et le n’im­porte quoi de son hygiène de vie, Sartre collec­tionne avec entrain les jolies femmes. Et n’en­tend pas renon­cer à cette plai­sante diver­sité!

     

    Pour compen­ser sa laideur, il dispose d’atouts convain­cants: son image d’in­tel­lec­tuel pres­ti­gieux, la drôle­rie de sa conver­sa­tion, sa voix bien timbrée qui s’y entend en discours amou­reux.

     

    Lui-même se dit doué « pour bara­ti­ner les femmes » et leur compa­gnie le diver­tit bien plus que celle des hommes avec lesquels il « s’en­nuie cras­seu­se­ment ». Il lui arri­vera d’avoir sept maîtresses à la fois, chacune igno­rant tout des autres, alors qu’il leur ment copieu­se­ment, leur promet­tant le mariage, selon un « code moral tempo­raire », comme il le confiera à son secré­taire, Jean Cau. Pour le Castor, c’était à prendre ou à lais­ser. Mais, dans le contexte de machisme de l’époque, l’ar­ran­ge­ment qui la met sur un pied d’éga­lité avec Sartre passait quand même pour révo­lu­tion­naire.  

    Portée par ses dix-sept ans encore pleins d’en­thou­siasme, voilà donc l’ar­dente Bianca promue « amour contin­gente » de Beau­voir. Elle apprend vite pour­tant qu’elle n’est pas la première. Son profes­seur, déci­dé­ment sensible au charme fémi­nin (un lesbia­nisme qu’elle se gardera bien de reven­diquer dans ses livres), a déjà vécu une « amitié socra­tique » avec l’une de ses élèves russes, Olga Kosa­kie­wicz, une fille fantasque et désin­volte qui a beau­coup trou­blé Sartre. Econ­duit par la jeune personne, il s’est consolé avec sa sœur, Wanda, deve­nue sa maîtresse. Tout cela sent le liber­ti­nage à plein nez et devrait pous­ser Bianca à la prudence.

     

    Mais la jeune juive n’a pas l’es­prit liber­tin. Impré­gnée, comme toute sa géné­ra­tion, par les amours tragiques de Tris­tan et Yseult – son roman culte qui, dit-elle, a « aggravé sa propen­sion à la senti­men­ta­lité » –, elle s’at­tache avec exal­ta­tion. Et ne flaire pas le danger le jour où, deve­nue étudiante à la Sorbonne, Beau­voir lui conseille d’al­ler consul­ter Sartre sur un point de philo­so­phie. On devine la suite: la cour assi­due que lui fait l’écri­vain pendant des mois avec la béné­dic­tion complai­sante de Beau­voir, les rendez-vous dans des cafés, ses lettres enflam­mées:

     

    « Ma petite Polak, mon amour », jusqu’au jour où flat­tée par tant d’at­ten­tions, Bianca accepte de consom­mer. On ne fera pas plus mufle que Sartre au moment où ils marchent vers l’hô­tel:

     

    « La femme de chambre va être bien éton­née, lui dit-il d’un ton amusé et fat, car hier j’ai déjà pris la virgi­nité d’une jeune fille. » Médu­sée, Bianca en restera coite. « En règle géné­rale, j’ai la repar­tie vive. Mais là, juste­ment parce que l’of­fense était grave, la vulga­rité patente, je me tus. »

     

    La suite est du même tabac. « Je sentais bien qu’il était inca­pable de se lais­ser aller physique­ment, de s’aban­don­ner à une émotion sensuelle. » Cris­pée, glacée comme par les prépa­ra­tifs d’un acte chirur­gi­cal, Bianca ne se lais­sera faire que les jours suivants « mais la frigi­dité était bien établie et persista durant tous nos rapports. »

     

    C’est qu’en dépit de sa bouli­mie sexuelle, Sartre était un piètre amant (« j’étais plus un mastur­ba­teur de femmes qu’un coïteur », recon­naî­tra-t-il). Ce qui ne faisait pas l’af­faire de Simone de Beau­voir, laquelle avait beau­coup de tempé­ra­ment. En 1939, il ne couchaient déjà plus ensemble. Mais pour ne pas perdre son indé­fec­tible compa­gnon, le Castor main­te­nait avec lui un lien sexuel par procu­ra­tion. « Simone de Beau­voir puisait dans ses classes de jeunes filles une chair fraîche à laquelle elle goûtait avant de la refi­ler, ou faut-il dire plus gros­siè­re­ment encore, de la rabattre sur Sartre », écrira rageu­se­ment Bianca, à soixante-dix ans passés, les yeux enfin dessillés. Un jeu dange­reux, car Sartre – il le prou­vera par la suite – était suscep­tible de tomber folle­ment amou­reux.

     

    Et Beau­voir, inquiète et jalouse, menait alors un vrai travail de sape, assez pervers, pour élimi­ner sa poten­tielle rivale. A-t-elle perçu ce danger avec Bianca?

     

    Dans les lettres qu’elle envoie alors à Sartre, en tout cas, elle se gausse du « pathé­tique » de la jeune fille qu’elle a bapti­sée du pseudo de Louise Védrine, elle raille ses badi­nages et son carac­tère ombra­geux, raconte complai­sam­ment comme elle se rit d’elle auCafé de Flore avec Olga, en son absence. « Je vais encore vous couler Védri­ne… » Elle entraîne aussi l’écri­vain dans des imbro­glios minables, de constants mensonges, pour mieux cacher à Bianca son début d’idylle avec Jacques-Laurent Bost, un de ses jeunes colla­bo­ra­teurs à la revue Les Temps Modernes. Pleine de candeur, la jeune fille ne devine rien de cette dupli­cité. Elle aime, elle se croit aimée des deux écri­vains, elle imagine leur trio singu­lier plein d’ave­nir, gravé dans le marbre. Sentant venir la guerre, pres­sen­tant ce qu’il lui en coûtera d’être juive, elle a un besoin vital de cette sécu­rité affec­tive. Malgré leurs moments d’aban­don, Beau­voir a parfois des sautes d’hu­meur, des exas­pé­ra­tions qu’elle s’ex­plique mal.

     

    Mais alors, Sartre, qui a rejoint l’ar­mée, s’em­ploie dans ses missives à rassu­rer « sa petite Polak »: « Mon amour, il est une chose que je sais bien, en tout cas, c’est que le Castor vit dans un monde où tu es partout présente à la fois.  »

     

    Quand en février 1940, Bianca reçoit soudain une lettre de rupture du philo­sophe, c’est la stupeur. Beau­voir écrira en douce à Sartre: « Je ne vous reproche que d’avoir exécuté Védrine un peu trop à la gros­se… mais c’est sans impor­tance! »

     

    La révé­la­tion de la liai­son de Beau­voir avec « le petit Bost » achè­vera Bianca, qui se retrouve alors complè­te­ment larguée tandis qu’elle passe en zone libre. Bles­sée par ce double et cruel aban­don, elle épou­sera Bernard Lamblin, un ancien élève de Sartre, et s’em­ploiera à échap­per à la Gestapo (son grand-père et sa tante, la mère de Georges Perec, mour­ront en dépor­ta­tion).

     

    Elle finira par soute­nir la Résis­tance avec son mari dans le Vercors mais dans un état de grave dépres­sion, une sorte de psychose maniaco-dépres­sive.

     

    Un état qui va frap­per Beau­voir quand les deux femmes se rever­ront après la guerre. « Je suis secouée à cause de Louise Védrine », écrit-elle à Sartre. Elle m’a remuée et pétrie de remords parce qu’elle est dans une terrible et profonde crise de neuras­thé­nie – et que c’est notre faute, je crois, c’est le contre­coup très détourné mais profond de notre histoire avec elle. Elle est la seule personne à qui nous ayons vrai­ment fait du mal, mais nous lui en avons fait… Elle pleure sans cesse.. elle est terri­ble­ment malheu­reuse." Touchée par cette détresse, le Castor propo­sera à Bianca de renouer leur amitié, sur un plan stric­te­ment intel­lec­tuel cette fois. Et les deux femmes, pendant quarante ans, se rencon­tre­ront tous les mois, jusqu’à la mort de Beau­voir en 1986, en parta­geant leurs enga­ge­ments poli­tiques, dans un esprit de totale confiance pour Bianca.

    En 1990, quand paraissent Les Lettres à Sartre,publiées par Sylvie Lebon, la fille adop­tive de Beau­voir, c’est pour­tant le coup de grâce. « Leur contenu m’a révélé sous un tout autre visage celle que j’avais aimée toute ma vie et qui m’avait constam­ment abusée.

     

    J’y lisais le dépit, la jalou­sie, la mesqui­ne­rie, l’hy­po­cri­sie, la vulga­rité. Que Sartre m’ait sacri­fiée à sa quête perpé­tuelle et vaine de séduc­tion, soit.

     

    Mais que Simone de Beau­voir serve de pour­voyeuse à son compa­gnon est plus éton­nant. Que dire d’un écri­vain engagé comme elle dans la lutte pour la dignité de la femme et qui trompa et mani­pula, sa vie durant, une autre femme? », explique-t-elle.

     

    Contrainte d’ex­po­ser sa vérité, pour faire face à l’hu­mi­lia­tion publique de ces Lettres scan­da­leuses, Bianca Lamblin portera à son tour un coup fatal à la légende du couple royal de l’exis­ten­tia­lisme.

     

    En concluant ainsi sesMémoires:

    « Sartre et Simone de Beau­voir ne m’ont fait fina­le­ment que du mal."

     

     

     ELIANE GEORGES

    Crédits photos : LIDO/SIPA

     

     

     

    http://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/jean-paul_sartre_simone_de_beauvoir_bianca_leur_jouet_sexuel_346146

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    Les trois vies de Simone de Beauvoir

     

     

    Compagne de Sartre, sans doute, mais avant tout écrivain et grande figure du féminisme : Simone de Beauvoir aurait eu 100 ans cette année. Ingrid Galster nous raconte ses trois vies - faites aussi de petits tas de secrets.

    L’Histoire : On fête cette année le centenaire de la naissance de Simone de Beauvoir. Quelle place occupe-t-elle aujourd’hui en France ?

    Ingrid Galster : On parle beaucoup de Simone de Beauvoir en tant que compagne de Sartre et pas assez, me semble-t-il, en tant qu’intellectuelle, féministe ou écrivain. Le livre récent de Hazel Rowley, Tête-à-Tête. Beauvoir et Sartre. Un pacte d’amour , publié en 2006 chez Grasset, confirme, s’il en était encore besoin, l’intérêt du public et des chercheurs sur cette relation, au détriment le plus souvent de la pensée de Beauvoir.

    Ce qui est aujourd’hui considéré comme son ouvrage principal, Le Deuxième Sexe , a été en réalité peu lu. On croit pouvoir résumer ce livre de plus de mille pages en une phrase : « On ne naît pas femme : on le devient. » Il faut dire que le féminisme a évolué, surtout à l’étranger, et que les thèses du Deuxième Sexe semblent à certains dépassées.

    La figure de Simone de Beauvoir est pourtant beaucoup plus importante que cela. Au moment de sa mort, en 1986, dans les articles nécrologiques, on pouvait déceler ses quatre dimensions principales : pour les Français, elle était alors avant tout l’auteur du Deuxième Sexe , ensuite la compagne de Sartre, puis une intellectuelle de gauche et enfin un écrivain. Certes, elle était considérée d’abord en tant que féministe, mais son oeuvre narrative, avant tout les trois tomes de son autobiographieMémoires d’une jeune fille rangée , 1958, La Force de l’âge , 1960 et La Force des choses , 1963, a eu un grand impact en France et ailleurs.

    L’H. : Comment cette jeune fille, issue d’un milieu conventionnel, bourgeois, est-elle devenue Simone de Beauvoir ?

    I. G. : Grâce à sa personnalité exceptionnelle mais aussi aux circonstances qui ont été déterminantes dans son parcours.

    Simone de Beauvoir est née en janvier 1908, à Montparnasse à l’emplacement actuel du restaurant La Rotonde. Quelqu’un lui a demandé un jour quelle continuité elle voyait dans sa vie. Elle a répondu : Montparnasse ! Elle a également habité dans des hôtels à Saint-Germain-des-Prés puis elle a acheté, avec l’argent du prix Goncourt obtenu en 1954 pour Les Mandarins , un appartement rue Victor-Schoelcher, en face du cimetière Montparnasse, où elle a résidé jusqu’à sa mort.

    A sa naissance, sa famille appartenait à la bourgeoisie aisée. Mais, après la Première Guerre mondiale et la révolution russe, ses parents ont été ruinés avec la perte des « emprunts russes ». La famille a dû déménager et renoncer à son mode de vie privilégié. Le père a prévenu Simone et sa soeur cadette : « Il faudra travailler. » Contrairement aux normes de sa classe, Beauvoir devrait donc exercer un métier pour gagner sa vie.

    Elle aurait dû avoir une dot, se marier et mener la vie d’une bourgeoise. D’ailleurs, à l’âge de 18 ans, la perspective de se marier ne lui déplaisait pas. On lit dans ses carnets de jeunesse, dont une première partie 1926-1927 vient d’être publiée en anglais, qu’elle était amoureuse de son cousin Jacques et qu’elle avait l’intention de l’épouser1. Ce n’est qu’au dernier moment, lorsque Jacques lui annonce le 2 octobre qu’il fera un mariage d’argent avec une autre femme, qu’elle a renoncé à lui et s’est lancée dans sa relation avec Sartre. C’était en 1929, l’année de l’agrégation. Elle avait 21 ans.

    Ce qui est remarquable, c’est que Beauvoir a toujours eu une idée claire de la vie qu’elle entendait mener. Dès l’adolescence, elle établissait des programmes précis auxquels elle se tenait. Ce qui lui valut d’ailleurs les sarcasmes des sartriens qui ont toujours trouvé Beauvoir très rigide. « Je suis douée pour le bonheur » , écrit-elle, mais ce bonheur n’est pas venu tout seul.

    La réussite passait alors par le mariage et elle avait décidé qu’il lui fallait régler sa vie affective avant la fin de ses études. En même temps, on la sent déjà hésitante parce que ce qu’elle aime plus que tout, c’est penser, écrire. Comment, une fois mariée, préserver suffisamment d’espace et d’autonomie pour continuer sa réflexion ? Tout le temps de son adolescence studieuse, elle se refuse donc à remplir complètement le rôle traditionnel de la femme.

    L’H. : Mais a-t-elle alors un projet professionnel ?

    I. G. : Très tôt, elle veut devenir écrivain. Dans Mémoires d’une jeune fille rangée , elle explique que la littérature l’a toujours attirée. Dès l’âge de 15 ans, elle entend devenir un auteur célèbre. Sans doute parce que les écrivains avaient à cette époque un très grand prestige et que Beauvoir possédait, comme elle le dit elle-même, un goût prononcé pour la communication. Enfant, elle dévore les livres. Little Women de Louisa May Alcott Les Quatre Filles du docteur March et The Mill on the Floss de George Eliot l’ont particulièrement marquée ; plus tard, ce sera Le Grand Meaulnes d’Alain-Fournier. Et puis Jacques l’a initiée aux auteurs de la NRF, à Proust, à Gide, ce qui à l’époque sentait le soufre...

    L’H. : Comment se déroulent ses études ?

    I. G. : A 6 ans, elle entre au cours Adeline-Désir, un institut catholique privé pour les filles de la bonne société. Elle y reste jusqu’au bac. Rapidement, elle prend conscience du sectarisme des enseignants et de leur catholicisme étroit.

    Elle a pourtant été très pieuse. Elle communiait trois fois par semaine et se confessait deux fois par mois auprès d’un abbé nommé Martin. Il faut dire que tout ce qu’elle entreprenait, elle le faisait avec passion ! Mais vers 13 ans, si l’on en croit son autobiographie, elle a perdu la foi. Elle dit se souvenir du moment précis où elle a douté : l’abbé Martin, lors d’une confession, lui aurait dit « j’ai entendu que ma petite Simone a fait ceci et cela... ». Beauvoir raconte la colère qui l’a alors envahie : « Brusquement, il venait de retrousser sa soutane, découvrant des jupons de bigote ; sa robe de prêtre n’était qu’un travesti ; elle habillait une commère qui se repaissait de ragots.2 »

    Éliane Lecarme-Tabone, une des meilleures spécialistes de Beauvoir, a montré dans quelle mesure elle s’est inspirée, dans le récit qu’elle livre dans Mémoires d’une jeune fille rangée , des Motsde Sartre dont elle avait lu le manuscrit. Sartre y raconte comment il a cessé de croire en Dieu. Elle n’a pas inventé l’abbé Martin, mais elle s’est peut-être focalisée sur cet événement à cause des Mots .

    L’H. : Quelles étaient alors ses relations avec sa famille ?

    I. G. : Dans la description qu’elle fera dans son autobiographie de ses relations avec ses parents, Simone de Beauvoir semble assez influencée par la psychanalyse. Elle décrit leurs liens à partir du complexe d’Oedipe. Elle dit adorer son père et haïr sa mère.

    Son père, voltairien, représente pour elle la formation intellectuelle. Sa mère, catholique pratiquante, la formation de l’âme. Et cette opposition entre ces deux instances qui défendent des idées différentes a contribué à la perte de sa foi : ils ne pouvaient pas avoir raison tous les deux, et elle a choisi le camp de son père. Un père qui, au moment de la puberté, l’aurait rejetée, ce qui a eu une importance décisive dans son développement et une certaine aversion pour le corps.

    Il n’y a cependant pas eu de rupture brutale avec ses parents mais un éloignement progressif. Jusqu’au bout, elle s’occupera de sa mère, et elle a gardé des relations avec sa soeur, Hélène, qui s’est mariée avec un ancien élève de Sartre. Beauvoir dira plus tard, pour justifier ce mariage, qu’ « il fallait qu’ils se marient pour avoir un passeport pour aller à l’étranger » .

    L’H. : Comment passe-t-elle du cours Désir à l’agrégation de philosophie ?

    I. G. : Après le bac, en 1925, elle s’est inscrite à l’Institut catholique pour passer un certificat de mathématiques et à l’institut Sainte-Marie, à Neuilly, pour étudier les lettres. Une professeure a remarqué ses grandes capacités en philosophie et lui a conseillé de passer l’agrégation. Ce fut terrible pour sa mère pour qui l’enseignement laïque représentait le diable.

    Pour préparer l’agrégation, elle étudie à la Sorbonne et suit les cours de la Rue d’Ulm. C’est là qu’elle fait la connaissance des « petits camarades » : René Maheu qu’elle appelle « mon lama », Paul Nizan et Jean-Paul Sartre. Pour préparer l’oral, c’est elle qui est chargée d’expliquer Leibniz, sur lequel elle vient de rédiger son diplôme d’études supérieures. Elle est la seule fille du groupe. Les hommes et les femmes passaient alors les mêmes épreuves de la même agrégation. En 1929, elles sont 4 femmes à être reçues et 9 hommes - sur 76 candidats. Beauvoir est deuxième derrière Sartre. Je pense que ce républicanisme à la française, lui a permis d’être reconnue au même titre qu’un homme.

    L’H. : A cette date, elle est reconnue comme une vraie philosophe ?

    I. G. : Beauvoir et Sartre avaient, dès 1929, conçu leurs propres systèmes philosophiques. Sartre avait déjà formulé sa « théorie de la contingence » où, selon Beauvoir, se trouvaient en germe ses idées sur l’être, l’existence, la nécessité, la liberté. Cette philosophie, Beauvoir l’a faite sienne, lors d’une scène devenue célèbre. Cela se passait tout au début de leur relation, à la fontaine Médicis, au jardin du Luxembourg. Après avoir défendu pendant des heures la morale pluraliste qu’elle s’était fabriquée, Beauvoir a cédé devant les arguments de Sartre. Certains féministes voient en cette scène primitive la preuve que Beauvoir avait une conscience de femme aliénée...

    Une lettre inédite, écrite à Zaza, le 17 septembre 1929, montre qu’à cette date elle avait besoin d’un guide et pensait l’avoir trouvé en Sartre. Beauvoir y écrit « Je suis dominée. » Elle évoque son« besoin de lui, besoin de sa pensée, de sa présence, plus encore que de sa tendresse » . Prête à prendre des risques, elle avoue : « Je n’aurai peut-être qu’un an de sa vie [...] peut-être que je souffrirai terriblement mais aucune question ne se pose, c’est ainsi3. »

    L’H. : Elle ne serait donc que la fidèle servante des idées de Sartre ?

    I. G. : Elle a épousé les idées philosophiques de Sartre. Bianca Bienenfeld, qui fut l’une de ses amantes, lui dit un jour que cela devrait lui être désagréable quand Sartre changeait des théories auxquelles elle avait donné sa foi. Et Beauvoir de répondre : « J’en change aussi, ça me varie la vie, j’aime bien ça. »

    Cette boutade ne doit pas cacher le plus important, la complémentarité entre ces deux êtres. Sartre était le créateur et Beauvoir, avec sa force analytique, discutait tout morceau par morceau. Cette combinaison est peut-être ce qui les a unis jusqu’au bout.

    L’H. : Depuis la fin des années 1990, certains prétendent que le véritable inventeur de l’existentialisme, c’est Beauvoir.

    I. G. : Cette affirmation s’inspire d’un témoignage de Maurice de Gandillac qui a connu des membres du jury de l’agrégation de 1929. Ceux-ci lui auraient dit qu’ils avaient failli donner la première place à Beauvoir. Vous imaginez combien cela a plu à certaines féministes... La théorie selon laquelle Sartre a copié Beauvoir me paraît complètement fausse. Mais je n’emploierai pas pour autant le mot « auxiliaire », qui n’est pas assez fort. Il s’agit plutôt d’une émulation, comme l’affirme à juste titre Éliane Lecarme-Tabone.

    Ainsi, pendant que Sartre déchiffrait Heidegger au stalag, Beauvoir, à la Bibliothèque nationale, étudiait Hegel dont La Phénoménologie de l’esprit venait d’être traduite en français. Avant, ils s’étaient familiarisés avec Husserl, sur les conseils de Raymond Aron, par le biais de Lévinas. Voilà comment ils ont assimilé les « trois H ».

    L’H. : Comment qualifier les relations, durables, entre Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre ? Était-ce de l’amour ?

    I. G. : C’était avant tout une relation intellectuelle. Certes, ils ont eu des rapports sexuels, dès 1929, mais cela n’a pas duré très longtemps. Ils savaient surtout qu’ils pourraient toujours compter l’un sur l’autre. Beauvoir savait que s’ils se donnaient rendez-vous dans dix ans, à un endroit précis, Sartre y serait. Cette confiance est peut-être plus forte encore qu’une passion passagère.

    L’H. : Cela explique-t-il leur modèle de couple sur lequel on a tant glosé ?

    I. G. : C’est lui qui a posé des conditions dès le début de leur relation. Sartre n’était pas monogame, il voulait avoir d’autres femmes. C’était à prendre ou à laisser.

    Mais elle était jalouse et elle en a souffert. Dans ses lettres à Sartre, au moment de la « drôle de guerre », on la voit marchander des jours de permission. Et lorsque Bianca, devenue une des « contingentes » de Sartre, fut congédiée, elle écrit : « Plus de[Bianca] aux sports d’hiver, nous irons tous deux seuls au petit chalet.4 » Elle avait besoin de se retrouver dans une relation intime avec Sartre, sans un tiers. Mais elle savait que ce n’était pas possible. Elle aussi a pris des amants.

    L’H. : Et des amantes...

    I. G. : Je pense qu’elle était plus attirée par les hommes que par les femmes, ce que m’a d’ailleurs confirmé Bianca Bienenfeld. J’ai longtemps cru qu’elle nouait des relations avec des filles quand elle n’avait pas d’hommes, pendant la guerre par exemple. Mais c’est faux. Elle pouvait être avec les deux en même temps.

    Selon la mère de Sorokine, qui a déposé plainte en 1942 pour détournement de mineure contre Beauvoir, il s’agissait pour celle-ci d’apporter de la chair fraîche à Sartre. Elle aurait servi de rabatteuse. Je pense qu’elle a aussi noué des relations avec les femmes par curiosité, pour transformer ses expériences en littérature. Son amitié intense, passionnée, avec Zaza durant l’adolescence a pu jouer également un rôle. Cette dernière a eu une évolution exactement inverse à celle de Beauvoir. Délurée, indépendante, elle a, sous la contrainte familiale, renoncé à son autonomie.

    En tout cas, ce n’est pas Beauvoir qui allait vers les filles mais l’inverse. La première, dans l’état actuel de nos connaissances, c’est Olga Kosakiewicz, une de ses élèves, à Rouen, où Beauvoir fut professeur entre 1932 et 1936. Il faut dire qu’elle impressionnait beaucoup ses étudiantes. Tout le monde était amoureux d’elle. Les filles lui couraient après et quand elle les trouvait assez intelligentes et attirantes, elle acceptait d’entamer une relation.

    Mais quels étaient ses sentiments réels envers les femmes, je me le demande toujours. Dans un entretien, elle raconte qu’elle les trouve plus désirables, plus fines : qu’elles ont la peau plus douce que les hommes.

    L’H. : Qu’en est-il de ses amants ?

    I. G. : Son premier amant « contingent » est Jacques-Laurent Bost, fils de pasteur et élève de Sartre au Havre, qui fit très vite partie de la « famille ». Ils sont partis ensemble en vacances en juillet 1938 et c’est elle qui a fait le premier pas, comme elle le raconte à Sartre. Elle avait 30 ans, lui 22.

    Je crois que c’était en partie par docilité, pour respecter le pacte initial avec Sartre et établir avec lui un équilibre. Beauvoir redoutait plus que tout de mettre leur relation en péril. Elle a souvent agi par symétrie avec lui. Une fois que Sartre se permettait quelque chose, elle pouvait elle aussi le faire. Mais elle ne prenait pas l’initiative. Sartre, par exemple, a adopté en 1965 une étudiante d’origine juive née en Algérie, Arlette Elkaïm. Beauvoir fait de même avec Sylvie Le Bon qu’elle adoptera quelques années après. Et c’est lorsque Sartre tombe sérieusement amoureux de Dolorès Vanetti, dont il a fait la connaissance après la guerre, aux États-Unis, qu’elle se lie aussi fortement, immédiatement après, avec l’écrivain américain Nelson Algren.

    L’H. : Mais elle a vécu une véritable passion avec Nelson Algren. A-t-elle envisagé alors de rompre avec Sartre ?

    I. G. : Elle est en effet tombée amoureuse d’Algren avec qui elle a découvert, pour la première fois sans doute, à 39 ans, ce que pouvait être une sexualité épanouie. Mais qu’aurait-elle fait aux États-Unis ? Écrire en anglais ? Son appartenance au groupe existentialiste était capitale. Elle ne pouvait pas quitter Paris sans risquer de perdre sa position sociale. Elle a donc choisi la stabilité.

    Plus tard, en 1952, elle a entamé une relation avec Claude Lanzmann qui, correcteur à France-Dimanche , venait d’entrer, avec l’aide de Jean Cau, à l’équipe des Temps modernes . Elle avait 44 ans et s’imaginait, avec regret, « ne plus jamais dormir dans la chaleur d’un autre corps » . Quand elle a vu arriver ce jeune homme, qui avait 27 ans, elle a cédé à ses avances.

    L’H. : Venons-en à ses engagements. Simone de Beauvoir a-t-elle la tête politique ?

    I. G. : Dans le deuxième tome de son autobiographie, La Force de l’âge , paru en 1960, elle raconte que dans l’entre-deux-guerres elle ne se souciait pas de la politique car pour elle, comme pour Sartre, seules comptaient la métaphysique, la condition humaine. Pendant la guerre civile espagnole de 1936-1939 par exemple, alors qu’elle était solidaire du camp républicain, elle ne s’est pas engagée, se sentant avant tout spectatrice.

    Une rencontre avec la philosophe Simone Weil, avec qui elle avait passé un certificat de licence, illustre son attitude apolitique : « Une grande famine venait de dévaster la Chine, et on m’avait raconté qu’en apprenant cette nouvelle, elle [Weil] avait sangloté. [...] La conversation s’engagea ; elle déclara d’un ton tranchant qu’une seule chose comptait aujourd’hui sur terre : la Révolution qui donnerait à manger à tout le monde. Je rétorquai, de façon non moins péremptoire, que le problème n’était pas de faire le bonheur des hommes, mais de trouver un sens à leur existence. Elle me toisa : «On voit bien que vous n’avez jamais eu faim», dit-elle.5 »

    Si l’on en croit La Force de l’âge , c’est la guerre et l’Occupation qui lui ont fait prendre conscience de la nécessité de s’engager. Elle a eu peur pour son jeune amant Bost parti au combat et fait part de ses doutes, le 8 octobre 1939, à Sartre, alors engagé en Alsace : « Je sais bien qu’on n’y pouvait rien, mais nous sommes quand même de la génération qui aura laissé faire [...] j’ai du remords en pensant que c’est un autre qui paiera pour notre impuissance6. »C’est à partir de cette discussion que Sartre, qui découvre au même moment le concept d’historicité chez Heidegger, développe la théorie de l’engagement, capitale dans la philosophie de l’existentialisme.

    Mais dans son autobiographie, Beauvoir va beaucoup plus loin. La guerre lui aurait fait découvrir le poids de l’histoire qui « fondait sur elle » si bien qu’il y aurait eu un avant et un après. Je suis un peu sceptique face à ces explications. Je crois que les événements de 1939 sont surtout une occasion pour elle et Sartre d’intégrer l’histoire dans un système philosophique qui piétinait. Comme toujours, elle perçoit la réalité en fonction de ce qu’elle peut en tirer pour la transformer en littérature. Le goût pour la politique viendra plus tard.

    L’H. : Durant l’Occupation, Beauvoir accepte de participer à des émissions sur Radio Vichy, une station contrôlée par le régime de Pétain. Même si elle ne traite que de sujets littéraires, n’a-t-elle pas eu quelques scrupules ?

    I. G. : Il ne faut jamais oublier qu’elle s’est fait exclure de l’Université par Abel Bonnard en 1943 pour des raisons idéologiques. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne formait pas ses élèves dans le sens souhaité par Vichy... A partir de 1943, elle ne touchait donc plus de salaire et Sartre lui a trouvé un travail à Radio Vichy, à ne pas confondre avec Radio Paris. Elle y rédige des sketchs sur les origines du music-hall. Selon Beauvoir, les écrivains de son bord avaient tacitement adopté certaines règles, un « code », selon lequel « on ne devait pas écrire dans les journaux et les revues de la zone occupée, ni parler à Radio Paris ; on pouvait travailler dans la presse de la zone libre et à Radio Vichy : tout dépendait du sens des articles et des émissions7 » .

    Reste que le ton de la radio est devenu plus virulent dès le début de l’année 1944, que Philippe Henriot parlait deux fois par jour et qu’elle n’a pas pour autant retiré ses émissions. Je pense qu’avec une certaine mauvaise foi elle a préféré ne pas voir.

    L’H. : Est-ce qu’elle parle du nazisme dans ses carnets ?

    I. G. : Elle parle quelquefois des Juifs qu’elle a vus être menacés ou arrêtés, avec une relative indifférence. Cela ne va jamais plus loin qu’une ou deux phrases. Mais le pire est sans doute son attitude face à Bianca Bienenfeld, son ancienne amante juive qui était aussi la maîtresse de Sartre. Le 10 mars 1940, moment où cette dernière reçoit une lettre de rupture de Sartre, Beauvoir écrit avec cynisme : « Elle hésite entre le camp de concentration et le suicide8. » Sartre et Beauvoir laissent tomber Bianca qui s’est cachée dans le Vercors, et jamais ils n’ont cherché à savoir ce qu’elle était devenue.

    L’H. : Quand Beauvoir acquiert-elle une véritable conscience politique ?

    I. G. : Une évolution est perceptible entre son premier roman,L’Invitée , paru en 1943, qui transpose en fiction son triangle amoureux avec Olga et Sartre, et la rédaction du Sang des autressur la Résistance et les Juifs qu’elle a commencé à écrire en 1941 et qui a été publié en 1945. Elle passe alors de la morale individualiste à la théorie de l’engagement. Mais c’est encore littéraire. C’est sans doute le travail dans Les Temps modernes et la confrontation, après guerre, avec les communistes qui l’ont poussée dans cette direction.

    L’H. : Sartre devient un compagnon de route du PCF en 1952. Elle le suit ?

    I. G. : Oui, elle soutient comme lui le Parti communiste comme elle distribuera plus tard La Cause du peuple des maos. En 1954, elle rédige un article significatif pour Les Temps modernes où elle écrit notamment : « La vérité est une : l’erreur, multiple. Ce n’est pas un hasard si la droite professe le pluralisme. » Autrement dit, contre le pluralisme, il n’y a qu’une vérité, le marxisme. Une fois encore, elle embrasse une nouvelle cause avec passion. Claude Roy, ancien communiste exclu du Parti, a écrit fort justement dans son article nécrologique du Nouvel Observateur que « la force et la faiblesse de Beauvoir, c’était d’être absolument absolue »18 avril 1986.

    Elle a fait de multiples voyages avec Sartre, en URSS, en Chine, à Cuba. Elle ne s’est pas érigée en modèle, mais elle a eu une grande influence pour beaucoup d’intellectuels de la gauche non orthodoxe.

    Le grand moment reste toutefois la guerre d’Algérie. Elle a préfacé un livre en 1962, sur Djamila Boupacha, une jeune Algérienne, membre du FLN, qui fut torturée par les Français. A ce moment-là, elle a pris des risques en dénonçant la politique française. Dans son autobiographie, elle raconte qu’elle a passé des nuits blanches en pensant aux tortures en Algérie. Comme Simone Weil versait des larmes pour la Chine... Son engagement est alors authentique, mais on peut penser qu’elle en rajoute pour ne pas en avoir fait assez avant.

    Au total cependant, elle n’a pris que très peu d’initiatives en politique et a plutôt suivi les variations de Sartre. Après la mort de celui-ci, elle est d’ailleurs devenue plus modérée politiquement. Dans les années 1980, elle se rapproche du Parti socialiste.

    L’H. : Au fond, son véritable engagement politique, c’est le féminisme ?

    I. G. : Oui, dans ce combat elle a fait oeuvre personnelle. Il faut revenir sur la genèse du livre Le Deuxième Sexe , paru en 1949. Dès l’entre-deux-guerres, Colette Audry, collègue de Beauvoir au lycée de Rouen, lui avait parlé de la question féministe. Mais cela ne l’intéressait pas encore. C’est en 1946, lorsqu’elle a souhaité écrire sur elle-même, qu’en bonne philosophe Beauvoir s’est d’abord demandé ce que signifiait pour elle d’être une femme. A partir de ce questionnement, elle a compris que le monde dans lequel elle vivait avait été fait par et pour les hommes. De là lui est venue l’idée d’écrire un livre sur la condition de la femme.

    Elle se lance dans l’écriture en octobre 1946. Puis elle part en 1947 aux États-Unis, où elle rencontre Algren, écrit L’Amérique au jour le jour et parvient, entre tous ces allers-retours, à terminer très rapidement l’ouvrage qui fut composé en morceaux, publiés dès mai 1948 dans Les Temps modernes , puis réunis après coup, en 1949, en un ensemble. Beauvoir le reconnaît, cet éparpillement se sent dans l’écriture : « Découvrant mes idées en même temps que je les exposais, je n’ai pas pu faire mieux. » Ce livre, considéré par son auteur à certains égards un peu brouillon, sera pourtant un très grand livre, un véritable monument et un tournant dans l’histoire des femmes.

    L’H. : Pourquoi n’a-t-elle pas eu d’enfant ?

    I. G. : Il lui a fallu choisir entre l’écriture et la maternité. Mais il n’y a pas d’incompatibilité pour elle : on peut être une femme émancipée et avoir des enfants. Ce qu’elle érige en modèle vaut pour elle en tant qu’écrivain. Elle met uniquement en cause la maternité qui aliène. Elle veut une maternité choisie et non subie. Cette distinction est capitale.

    Dans son autobiographie, il est vrai, on apprend qu’elle n’aime pas les enfants. Elle n’aime pas tout ce qui est organique, animal. Elle n’a jamais touché aux produits laitiers - le sein maternel ? Reste qu’elle parle de Sylvie Le Bon, sa fille adoptive, comme d’une« réincarnation d’elle-même » . Même si Beauvoir a réfuté cette idée, on peut se demander si ce n’est pas la définition même du sentiment maternel.

    L’H. : Mais s’est-elle battue pour la légalisation de la contraception ?

    I. G. : A partir des années 1970, Beauvoir a milité avec le Mouvement de libération des femmes. Elle a écrit plusieurs préfaces à des ouvrages sur le planning familial et figurait au comité d’honneur de cette association. Elle figure également parmi les signataires du « Manifeste des 343 pour la liberté de l’avortement » 1971.

    L’H. : Comment Le Deuxième Sexe a-t-il été accueilli ?

    I. G. : Le livre a fait scandale. Si bien qu’en une semaine 22 000 exemplaires du premier tome ont été vendus. C’est avant tout le chapitre sur « L’initiation sexuelle de la femme », paru en mai 1949 dans Les Temps modernes , qui a été jugé inacceptable. Il faut dire que Beauvoir parle de la sexualité des femmes comme personne avant elle, à l’exception des médecins. Il y est question d’« orgasme mâle » , de « spasme clitoridien » , autant de choses que l’on n’avait jamais évoquées jusque-là publiquement. La phénoménologie a permis à Beauvoir de trouver un langage pour introduire des sujets tabous. Pour la première fois, cette mise en philosophie du corps, de la sexualité a fait irruption dans le débat public.

    Reste que pour le catholique François Mauriac, c’était intolérable. Mauriac a écrit à Roger Stéphane, collaborateur des Temps modernes  : « J’apprends beaucoup de choses sur le vagin et le clitoris de votre patronne. » Peu après la parution du Deuxième Sexe, il écrit encore à Jean-Louis Curtis : « Vos pages me consolent des infamies de la femme Magny. Ces idiotes instruites qui enfoncent leurs talons Louis XV sur toutes les voies sacrées de notre vie, ces connes pédantes et piaillantes, il faudrait les mettre dans une garderie d’enfants à torcher les derrières et à vider des pots jusqu’à la mort. »

    Tous les catholiques ne réagissent pas de la même manière. La revue Esprit approuve Beauvoir. Jean-Marie Domenach écrit, le 25 juin 1949 : « Je crois que les chrétiens qui, sous prétexte d’érotisme et d’obscénité, attaquent Simone de Beauvoir et la tentative qu’elle représente se trompent du tout au tout. »

    L’accueil à l’extrême gauche est également négatif. Au Parti communiste, presque personne ne lit le livre selon le souvenir d’Annie Kriegel qui raconte que cela ne l’intéressait pas du tout :« Pour notre génération [elle est née en 1926], ces problèmes d’émancipation étaient dépassés : nous n’étions pas le deuxième sexe9. »

    Dès le mois de juin 1949, Marie-Louise Barron, héroïne communiste de la Résistance, exprime son dédain dans Les Lettres françaises . Elle se représente « le franc succès de rigolade » que Beauvoir obtiendrait dans un atelier de Billancourt, « en exposant son programme libérateur de défrustration » . La socialiste Colette Audry lui répond dans Combat que « c’est estimer bien peu les ouvrières de Billancourt que de penser qu’elles se moqueraient ainsi d’une oeuvre qui, à la fois, insiste sur l’importance historique de l’entrée des femmes dans la production [...] et passe en revue tous les problèmes auxquels se heurtent concrètement, quotidiennement, les travailleuses.10 »

    L’H. : Comment un livre si décrié est-il devenu emblématique de l’émancipation des femmes ?

    I. G. : Comme l’a dit Michelle Perrot, c’est de l’Amérique que Le Deuxième Sexe est revenu en France comme la bible du féminisme. Quand le livre y paraît en 1953, et surtout en 1961 en livre de poche, les féministes se précipitent dessus. Au milieu des années 1970, il s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires aux États-Unis.

    Deux féministes ont plus particulièrement participé à la diffusion des théories de Beauvoir. Il s’agit de Kate Millett et de Betty Friedan qui se sont beaucoup inspirées du livre de Beauvoir mais sans le citer. Si bien que beaucoup de féministes ignorent que Beauvoir est la première à avoir théorisé le concept de « femme » comme construction culturelle. C’est-à-dire qu’en quelque sorte elle est bien à l’origine du concept du « genre » gender entendu comme sexe social.

    C’est le féminisme américain qui inspirera le Mouvement de libération des femmes MLF en France dans les années 1970. C’est donc plutôt indirectement, à travers les féministes américaines, que Simone de Beauvoir a influencé le MLF. Le paradoxe est queLe Deuxième Sexe n’a pas donné l’impulsion à un mouvement féministe en France. Il y aura même un « creux de la vague » dans les années 1950 et 1960. Les combats politiques l’emportaient sur les revendications féministes. Même s’il y eut des prises de conscience individuelles, le vrai succès de Simone de Beauvoir en France est tardif, pas avant les années 1970. Je parle du féminisme.

    L’H. : Qu’est-ce que les féministes lui reprochent ?

    I. G. : Elles lui ont tout d’abord reproché de ne pas avoir pris en compte les combats antérieurs des féministes. Mais je crois qu’elle l’aurait fait si elle en avait eu le temps. Dans son manuscrit, elle écrit, sur un feuillet à part qui contient des tâches à accomplir :« Peut-être faut-il aussi un historique du féminisme ? » Elle évoque dans son autobiographie Louise Weiss, qui a lutté sous la IIIe République pour le droit de vote. Mais les suffragettes étaient trop bourgeoises pour Beauvoir. En fait, pour elle, la libération de la femme ne passait pas nécessairement par la politique.

    La critique est surtout venue, dans les années 1970, des trois figures phares de ce que les Américains appellent le « French Feminism »  : Hélène Cixous, Julia Kristeva et Luce Irigaray. Leur féminisme poststructuraliste est un amalgame de psychanalyse, de linguistique et de déconstruction à la Derrida.

    Cixous et ses adeptes reprochent à Beauvoir d’avoir fondé sa théorie de la libération de la femme sur une version particulièrement prononcée du « phallogocentrisme », à partir d’une philosophie « mâle », celle de Sartre. Selon elles, les oppositions binaires comme « culture et nature », « sujet et objet » qui structurent notre pensée et qui se veulent universelles ne sont que le produit de l’homme. Beauvoir, elle, au contraire, pense que nos outils conceptuels, comme le langage, sont neutres, et que la raison n’est pas l’apanage des hommes. Pour les féministes poststructuralistes, l’universalisme est une ruse de la virilité. Ces féministes remettent en cause la quête de l’égalitarisme entre les hommes et les femmes. C’est encore plus vrai des féministes de la différence comme Antoinette Fouque.

    L’H. : Que reste-t-il du féminisme égalitariste à la Beauvoir ?

    I. G. : Il est majoritaire en France même s’il fait moins de bruit à l’étranger que le féminisme poststructuraliste ou déconstructionniste. Toutes les femmes qui passent des concours et pensent qu’il faut gagner leur vie pour être indépendantes lui doivent quelque chose. Parmi les figures les plus éclatantes, citons seulement la philosophe Elisabeth Badinter ou l’historienne Michelle Perrot.

    Aux États-Unis, la grande théoricienne du genre Judith Butler a reconnu sa dette envers Beauvoir, qui, en définissant le corps comme une partie de la « situation » que la femme doit dépasser, a préparé le terrain pour la déconstruction de l’opposition entre le sexe biologique et le genre social.

    L’H. : Beauvoir a écrit de nombreux récits autobiographiques. Qu’est-ce que l’historien peut en tirer ?

    I. G. : L’autobiographie est un genre littéraire à part entière. Et Beauvoir n’a pas échappé au travail de la mémoire avec ses stratégies et ses ruses. Elle a d’ailleurs toujours dit qu’elle ne dirait pas tout dans ses oeuvres autobiographiques. Michel Contat a parlé à son propos d’une « sincérité très contrôlée » .

    Si ses Mémoires sont sincères et authentiques, c’est par leur ton, leur style. Un style d’ailleurs très performant qui mérite d’être étudié pour lui-même. Mais il lui a fallu évidemment filtrer ses propos et cacher certaines choses pour être acceptée, voire aimée par les lecteurs. En 1960, par exemple, ses relations avec les femmes n’auraient pas été comprises. Elle n’en dit donc rien - il est vrai aussi pour ne pas compromettre certaines personnes. De même, pour correspondre à l’image que l’on avait d’elle après la guerre, celle d’une figure de la gauche non orthodoxe, elle met plus d’engagement dans son attitude sous l’Occupation que les écrits intimes rédigés à l’époque sans intention de publication ne le traduisent.

    L’H. : Mais qu’est-ce qui a poussé Beauvoir à écrire ses mémoires ?

    I. G. : Je pense qu’elle s’est mise à écrire ses Mémoires par culpabilité, après la mort de son amie Zaza. Dans les Mémoires d’une jeune fille rangée , elle accuse les parents de son amie, représentants de la grande bourgeoisie catholique, d’avoir assassiné leur fille en l’empêchant de se marier avec l’homme qu’elle aimait : le philosophe Maurice Merleau-Ponty. On sait que trois semaines avant de mourir de maladie, Zaza avait réclamé désespérément Simone, l’ « éternelle disparue » , à l’hôpital. Beauvoir l’a laissée tomber pour Sartre, avec qui elle avait ses premières relations sexuelles. Elle a ensuite senti sa faute et a eu besoin de se libérer de ce poids. Zaza est en grande partie à l’origine de son entreprise littéraire.

    Dans les Mémoires d’une jeune fille rangée , on sent une spontanéité, une urgence à écrire, à se soulager, qui n’apparaît plus dans les tomes suivants de l’autobiographie. C’est pourquoi je recommande à tout le monde de lire ce livre. Outre sa spontanéité, on y voit comment un individu parvient à dépasser sa situation historique.

    Je recommande aussi le récit de la mort de sa mère, Une mort très douce , écrit en 1963, que Sartre considérait comme son meilleur texte. Là encore, elle se libère. On sent qu’elle va étouffer si elle ne raconte pas cet événement qui la révolte. Une fois sa mère malade, elle se met à sa place et dénonce l’absurdité de la mort. L’ouvrage se clôt sur ces mots magnifiques : « Il n’y a pas de mort naturelle : rien de ce qui arrive à l’homme n’est jamais naturel puisque sa présence met le monde en question. Tous les hommes sont mortels : mais pour chaque homme sa mort est un accident et, même s’il la connaît et y consent, une violence indue. »

    Propos recueillis par Michel Winock.

     

     

     

    Sources /http://www.histoire.presse.fr/actualite/infos/les-trois-vies-de-simone-de-beauvoir-01-01-2008-5493

     

     

     

     

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    Bianca Bienenfeld est, à 17 ans, avec sa professeure de philosophie, Simone de Beauvoir, et le concubin de celle-ci, Jean-Paul Sartre, le troisième élément d'un trio (triangle), le trio de Paris, qui fait suite au trio de Rouen, constitué par le couple avec une autre jeune élève de philosophie de Simone de Beauvoir, Olga Kasakiewicz. Abus d'autorité ? Détournement ? Perversité ? 

     


    Simone de Beauvoir, la "femme libérée", l'aristo-bourgeoise "affranchie", était-elle bien l'esclave pourvoyeuse de chaires fraîches de son "maître" macho ?

    Professeure agrégée de philosophie Bianca Bienenfeld, épouse Lamblin, est l'auteure de Mémoires d'une jeune fille dérangée, Balland, Paris, 1993.

     


    Je me rends compte à présent que j'ai été victime des impulsions donjuanesques de Sartre et de la protection ambivalente et louche que leur accordait le Castor (notedt, Simone de Beauvoir). J'étais entrée dans un monde de relations complexes qui entraînaient des imbroglios lamentables, des calculs minables, de constants mensonges entre lesquels ils veillaient attentivement à ne pas s'embrouiller. 
    J'ai découvert que Simone de Beauvoir puisait dans ses classes de jeunes filles une chair fraîche à laquelle elle goûtait avant de la refiler, ou faut-il dire plus grossièrement encore, de la rabattre sur Sartre. 
    Tel est, en tout cas, le schéma selon lequel on peut comprendre aussi bien l'histoire d'Olga Kosakievicz que la mienne. Leur perversité était soigneusement cachée sous les dehors bonasses de Sartre et les apparences de sérieux et d'austérité du Castor. En fait, ils rejouaient avec vulgarité le modèle littéraire des Liaisons dangereuses
    Mémoires d'une jeune fille dérangée, p.

     


    Puis Simone me raconta son combat pour vaincre les préjugés de son milieu et obtenir le droit de faire des études supérieures, et enfin sa rencontre avec un groupe de normaliens: Herbaud, Sartre et Nizan. Pour clore ce récit, comme en un final habilement préparé, elle me dit: « Celui qui était le plus laid, le plus sale, mais aussi le plus gentil et suprêmement intelligent, c'était Sartre. » Et je sus immédiatement qu'il était l'amour de sa vie. 
    Elle m'exposa quel genre de relations existaient entre eux: pas de mariage, surtout pas de mariage; pas d'enfants, c'est trop absorbant. Vivre chacun de son côté, avoir des aventures sentimentales et sexuelles : leur seule promesse était de tout se raconter, de ne jamais se mentir. En résumé, une liberté totale dans une transparence parfaite. Programme ambitieux! Ils voulaient avant tout vivre une existence riche de voyages, de rencontres, d'études et d'échanges entre gens intelligents, une vie où l'on pourrait donner sa mesure et peut-être atteindre une renommée capable de transmettre une pensée neuve aux générations futures. 
    Ibidem, pp. 32-33


    « Sartre se plaisait dans la compagnie des femmes, qu'il trouvait moins comiques que les hommes; il n'entendait pas, à vingt-trois ans, renoncer pour toujours à leur séduisante diversité. Entre nous il s'agit d'un amour nécessaire: il convient que nous connaissions aussi des amours contingentes », écrit Simone de Beauvoir dans la Force de l'âge. Ainsi apparaît-il, par-delà ce jargon philosophique, qu'en cette première phase de leurs rapports, c'est bien Sartre qui, animé d'un besoin irrépressible de conquêtes féminines, avait imposé au Castor ce pacte qui, si l'on y réfléchit, ne diffère du comportement habituel des hommes mariés, bourgeois ou ouvriers, que par un point important: l'engagement de tout raconter à l'autre des « amours contingentes ». 


    Un second point le rendait original, c'est la réciprocité: du moment que le Castor lui laissait toute liberté, qu'importait à Sartre de savoir qu'elle, de son côté, s'abandonnait à des épanchements amoureux? Au contraire, c'était pour lui une sécurité, un gage de sa propre liberté. D'ailleurs, il profita bien plus tôt et plus souvent qu'elle de cette permission. 


    Ce qui m'apparut, dans le temps où je fis leur connaissance, comme un pacte inédit, mais qui avait un fondement de réciprocité et d'égalité, s'est révélé à moi, bien plus tard, comme un « truc» inventé par Sartre pour satisfaire ses besoins de conquête, et que Simone de Beauvoir avait été contrainte d'accepter. Toute la justification philosophique élaborée sur ce thème cachait une espèce de chantage: « C'est à prendre ou à laisser! » Et puis, avec de beaux discours, que ne peut-on obtenir? Sur ce chapitre, Sartre était imbattable. Castor avait peut-être été sa première dupe. 
    Ibidem, pp. 38-39


    C'est de ce contact à la fois montagnard et philosophique que datent mes relations avec Sartre. Dès ce moment, il me fit une cour assidue et nous commençâmes à sortir ensemble. 


    J'avais un peu plus de dix-sept ans et lui en avait trente-quatre. A l'époque, j'avais trouvé tout naturel qu'il me recherchât et n'y avais pas vu malice. Aujourd'hui, je peux mieux comprendre la manœuvre: il y avait une véritable complicité de la part du Castor qui n'ignorait pas le besoin de conquêtes de son compagnon. Si elle avait voulu m'éviter d'être l'objet des entreprises de Sartre, elle ne m'aurait pas tout d'abord envoyée au café des Mousquetaires, ensuite elle n'aurait pas combiné la rencontre de Megève. 


    Ce que je pense maintenant, c'est que non seulement elle admettait que Sartre s'éprenne de très jeunes filles, mais qu'elle lui faisait connaître certaines d'entre elles. Je pense que déjà il s'éloignait d'elle, tout au moins du point de vue sexuel, et qu'ainsi elle créait avec lui un autre lien, par procuration. Par là elle imaginait pouvoir contrôler la nouvelle relation amoureuse de son panenaire, trouvant de la sorte une espèce de compromis entre les termes de leur pacte - accepter une totale liberté sur le plan amoureux - et son inquiétude latente. 
    Ibidem, pp. 49-50


     Sartre et Beauvoir en 1940 


    Au mois de février 1940, Castor (Beauvoir), qui paraît avoir changé de ton, relate une grande conversation que nous avons eue au Hoggar: « Il faut dire qu'elle était émouvante, toute contenue et grave, appliquée et silencieuse, me souriant de temps en temps et de temps en temps retenant ses larmes - elle était belle, d'ailleurs, hier. Ça m'a fait vache de penser au coup qui allait lui tomber sur la tête... » 


    En effet, vers la fin du mois, sans aucun préavis je reçus brusquement la lettre de Sartre m'annonçant que tout était fini entre lui et moi. Aucune raison valable n'était donnée. Le seul argument évoqué était que l'éloignement avait « desséché» ses sentiments (mais ni ceux pour le Castor, bien entendu, ni ceux pour Wanda n'avaient subi le même triste sort). 


    Le choc a été d'autant plus rude qu'il était totalement inattendu: toutes les lettres précédentes étaient chaleureuses, tendres, amoureuses. Rien ne s'était passé entre nous qui pût me faire prévoir une rupture si soudaine. J'étais complètement désemparée, je ne comprenais pas. Très vite, cependant, à mon chagrin se mêla une blessure d'amour-propre: je sentis comme une gifle, quelque chose qui non seulement fait mal, mais qui humilie. Je me demandais quelle valeur il fallait accorder à toutes les lettres d'amour que j'avais reçues semaine après semaine, l'une d'elles trois jours auparavant, si en un instant l'amour pouvait être dissipé comme un mauvais rêve. 
    Je compris que les prétendus sentiments de Sartre envers moi n'étaient que du vent, que des mots, une lamentable comédie. Mais pourquoi avait-il jugé bon de me jouer cette comédie? J'étais atteinte dans ma dignité comme s'il m'avait prise pour une putain, à qui suffisent les simulacres de l'amour. 
    Ibidem, pp. 79-80


    Mes parents, il faut le savoir, étaient absolument irréligieux, décidément athés; ils avaient milité dans des groupes de Juifs socialistes dans leur jeunesse en Pologne, et n'éprouvaient que méfiance envers les synagogues et les rabbins. 
    En France, je n'avais aucun contact avec le judaïsme traditionnel, sauf lorsque j'allais voir mes grand-mères. Avec ma grand-mère paternelle, je tentais de communiquer en polonais: chez elle, j'avais vu les préparatifs du shabbat, les jolies bougies sur le manteau de la cheminée, mais, comme font les enfants, je ne m'interrogeais pas, je ne connaissais pas la signification de ce rituel. Mon autre grand-mère (qui était en même temps celle de Georges Perec) tenait une toute petite épicerie à Belleville, je la voyais peu, toujours dans sa boutique où l'on ne parlait que le yiddish auquel je n'entendais goutte. 
    De toute mon enfance je suis peut-être allée deux fois dans une synagogue, lors du mariage de mes tantes. C'est dire que la qualité de Juive ne pouvait avoir pour moi qu'un sens extérieur, presque étrange. En conformité avec l'éducation que j'avais reçue, mon attitude constante était de me sentir indiscernable des autres enfants. 
    Ainsi s'explique la violence extrême de ma réaction aux propos de M. Perrault: comme je ne donnais pas de sens clair à l'identité juive que l'on m'appliquait de l'extérieur, s'il refusait de me reconnaître comme Française, il me dépouillait de ce que je considérais comme mes vraies racines et me laissait nue et sans défense devant les hitlériens. 
    Ibidem, pp. 100-101


    A présent, le triangle était totalement brisé. J'étais lamentablement larguée, et cette double exécution se passait en 1940. A l'effondrement du pays sous le poids de l'armée hitlérienne, à la soumission abjecte des autorités de Vichy aux lois nazies, répondait, sur le plan personnel, une tentative délibérée de m'anéantir moralement. 


    Ce que je peux dire, maintenant que tant d'années sont passées sur cette blessure, c'est qu'en dépit des apparences, en dépit de la faculté que j'avais à me « rétablir » et de construire une existence nouvelle, j'ai porté toute ma vie le poids de cet abandon. Pour décrire ce qui s'est passé en moi en ces circonstances, je ne peux que me servir de l'image d'un homme qui se noie: il s'accroche à une planche et réussit par miracle à survivre. De même, malgré mon désespoir réel, je me suis instinctivement cramponnée à la vie, et j'ai réussi à ne pas sombrer corps et biens. 
    Ibidem, p. 107


    Nous nous sommes mariés (Bianca Bienenfeld et Bernard Lamblin), sans cérémonie, le 12 février 1941 à la mairie du 16e arrondissement. En sortant du restaurant où nous avions fêté l'événement, nous avons vu défiler une escouade de soldats allemands qui chantaient sur un rythme martial. Sombre présage. 
    Puis nous nous sommes remis au travail, car nous devions passer certains certificats, qui avaient été retardés. C'est seulement après avoir réussi nos examens que nous sommes partis nous reposer au Pays basque. Nous étions épuisés, mais heureux d'être ensemble, de nous promener le long des plages désertes ou dans les collines. 
    Cependant, la réaction à tout ce que je venais de vivre s'abattit sur moi brutalement, et je fis une véritable dépression. Tous les soirs, avant de m'endormir, je pleurais longuement. Je ne pouvais empêcher ces sanglots, tout en me rendant compte qu'ils devaient blesser Bernard. Mais il était si compatissant, si tendre et si doux que sa seule présence me réconfortait: je vis que je pouvais compter sur lui. J'allais voir un médecin qui tenta de me soigner en me faisant des piqûres. 
    N'empêche que ce n'était pas un début de vie commune très encourageant: il fallut à Bernard tout son amour et sa générosité pour l'accepter. 
    Ibidem, pp. 112-113


    La vie pendant l'Occupation était faite de toutes sortes de sentiments, d'émotions: l'angoisse, l'oubli, l'horreur, le comique, le burlesque, tout se mélangeait. Un jour où nous nous promenions, Bernard et moi, sur les Grands Boulevards, nous regardions une vitrine lorsque tout à coup quelqu'un frappa sur l'épaule de Bernard: nous nous retournâmes pour nous trouver face à Simone Kamenker, une de ses amies, celle qui deviendra plus tard Simone Signoret. 
    Voyant que je n'avais pas d'étoile sur ma veste (elle non plus d'ailleurs !), elle s'exclama à voix haute: « Mais tu ne devrais pas te promener comme cela, c'est très dangereux, très risqué! » Nous lui avons fait signe de se taire et rapidement avons pris la fuite. Il eût suffi qu'un milicien, un simple dénonciateur (il n'en manquait pas alors) ou un Allemand zélé se soit trouvé là pour que je finisse ma vie dans un camp. 
    Ibidem, p. 118

    10 
    Pour finir ces évocations, je veux encore raconter comment, un jour, vers la fin de sa vie, Simone de Beauvoir me posa l'ultime question: « Que penses- tu, en fin de compte, de notre amitié, de toute notre histoire?» 
    Après avoir réfléchi un moment, je lui ai répondu: « Il est vrai que vous m'avez fait beaucoup de mal, que j'ai beaucoup souffert par vous, que mon équilibre mental a failli être détruit, que ma vie entière en a été empoisonnée, mais il est non moins vrai que sans vous je ne serais pas devenue ce que je suis. Vous m'avez donné d'abord la philosophie, et aussi une plus large ouverture sur le monde, ouverture que je n'aurais sans doute pas eue de moi-même. Dès lors, le bien et le mal s'équilibrent. » 
    J'avais parlé spontanément, avec sincérité. Simone de Beauvoir me serra les mains avec effusion, des larmes plein les yeux. Un grand poids de remords était enfin tombé de ses épaules.

    Pourtant, lorsque, quatre ans après sa mort, j'ai lu les Lettres à Sartre et le Journal de guerre, lorsque, après avoir décidé de rédiger ma version des faits, je réfléchis à mes propos d'alors, je me rendis compte que ma réponse était encore enveloppée dans cette brume dont mon esprit était toujours nimbé et ne pouvait donc contenir qu'une vérité tronquée. 
    Sans doute aussi la mort de Simone de Beauvoir m' avait-elle libérée. Par-delà la mort, elle m'avait envoyé cet ultime message: j'avais reçu en plein visage la figure de sa vérité et de la vérité de nos rapports anciens. 
    Mes yeux étaient enfin dessillés. Sartre et Simone de Beauvoir ne m'ont fait, finalement, que du mal. 
    Ibidem, pp. 207-207

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    Autre "trio" ?  Simone de Beauvoir, son amant Nelson Algren, et la jeune Olga Kosakiewicz

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    Hazel Rowley : Tete-a-tete: The Tumultuous Lives and Loves of Simone De Beauvoir and John-paul Sartre, Harper Perennial, London, 2006 ; Tête-à-tête. Beauvoir et Sartre : un pacte d'amour, Grasset, Paris, 2006.

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