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Par Dona Rodrigue le 13 Avril 2016 à 21:04
ORIGINE - OPERA :
ou le "marché aux putains" de la SOCIETE BOURGEOISE
Au XVIIIe siècle, les alentours des salles de spectacles étaient des endroits très fréquentés par les prostituées.
On disait d’ailleurs de l’Opéra qu’il était le « marché aux putains ».
Les mères vendent leurs filles ratées
- MERES PEU SCRUPULEUSES !
♥ L’Opéra, lieu de paraître ♥
Au début du XIXème siècle, dans l’imaginaire social, la danse demeure l’activité érotique féminine par excellence :
le corps est montré, les courbes mises en valeur.
Difficile alors de dire si ces messieurs sont là pour apprécier les qualités artistiques des danseuses, où admirer la sensualité des corps !
Car oui, le public est essentiellement masculin…
L’Opéra de la rue de Richelieu, puis celui de la rue Le Peletier, puis enfin l’Opéra Garnier sous le Second Empire sont, depuis la fin du XVIIIème siècle, le lieu de rencontre du Tout-Paris.
Cette « bourgeoisie triomphante », qui se compose essentiellement d’hommes, est à la recherche de reconnaissance sociale.
Mais pas que ! Le PLAISIR ! souvent refusé par leurs épouses.. celà ne se fait pas d'aimer l'Amour !
Avides de plaisirs, et parfois très fortunés, les jeunes gens du monde recherchent une société bien spécifique de femmes.
Pas d’épouses mères de famille, considérées comme fécondes mais frigides et par conséquent inaptes au sexe :
ce monde de divertissements et de plaisirs leur est tacitement interdit.
Ce sont plutôt de jeunes femmes libres de mœurs, sensuelles et libertines : les danseuses.
Certes, dans ce lieu particulièrement propice aux galanteries qu’est L’Opéra, on ne rencontre pas que des ballerines !
On y croise aussi des chanteuses et des cantatrices.
Mais elles ont une réputation plus respectable, et ne tiennent pas à se mêler à ces petites ballerines sans morale.
En effet, depuis l’Ancien Régime, les danseuses sont connues pour la légèreté de leur conduite.
Mais ce n’est pas toujours par goût personnel pour le libertinage !
Dès leur plus jeune âge, poussées par des mères sans scrupules, ces jeunes filles s’enferment dans un terrible engrenage.
♥ La danse, une parade à la misère ♥
Au début du XIXème siècle, si l’on fait exception de quelques ballerines à la renommée internationale, toutes les danseuses de l’Opéra sont issues de familles particulièrement pauvres et démunies.
Classes désargentées, défavorisées, souvent illettrées.
Celle qui a l’opportunité de devenir danseuse devient l’espoir de sa famille : enfin, on va pouvoir sortir de la misère !
C’est sur les frêles épaules d’une toute jeune fille que repose l’avenir de sa famille.
Elle a le devoir de procurer une vie meilleure aux siens.
Et comment ne pas rêver à une existence dorée pour elle-même, parmi les gens du monde ?
L’Opéra est, pour la ballerine, une sorte de piédestal d’où elle s’élance pour essayer d’accéder à la classe aisée.
Mais si certaines y parviennent,
c’est d’abord une logique de dépendance aux hommes.
♥ Les « mères » : entremetteuses sans scrupules ♥
Qu’elles soient réellement mères, ou bien tantes, amies, cousines, celles que l’on appelle les « mères » sont des intermédiaires incontournables entre les jeunes filles et tous ces hommes qui les environnent.
Mlle Marconnier – Album Reutlinger (Gallica BNF)
Elles sont autorisées à assister aux leçons, à sermonner, jouant les chaperons pour ces petites demoiselles qui, lorsqu’elles entrent à l’Opéra, ont rarement plus de treize ou quatorze ans.!!!
Mais si la prostitution avait cours à l’extérieur, au XIXe siècle, elle s’exerçait aussi à l’intérieur, les danseuses faisant commerce de leurs charmes
(plus ou moins volontairement).
Il n’était d’ailleurs pas rare, au foyer des artistes de l’Opéra, derrière la scène, de trouver des mères venant ‘vendre’ leurs filles, danseuses plus ou moins ratées, aux messieurs les plus offrants.
Mais alors que beaucoup de danseuses se contentaient d’effectuer des passes, certaines des plus cotées devenaient des maîtresses
attitrées de messieurs de la haute société qui, laissant leurs épouses à leur domicile,
’affichaient volontiers avec leur proie à laquelle ils offraient un logement et train de vie généralement plus que décent.
En réalité, ces gouvernantes malhonnêtes et immorales ne pensent qu’à tirer profit de la situation.
Pour que sa protégée appâte la gente masculine, la « mère » lui apprend l’art de la séduction.
Tout un programme :
(…) Des leçons d’œillades et de jeux de prunelles comme on apprend aux enfants d’ordinaire la géographie et le catéchisme.
Les jeunes filles ne doivent plus songer qu’à se comporter en aguicheuses patentées, être belles et désirables.
Théophile Gautier ne manque pas de relever les résultats effrayants de cette éducation licencieuse :
La jeune ballerine est à la fois corrompue comme un vieux diplomate, naïve comme un bon sauvage ; à 12 ou 13 ans,
elle en remontrerait aux plus grandes courtisanes
♥ Des femmes fières ♥
Tout commence par une volonté de moralisation de l’Opéra, notamment l’Opéra Garnier.
Les mères, à la fin du XIXème siècle, n’ont plus accès à l’établissement.
Changement considérable : soudain, les jeunes filles sont libres de se donner ou non à un homme qu’elles choisissent elles-mêmes. Celles qui affichent un peu trop ouvertement leur statut de prostituées, faisant honte à l’établissement, sont sévèrement réprimandées voir renvoyées.
Ainsi, en même temps que leur statut se modifie, la réputation des ballerines devient plus respectable, et leur comportement, naturellement, se transforme.
L’Opéra est de plus en plus fréquenté par les élites sociales. Les messieurs ne viennent non plus uniquement en chasseur, mais presque d’égal à égal avec les demoiselles qui, pudiques, se font discrètes et évitent leur regard.
Les hommes ne sont plus là pour faire leur choix comme sur l’étal d’un marché.
A eux de séduire, de montrer qu’ils respectent une certaine distance devant ces femmes fières.
Seules les danseuses les plus désespérées continuent à effectuer des passes. Nombreuses sont celles dont la réputation demeure intacte, telle Carlotta Zambelli qui, devenue professeur de danse à l’Opéra, encourage même ses élèves à rester indépendantes, alors que sa propre époque a été celle des abonnés et des courtisanes… La belle et aristocrate Cléo de Mérode également (certes davantage connue pour ses photographies que pour ses exploits sur scène), est célébrée pour sa chaste sensualité, toute de pudeur et de romantisme.
Certaines danseuses réussissent à dénicher un bon parti : elles deviennent les maîtresses attitrées de messieurs de la haute société, qui s’affichent avec elles en leur offrant un train de vie décent, voir opulent, et parfois même un logement.
Mlle Garbagnati – Album Reutlinger (Gallica BNF)
Et c’est de ces dépenses d’entretien de leur maîtresse danseuse que vient notre expression dont le sens, par extension, a évolué vers toutes les dépenses très, voire trop importantes consacrées à une passion.
Le lien mère/fille, ou éducatrice/danseuse, tel qu’il s’exprime au cours de l’apprentissage de la danse classique, est ici discuté à deux époques différentes, lexixe siècle et la période actuelle, à partir de témoignages écrits sur la vie des élèves dans l’Opéra ancien et d’enquêtes orales auprès de danseuses contemporaines. Il en ressort qu’au xixe siècle comme aujourd’hui, mères et éducatrices ne permettent pas à ces jeunes filles d’accéder facilement au statut de femme ; les jeunes danseuses du xixe siècle n’avaient pour certaines pas de liberté dans leur choix matrimonial, devaient pour d’autres subvenir aux besoins de leur famille, tandis qu’aujourd’hui mères et éducatrices les maintiennent dans le statut de « fille ».
« Tu seras étoile, ma fille ». (France, xixe-xxe siècle)
Virginie Valentin
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Se transformant en véritables maquerelles, les « mères » négocient âprement les charmes de leurs filles. L’heureux élu est vieux et laid, et la danseuse n’a aucune inclinaison pour lui ? Il a beaucoup d’argent, alors elle n’a pas son mot à dire. Le vieux monsieur peut violer sa fille « avec sa bénédiction ». Souvent, la « mère » n’accepte de se séparer de sa fille que si son protecteur est assez fortuné pour les entretenir toutes les deux !
Une toile d’Edgar Degas intitulée « La leçon de danse » (ci-dessous) montre une « mère » au centre de la salle de danse, examinant une jeune fille comme une maquerelle le ferait avec sa marchandise. La posture de la seconde ballerine, à gauche, la tête appuyée dans sa main, le coude sur la cuisse, interpelle : concentration, amertume, accablement ? Difficile à dire… De nombreuses toiles dévoilent la présence angoissante de ces « mères » qui ont tout pouvoir (cliquez ici, ou bien encore ici !)
La leçon de danse, par Edgar Degas (1879, National Gallery of Art, Washington)
Celles qui ne sont pas poussées par leur mère à se donner à un homme le font de leur plein gré. Sans la protection d’un homme riche, et si possible titré, impossible d’accéder à une reconnaissance professionnelle !
♥ Le foyer de l’Opéra ♥
Sans identité propre, dépourvue d’instruction et de culture, il ne reste à la danseuse que la séduction et la ruse, seules armes dans ce métier où l’élément masculin détient le pouvoir.
Le système « d’abonnés » facilite les rencontres entre les filles et leurs protecteurs. La plus grande distinction pour un habitué de l’Opéra est de devenir « abonné » : cela lui donne accès aux coulisses et, surtout, au foyer de la danse où se retrouve toutes les danseuses pendant les répétitions, les entractes ou avant le spectacle (pratique officialisée en 1831 par Louis Véron, premier administrateur de l’Opéra).
Ces messieurs en habit noir (financiers hauts placés, mondains célèbres, protecteurs divers, grands noms de la noblesse), peuvent prendre contact plus facilement avec les danseuses, les observer dans leur intimité et faire leur choix…
La démocratisation de l’accès au foyer de la danse qui va de pair avec l’abandon du régime aristocratique entraîne (…) une dévalorisation sociale des ballerines.
Mais si certaines ballerines affichent un réel statut de prostituées, la grande majorité ne cherche un protecteur que pour pouvoir faire carrière, exercer son art. Là réside la différence fondamentale entre les filles des maisons closes et les ballerines. C’est la danse qui légitime leur situation d’amante, et seulement la danse !
Même si « les frontières entre ces deux états sont bien fragiles », le statut des danseuses connaît des embellies au cours de ce XIXème siècle.
Progressivement, elles obtiennent respectabilité et relative indépendance.
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Par Dona Rodrigue le 13 Avril 2016 à 14:27
Épouses et concubines :
procréation et passion
Mais alors que beaucoup de danseuses se contentaient d’effectuer des passes, certaines des plus cotées devenaient des maîtresses
attitrées de messieurs de la haute société qui, laissant leurs épouses à leur domicile,
s’affichaient volontiers avec leur proie à laquelle ils offraient un logement et train de vie généralement plus que décent.
Et c’est de ces dépenses d’entretien de leur maîtresse danseuse que vient notre expression dont le sens, par extension, a évolué vers toutes les dépenses très, voire trop importantes consacrées à une passion.
Théâtres, cabarets, actrices, chanteuses…
Cela dit, l’Opéra n’avait pas du tout l’exclusivité des danseuses prostituées ou, dit plus élégamment au vu du beau monde qu’elles fréquentaient parfois et de la manière moins systématique avec laquelle elles faisaient commerce de leur corps, les courtisanes, la danse classique n’étant pas la seule touchée par ce phénomène ‘artistique’ qui concernait aussi bien les théâtres que les cabarets, les actrices que les chanteuses et danseuses. Il suffit de se rappeler de quelques noms célèbres comme Lola Montès,
la belle Otero ou Liane de Pougy, pour ne citer qu’elles.
« Je viens enfin de recevoir ta boîte merveilleuse de compas !
Tu es archi-fou,
je t’assure que tu as besoin d’un conseil judiciaire.
Je suis ta danseuse, ton écurie, ta collection, je te reviens à des prix fous. »
– André Gide – Correspondance 1890-1942
https://matricien.org/patriarcat/sociologie/prostitution/prostitution-mondaine/
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Par Dona Rodrigue le 18 Mars 2016 à 10:44
Un portrait de Simonetta Vespucci (c. 1474)
Simonetta Cattaneo de Vespucci (née Simonetta Cattaneo de Candia à Gênes en 1453 - morte à Florence le26 avril 1476 de la tuberculose), fille de Gaspar Cattaneo della Volta et Cattocchia Spinola de Candia, surnommée « la bella Simonetta » ou « La Sans Pareille », était la femme de Marco Vespucci de Florence et de fait, la cousine par alliance du navigateur Amerigo Vespucci. Connue pour avoir été la maîtresse de Julien de Médicis, le jeune frère de Laurent le magnifique, elle eut, à Florence, la réputation d'être la plus belle femme de son époque. C'est certainement ce qui explique qu'elle servit de modèle à de nombreuses œuvres majeures de la Renaissance et qu'elle inspira de nombreux poèmes.
Elle a été modèle de nombreux portraits de Botticelli.
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Par Dona Rodrigue le 13 Mars 2016 à 12:13
Boule de Suif, un exemple littéraire...
"La femme, une de celles appelées galantes, était célèbre pour son embonpoint précoce qui lui avait valu le surnom de Boule de Suif.
Petite, ronde de partout, grasse à lard, avec des doigts bouffis, étranglés aux phalanges, pareils à des chapelets de courtes soucisses; avec une peau luisante et tendue, une gorge énorme qui saillait sous sa robe, elle restait cependant appétissante et courue, tant sa fraîcheur faisait plaisir à voir.
Sa figure était une pomme rouge, une bouton de pivoine prêt à fleurir; et là-dedans s'ouvraient, en haut, deux yeux noirs magnifiques, ombragés de grands cils épais qui mettaient une ombre dedans; en bas, une bouche charmante, étroite, humide pour le baiser, meublée de quenottes luisantes et microscopiques.
Elle était de plus, disait-on, pleine de qualités inappréciables.
Aussitôt qu'elle fut reconnue, des chuchotements coururent parmi les femmes honnêtes, et les mots de "prostituées", de "honte publique" furent chuchotés si haut qu'elle leva la tête. Alors elle promena sur ses voisins un regard tellement provocant et hardi qu'un grand silence régna, et tout le monde baissa les yeux à l'exception de Loiseau, qui la guettait d'un air émoustillé.
Mais bientôt la conversation reprit entre les trois dames, que la présence de cette filles avait rendues subitement amies, presque intimes.
Elles devaient faire, leur semblait-il, comme un faisceau de leurs dignités d'épouses en face de cette vendue sans vergogne; car l'amour légal le prend toujours de haut avec son libre confrère."
"Tous les regards étaient tendus vers elle. Puis l'odeur se répandit, élargissant les narines, faisant venir aux bouches une salive abondante avec une contraction douloureuse de la mâchoire sous les oreilles.
Le mépris des dames pour cette fille devenait féroce, comme une envie de la tuer ou de la jeter en bas de la voiture, dans la neige, elle, sa timbale, son panier et ses provisions."
Ces passages de Boule de Suif nous montre qu'on porte un regard négatif et méprisant sur les prostituées. Les femmes mariées ne veulent pas entrer en contact avec Boule de Suif, une prostituée.
Elles veulent éviter le phénomène de "contagion sociale".
Elles méprisent Boule de Suif, en la considérant comme inférieure, sale, honteuse, pas fréquentable. Elle est synonyme de foyer d'infection, que l'on doit éviter; elle provoque même le dégoût chez ces dames.
Boule de Suif ne doit pas se mélanger à ces "femmes honnêtes" et ne doit pas atteindre "leurs dignités d'épouses".
On constate donc par cette oeuvre, que les prostituées sont mises en retrait, rejetées par la société.
http://prostituees-maisonscloses.e-monsite.com/pages/boule-de-suif-un-exemple-litteraire/
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